Divers édifices du Cantal susceptibles de dater du Ier millénaire (page 3/5)
Les deux édifices étudiés dans cette page sont : la
basilique Notre-Dame-des-Miracles de Mauriac, l’église
Saint-Pierre de Menet.
La
basilique Notre-Dame-des-Miracles de Mauriac
Une première analyse de cette église a été effectuée en
2018. Voici ce que nous avions écrit à cette occasion :
Nous n’avons pas visité la basilique Notre-Dame-des-Miracles
de Mauriac. Voici un extrait de la description de cette
église par la page qui lui est consacrée sur le site
Internet Wikipedia : « À
partir de la chronique du moine sénonais Clarius, les
historiens admettent que le monastère de Mauriac aurait
été fondé en 818 par l'archevêque de Sens, Jérémie, sur
des domaines appartenant à l'abbaye Saint-Pierre-le-Vif à
la demande de l'abbé Frodbertus pour éviter leur pillage.
Il semble que, dès le VIIe siècle, la ville
avait une importance suffisante pour qu'on y frappe de la
monnaie. Il ne semble pas que la ville ait eu à souffrir
d'incursions des Sarrasins. ». L’église Notre-Dame
des miracles pourrait donc remonter au IXesiècle,
voire plus encore. Cependant les images
1 et 2 de l’extérieur et celles 3
et 4 de l’intérieur ne nous permettent pas
d’envisager une telle datation. Nous y voyons plutôt une
construction du XIe siècle. La nef est à trois
vaisseaux avec piliers de type
R1111 et arcs doubles reliant les piliers. Il
s’agit là d’éléments caractéristiques d’une datation tardive
des monuments antérieurs à 1200. Les
images 5 d’un sagittaire et
6 d’un chapiteau portant deux lions encadrant un
agneau ne remettent pas fondamentalement en cause cette
datation.
Datation envisagée
pour la basilique Notre-Dame-des-Miracles de Mauriac : an
1075 avec un écart de 75 ans.
Ajout
le 20 décembre 2024
Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie
d'Alain et Anne-Marie Le Stang. Les 27 images
suivantes de 7 à 33
ont été prises lors de cette visite.
Les images précédentes avaient été capturées sur Internet.
Même si ces images sont de bonne qualité et permettent de se
faire une idée assez correcte, elles restent superficielles
par rapport à une visite sur place. Car cette visite permet
de découvrir des détails restés ignorés.
C'est ce qui s'est passé en ce qui concerne la basilique
Notre-Dame-des-Miracles de Mauriac. Sur les images à notre
disposition, nous n'avions pas repéré les statuettes logées
dans la voussure supérieure du portail central (image
8). Elles représentent les signes du Zodiaque. Il
faut lire cette bande sculptée en commençant par la droite.
Image 9 :
Le Bélier et le Taureau. En bas à droite, une bête
maléfique (un ours ?) fait mine de s'attaquer au troupeau.
Mais un bélier lui fait front. Pendant que derrière
celui-ci, deux moutons poursuivent leur marche en direction
de la gauche. Ils sont précédés par le second signe, le
Taureau.
Image 10 :
Les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge et la
Balance. Le signe du Cancer a disparu mais les autres signes
sont reconnaissables. Remarquer que le lion porte une queue
feuillue.
Image 11 :
Le Scorpion, le Sagittaire et le Capricorne.
Remarquer que tous ces animaux sont des hybrides.
Image 12 : Le
Verseau, les Poissons. La liste s'achève avec quatre agneaux
qui poursuivent leur chemin en direction de la gauche.
En art roman, nous n'avons envisagé que le caractère
divinatoire, astrologique attribué à ces représentations.
Nous avions oublié que la bande zodiacale est avant tout la
localisation céleste de constellations d'étoiles. Doté de sa
bande zodiacale, la voussure du portail représenterait le
ciel . Ou plutôt un des cieux, les autres voussures
concentriques représentant les autres cieux. Il n'y a donc
pas de magie dans cette représentation mais l'affirmation
qu'en entrant dans cette église, vous pénétrez dans le Ciel.
Le plan de l'image 14 nous
fait découvrir que la nef est à trois vaisseaux avec trois
absides en prolongement des vaisseaux. Ce plan est selon
nous primitif. Le type d'église ayant ce plan a précédé
celui des églises dotées d'un transept. Mais ici il y a un
transept. Cependant, on remarque que la largeur de ce
transept correspond à deux travées de nef. Il est donc
possible que ce transept ait été bâti sur deux travées de
nef ultérieurement à la construction initiale.
Le problème se complique avec la forme des piliers et des
arcs brisés qui semblent appartenir à une période plus
récente (image 15).
Cependant, sur l'image
17 de deux travées de l'église, on réalise que
l'arc de gauche est brisé, alors que celui de droite, voisin
du transept, est en plein cintre. Ces arcs en plein cintre
se retrouvent sur les absides du chevet (images
18 et 19). Tout cela révèle une complexité dans
l'évolution architecturale dont nous n'avions pas conscience
au premier abord.
Les deux chapiteaux de l'image
20 sont typiques de la région de Mauriac. Et à ce
sujet, nous avons constaté dans cette église et d'autres de
la région que les chapiteaux historiés étaient situés, soit
très haut dans la nef et le transept, soit dans les
bas-côtés. Mais pas ceux de la nef à portée de vue peu
chargés en ornementation. Il est possible que cette
disposition soit volontaire afin de ne pas distraire
l'attention des fidèles.
Image 22 :
Chapiteau au lion dominant. Ce type de décor est fréquent et
en général difficile à décrypter car on ignore quelle est la
fonction du lion : dévorant ? protégeant ? Dans la plupart
des cas, il n'y a pas un lion mais deux, symétriques, chacun
sur une face de chapiteau, les têtes réunies en une seule
sur les angles. La disposition ici présente est est quant à
elle éloquente. Ce lion, à queue feuillue, est protecteur,
paternaliste. Il pose sa patte sur l'homme nu (allusion à
une autre scène historiée : l'homme nu surgissant des
feuillages). Il lèche la tête de l'homme, à l'air réjoui. Un
quadrupède plus petit (un loup ?) lèche la tête du lion,
peut-être par soumission à celui-ci. Nous avons sans doute
là un exemple des relations entre deux types de pouvoirs :
le temporel et le spirituel.
Image 23 : Hommes
et serpents entrelacés.
Image 24 :
Animaux affrontés.
Image
25 : Atlantes ? Hommes aux jambes dressées ?
Image 26 : Est-de
la scène du jugement dernier, avec les trompettes qui
sonnent ce jugement ?
Les fonts baptismaux
Un texte placé à proximité, que nous n'avons pas
photographié dans son intégralité, donne les précisions
suivantes : «
Vers le IVe siècle, le baptême conféré par
l'évêque aux jours fixés par la liturgie se faisait par
immersion dans le baptistère, construction ronde ou
octogonale proche d'une cathédrale. Au VIIe
siècle, cette pratique disparaît au profit du baptême par
infusion : le baptistère est remplacé par les fonts
baptismaux, ces cuves de pierre ou de métal, souvent très
ornées placées à l'entrée ou à l'intérieur des églises.
La cuve baptismale de Mauriac, du XIIe siècle,
en trachyte sculpté, ronde et évasée en haut. [...]
Elle
est divisée en 14 arcatures, renfermant chacune un sujet
sculpté se rapportant au baptême, sauf les deux dernières
qui, pour l'abbé Chabau, évoquent l'artisan. ».
Ce texte que nous estimons un peu trop simple est révélateur
de l'évolution de la liturgie du baptême, du baptême par
immersion en baptême par infusion. En fait, le baptême par
immersion a commencé dès les débuts du christianisme, au
premier siècle (avant même les débuts puisque Jésus a été
baptisé par Jean avant sa prédication), donc bien avant le
IVe siècle. Les baptistères ont existé bien après
le VIIe siècle, et, si, l'on devait se fier aux
historiens de l'art, certains comme celui de Pise, auraient
été construits, au XIIIe siècle, donc longtemps
après la pratique du baptême par infusion.
Toujours dans le même ordre d'idée, la cuve baptismale que
nous avons ici serait, selon l'auteur, datée du XIIe
siècle. Sachant que tout objet liturgique est
systématiquement daté du XIIe siècle ou
postérieur à cette date, cela ne nous surprend pas. Mais
nous ne sommes obligés de constater que les paroissiens de
Mauriac ont attendu 6 siècles (du VIIe au XIIe
siècle) pour être enfin baptisés. À moins bien sûr qu'il y
ait eu auparavant une autre cuve baptismale. Mais dans ce
cas, il faudrait chercher à savoir ce qu'elle est devenue.
Cela étant, ami lecteur, nous cherchons à savoir quand se
sont opérés les changements en matière de liturgie du
baptême. Il doit bien y avoir des textes de conciles
régionaux qui fixent les diverses modalités (baptêmes par
infusion, baptêmes d'enfants, baptêmes collectifs...). Si,
donc, ami lecteur, vous avez une information sur ces textes,
sachez que nous sommes preneurs.
Image 28 : De
gauche à droite, les arcatures 14, 1, 2 , 3.
Image 29 : De
gauche à droite, les arcatures 2, 3, 4, 5.
Image 30 : De
gauche à droite, les arcatures 4, 5, 6, 7, 8.
Image 31 : De
gauche à droite, les arcatures 7, 8, 9, 10, 11.
Image 32 : De
gauche à droite, les arcatures 9, 10, 11, 12.
Image 33 : De
gauche à droite, les arcatures 12, 13, 14.
Sous l'arcature 1, le Christ au nimbe crucifère est
représenté sur son trône céleste.
Sous l'arcature 2, c'est l'Agnus Dei qui est représenté
portant une croix pattée.
Sous l'arcature 4, scène des « Hébreux dans la fournaise » ?
Sous l'arcature 6, le Baptême du Christ.
Sous l'arcature 8, Sceau contenant une Croix Pattée.
Sous les arcatures 9, 10, 11 et 12, successivement, les
symboles des Évangélistes : Saint Jean (Aigle), Saint
Mathieu (Homme), Saint Marc (Lion), Saint Luc (Taureau).
Datation envisagée
pour le baptistère : an 750 avec un écart de 150 ans.
Nouvelle datation envisagée
pour la basilique Notre-Dame-des-Miracles de Mauriac : an
1100 avec un écart de 50 ans.
L’église
Saint-Pierre de Menet
Cette église a été visitée par nos soins en 2018, une visite
rapide d’une heure qui ne permettait pas de tout évaluer.
Son analyse a été publiée sur ce site la même année 2018.
Voici ce que nous avons écrit à cette occasion :
« À l’extérieur, les façades Est (image
34) et Sud (image
35) très restaurées ne sont pas significatives. La
façade Ouest (image 36)
est quant à elle romane, même si on y repère des traces de
modification. On y repère tout en haut, sous l’horloge et
encadrant l’arc supérieur de la fenêtre, deux bas-reliefs
placés ici en remploi. Celui de gauche (image
37) représente une sorte de sirène, aux bras et
jambes levés, celui de droite un orant aux bras levés (image 38). On retrouve
une image très stylisée de la sirène dans l'image
39. Et
deux autres d’orants (images
40 et 41). »
Poursuivons la lecture du texte de 2018
:
« Les images 42, 43 et 44
font apparaître une nef à trois vaisseaux. Les piliers sont
de type R1111. Les arcs joignant entre les piliers sont
simples (image 44).
Le plan de l'image 45 montre
que l’église primitive était à 4 travées et que le transept
a été fait à partir de la première travée. On constate sur
cette première travée que le pilier est de type R1011.
Il est possible que primitivement, tous les piliers aient
été de type R1010.
Et que des demi-colonnes aient été adossées pour soutenir
les voûtes remplaçant les charpentes primitives (image
46).
Le chapiteau des images
47 et 48 représente une scène apparemment simple :
un homme et une femme. Mais l’oiseau sur l’épaule de l’homme
donne un contenu religieux à la scène. On retrouve des
orants sur les images 49
et 50. Là
encore, la scène paraît simple, mais sur l'image
50, que
signifie la tresse de cheveux dressée à l’horizontale ?
Tresse déjà observée sur l'image
40.
Une autre scène énigmatique est celle du singe cordé de l'image 50.
Datation envisagée pour
l’église Saint-Pierre de Menet : an 1050 avec un écart de
100 ans ».
Ajout
le 20 décembre 2024
Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie
d'Alain et Anne-Marie Le Stang. Les 9 images
suivantes de 52 à 60
ont été prises lors de cette visite.
Nous n'avons pas grand chose à ajouter par rapport à ce qui
a été écrit précédemment.
Lors de la visite précédente nous étions passés à côté du
chapiteau de l'image 53 sans
chercher à l'analyser ou même à le photographier. Ce
chapiteau présente un décor de feuilles et de volutes tout à
fait nouveau pour nous. Nous y voyons un phallus à
l'intérieur d'une vulve. Mais peut-être sommes-nous trop
imaginatifs ? Ou d'esprit dit « mal tourné ». Concrètement,
si le phallus est fréquemment présent dans la culture et
même la religion romaine, il est, à notre connaissance,
absent dans la culture romane.
Le chapiteau de l'image 57
est le même que celui de l'image
49. Et
celui de l'image 58 est
le même que celui de l'image
50.
Lors de notre première visite, nous n'avions pas consacré
une attention suffisante à ces représentation sculptées. À
la différence de ce que l'on voit d'habitude dans les
églises, on a ici quatre représentations presque similaires
de couples de deux personnages : trois couples formés d'un
homme et une femme et un couple de deux hommes. Les hommes
sont reconnaissables à leurs jupes plissées courtes et
évasées ainsi qu'à leurs barbes. Pour les femmes, c'est
leurs robes et leurs longues tresses.
On peut voir ces représentations :
- Au portail d'entrée : une femme (image
40) et un homme (image
41).
- Sur un chapiteau (images
47 et 48) : un homme et une femme aux tresses
retroussées.
- Sur le chapiteau des images
50 et 58 : un homme et une femme.
- Sur le chapiteau des
images 49 et 57 : un homme et une femme.
Ces représentations sont un peu surprenantes. Nous pensons
qu'il pourrait s'agir de couples de donateurs pour les trois
premières, de deux frères donateurs pour la quatrième.
Cependant, les femmes aux longues tresses disposées en T
nous semblent peu réalistes (en particulier pour le passage
des portes). Mais qui sait ? Il y avait peut-être à l'époque
romane des stylistes de mode plus créatifs encore que ceux
que l'on a actuellement ?
Nous ne modifions pas l'estimation de datation faite
auparavant : an 1050 avec un écart de 100 ans.