Église Saint-Cyr-et-Sainte-Julitte d'Ambon
Nous avons précédemment indiqué que cette église était «
susceptible d’être datée du premier millénaire ». La visite
effectuée récemment confirme cette analyse.
L’aspect extérieur se révèle peu
engageant. L’édifice entièrement crépi ne révèle pas la
nature du parement. Et le toit à deux pentes du bâtiment
principal ne permet pas d’envisager que la nef qu’il
recouvre est à 3 vaisseaux.
Image 1 :
L’église vue du Sud-Ouest. L’aspect extérieur ne fait pas
apparaître l’ancienneté de l’édifice. On remarque seulement
qu’il existe une tour de croisée du transept et que, sur
cette tour, est greffée un bâtiment perpendiculaire à la nef
mais d’une hauteur inférieure à celle-ci. On serait en
présence d’un « transept bas ».
Image 2 :
L’église vue du Nord. On note à nouveau la présence du
croisillon Nord du « transept bas », dont la façade est
percée d’une belle fenêtre gothique.
Image 3 : La
présence de sarcophages témoigne de l’existence probable en
ce lieu d’une église du Premier Millénaire. Et, bien sûr, on
songe à l’édifice voisin.
Les images
suivantes de 4 à 9
montrent l’intérieur de la nef. Il s’agit d’une nef
basilicale héritée des basiliques romaines, plus proche de
celles-ci que des basiliques romanes. Cette nef à
piliers rectangulaires de type R0000
est analogue à celles de Saint-Aphrodise et de la Madeleine
de Béziers. La seule différence avec celles-ci est l’absence
d’impostes au sommet des piliers. Les arcs au dessus de ces
piliers sont légèrement outrepassés. Il existe une église
présentant à peu près les mêmes caractéristiques qu’Ambon.
C’est Saint-Michel-de-Cuxa dans les Pyrénées Orientales.
Jusqu’à présent, nous n’avons pu définir l’antériorité d’un
type d’église (Saint- Aphrodise) par rapport à l’autre
(Saint-Michel-de-Cuxa) mais, nous en sommes pratiquement
certains, toutes ces églises doivent remonter au Premier
Millénaire. Et même à une date avancée (VIeou
VIIesiècle).
Cependant, en ce qui concerne Ambon, quelques petits
problèmes subsistent. Le principal d’entre eux vient du toit
à deux pentes. Dans une basilique romaine, il y a en général
4 pentes : une pour chacun des deux collatéraux et un toit à
deux pentes pour la partie centrale. Il existe un
décrochement entre ces toits permettant l’ouverture de
fenêtres supérieures sur les murs gouttereaux du vaisseau
central. En ce qui concerne Ambon, les baies en question
existent … mais elles sont obturées et peintes ! La seule
qui soit ouverte ne communique pas vers l’extérieur, mais
vers l’intérieur du collatéral (image
8). Ces fenêtres peintes semblent trop basses par
rapport au toit actuel du collatéral Sud (image
7). Il est possible que, primitivement, la pente
de ce toit ait été moins accentuée.
Le plan (image
9) est aussi très révélateur. Mais auparavant,
consultons les documents d’information placés à l’intérieur
de l’église : « Après
le passage des Normands,
IXe- XIesiècles, l’abbaye de
Rhuys est restaurée ; au début du XIIesiècle,
la paroisse d’Ambon est donnée aux religieux de Saint
Gildas. Ils y établissent un prieuré dédié à Saint Cyr…
Malgré les remaniements successifs, l’église présente de
nombreuses parties romanes, le plan d’ensemble n’ayant pas
été altéré. Comme en témoignent les traces d’un mur en épi
… et les briques romaines en situation de remploi,
l’église a sans doute été construite sur l’emplacement
d’un édifice ancien… Les fouilles récentes ont permis de
dégager l’ancien chevet abside … »
Les légendes du plan confirment ce point de vue. Les parties
les plus anciennes, colorées en rose, sont indiquées comme
appartenant au XIeou XIIesiècle.
On comprendra après avoir lu ce que nous avons écrit
ci-dessus que nous ne sommes pas du tout d’accord avec ce
point de vue : cette église, « sans
doute construite sur l’emplacement d’un édifice ancien
», est en fait, pour nous, l’édifice ancien. Un édifice dont
la datation serait antérieure de près de 5 siècles à celle
indiquée sur le plan.
Ce plan de l'image 9 indique
par ailleurs l’emplacement de l’abside découverte lors de
fouilles. Ce plan reproduit-il exactement les découvertes ?
Il est, pour nous, important de le savoir. En effet, on
constate que l’arc de cercle formé par le mur de l’abside
s’évase aux extrémités. Par ailleurs, on sait que lors d’une
fouille on ne s’approche pas des murs ou des piliers de
soutien. On réserve une petite marge de 50 cm de façon à ne
pas menacer l’assise des murs. Si donc, on envisage que le
dessin n’est pas parfait aux abords des piliers, on peut
aussi envisager que l’arc de cercle est lui parfait et
aboutit à l’extrémité de chaque pilier. La largeur de
l’abside serait donc légèrement inférieure à la largeur de
la nef.
Une telle disposition permettrait de reconstituer le plan de
l’édifice primitif ... et de réaliser que cette édifice
primitif n’avait peut être pas de transept. Comme à
Sainte-Madeleine de Béziers le transept aurait été construit
sur la travée la plus proche du chœur et en consolidant les
piliers de cette travée.
L'image
10 est celle d’une travée de la nef. On y voit les
restes d’une fresque avec des représentations de soldats du
XVesiècle et de l’autre côté une date, 1581.
Cette fresque est, bien sûr relativement récente. Mais elle
laisse supposer que l’église était couverte de fresques, au
XVesiècle d’abord, mais aussi dans les
siècles précédents. Et que le principal décor de cette
église n’était pas le décor sculpté, mais le décor peint.
On retrouve des fresques sur la voûte de croisée de
transept. Ces fresques, très dégradées, aux tons ocre rouge
et jaune avec une nuance de bleu, semblent s’apparenter à
celles de Saint-Martin-de-Fenollar dans les Pyrénées
Orientales.
Les images
11, 12, 13 et 14 montrent chacun des 4 arcs
ceinturant le transept. Elles montrent aussi que ces arcs et
les colonnes de soutien se différencient. Trois d’entre eux
sont semblables, au Sud (image
12), au Nord (image
13), et à l’Est (image
14), Ces arcs ont ceci en commun qu’ils sont
soutenus par des chapiteaux en forme de trapèze très aplati
non surmontés de tailloir. A l’Ouest, l’arc triomphal (image 11), est quant
à lui supporté par deux chapiteaux allongés et décorés de
feuillages très stylisés. Ces chapiteaux sont eux surmontés
d’une sorte de dalle ou d’imposte pénétrant loin dans le
mur. C’est sans doute la même idée qui a inspiré des formes
analogues sur le portail Ouest de Daoulas (Bretagne) ou à
Lespignan (Occitanie/ Hérault/ Saint-Pierre de Lespignan/image 15). Soyons
certains que dans chacun des cas, on n’est pas en présence
d’une œuvre romane du XIeou XIIesiècle,
mais bien antérieure à ces siècles.
On a vu que le transept pourrait avoir
été créé après la construction de la nef et sur une travée
de celle-ci. Les formes différentes des arcs des transepts
laissent envisager deux étapes dans la construction de
celui. Au cours d’une première étape, on construit les
croisillons du transept et les 3 arcs séparant la croisée du
transept du chœur et des croisillons. A l’étape suivante,
est construit l’arc triomphal séparant la croisée du
transept du vaisseau central de la nef.
Les images suivantes font apparaître
l’archaïsme des piliers : fût de colonnes antiques en
remploi (images 17 et 18),
des bases, héritées aussi de l’antique (images
19 et 21), des chapiteaux (images
22, 23 et 24).
Il faut comprendre que le mot « archaïsme » n’est peut être
pas le mot qui convient. Il est fort possible que les gens
de l’époque n ‘aient pas donné la même importance que leurs
successeurs au travail « bien fait ». Imaginons en effet que
toutes ces pierres, y compris les chapiteaux, aient été
recouvertes de peinture, ou même de stuc. Quelle importance
de « bien faire le travail » si on ne le voit pas ?
Des auteurs ont pu attribuer le caractère « archaïque »
d'œuvres identiques à la malhabileté du sculpteur. C’est
peut-être le cas. Et ils ont poursuivi en affirmant que
c’était une œuvre du XIIesiècle sculptée par
un sculpteur maladroit. Mais les œuvres du XIIesiècle,
ou même du XIesiècle, obéissent à des canons
que nous ne retrouvons pas ici. En un mot, nous ne
connaissons pas d’œuvre ayant les mêmes formes que
celles-ci, sculptées par un sculpteur adroit.
Conclusion : l’examen approfondi de l’église de Ambon, fait
apparaître qu'elle ne peut dater du XIeou XIIesiècle, comme indiqué sur le plan. Selon nous,
la nef serait antérieure à cette date de 4 ou 5 siècles (an
550 avec un écart estimé de 150 ans). La création d’un
transept, peut-être en deux étapes, aurait suivi de peu (an
700 avec un écart estimé de 150 ans). Une telle annonce
devrait normalement susciter des réactions, des attitudes de
refus, des vérifications en série. De fait, elle intéressera
très peu les bretons intimement persuadés qu’à cette époque
(le VIesiècle), ils formaient un peuple
inculte et sauvage, incapable de construire un tel monument.