Église Saint-Savinien de Melle (IIIe page : les façades et portails) 

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La 3eet dernière page traitant de l’église Saint-Savinien de Melle est sans doute celle qui devrait permettre de mieux évaluer la datation du monument. Et ce, grâce aux décors des façades ou des portails. Mais essayons d’effectuer un examen détaillé des images suivantes.


Les images 1, 2 et 3 ne concernent que la façade sud du transept ainsi que le portail qui lui est associé. Cette façade sud présente une certaine dissymétrie (il manque à gauche un bout de corniche). Les arcades surmontant le portail ont été richement décorées à l’origine mais actuellement cette décoration est très dégradée. Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous est difficile d’évaluer la période associée au style de cette décoration. Il en est de même de l’ensemble du portail et du transept qui sont très probablement contemporains. Cependant on peut remarquer que le transept est haut et débordant (voir analyse des transepts). Selon nos propres estimations, les transepts hauts et débordants seraient caractéristiques du dernier stade de l’évolution des transepts. Mais nous n’avons pas encore suffisamment d’éléments pour établir quand a débuté ce dernier stade. Très certainement avant la fin du premier millénaire.



La façade ouest se révèle plus intéressante. Tout d’abord parce qu’elle est en relation avec les murs latéraux de la nef, qui, on l’a vu, ont été profondément modifiés. Ensuite à cause de ses pierres sculptées.

La première de ces pierres est le linteau du portail (image 6). La sculpture, très dégradée n’est pas apparemment très significative. Le christ est représenté dans une mandorle en train de prêcher. Deux lions souriants l’encadrent. On note deux particularités : la mandorle est circulaire et non en forme d’amande comme elle est souvent représentée dans l’art roman ; le thème des lions encadrant la mandorle est, lui aussi, exceptionnel (voir la page Beaulieu-en-Dordogne). Mais le plus important réside dans la forme du linteau. Dans une des pages précédentes (voir la même page Beaulieu-en-Dordogne) on a vu que l’un de ces linteaux (celui de Pula, en Croatie) était daté de la seconde moitié du IXesiècle. Celui de Saint-Savinien pourrait donc dater de la même époque.



Les images 7, 8, 9 et 10 présentent une série de chapiteaux et de tailloirs décorés principalement d’entrelacs. On peut cependant rencontrer d’autres décors ainsi que des palmettes pour le tailloir de l'image 10 et des lions pour le chapiteau de la même image. L’entrelacs est de type dit « carolingien », un entrelacs régulier et répétitif. Il faut savoir que si ces pierres étaient déposées dans un musée, elles seraient toutes (ou presque : le tailloir de l’image est sans doute une copie récente) étiquetées comme étant du IXesiècle. Nous sommes moins sûrs d’une datation aussi précise et préférons élargir la marge d’erreur : an 850 aves un écart estimé de 150 ans.



Les images 11, 12, 13, 14, 15 font apparaître une série de panneaux sculptés. L’interprétation de ces panneaux est délicate. Ils ne semblent pas représenter des signes du zodiaque (à moins que ce soit un zodiaque différent du nôtre). On sait qu'Il existe en d’autres endroits des panneaux sculptés posés sur des façades d’église (Andlau en Alsace, Saint-Restitut en Provence) mais ils sont tout aussi énigmatiques que ceux de Saint-Savinien.



L'image 16 semble ne présenter aucun intérêt. On y voit ce qui ressemble à une porte murée. Était-ce réellement à l’origine une porte qui aurait été, par la suite, murée? Ou bien cette fausse porte et sa symétrique ont–t’elles été installées pour décorer la façade ? C’est difficile de répondre sur ces questions. Les deux situations ont du probablement exister. A l’origine il devait y avoir 3 portes afin de séparer les fidèles entrant dans l’église. Puis les pratiques liturgiques ont évolué. Seule la porte principale a été utilisée, les autres étant condamnées. Enfin, lors de la construction de certaines églises, on n’a conservé qu’une porte, les deux autres étant imprimées en façade pour des raisons symboliques ou décoratives.

Regardons attentivement cette image. A gauche une imposte à saillant vers l’intrados porte les voussoirs de l’arc. On retrouve la même imposte à droite mais elle est cachée derrière un pilier. Le même pilier recouvre une partie des voussoirs de l’arc. On devine ce qui s’est passé : le pilier a été plaqué contre le mur après la construction de l’arc.


Les deux images suivantes 17 et 18 montrent le revers de la façade occidentale. Il faudrait prendre le temps de « décalquer » cette image en soulignant les grandes lignes architecturales et de plaquer ce décalque sur le mur de face (image 4 de cette page ou image 4 de la page 1/3 sur Saint-Savinien). On verrait très probablement apparaître la façade primitive de Saint-Savinien. (Remarque : le revers paraît plus haut que la face avant. C’est effectivement le cas : il faut descendre quelques marches pour pénétrer dans l’église).

Revenons à l'image 4 : on a vu précédemment sur l'image 16 que le piler barrant verticalement l’image recouvrait partiellement un arc. On retrouve sur l'image 4 ce pilier ainsi que celui qui lui est symétrique. Ces deux piliers séparent les 3 arcs et recouvrent partiellement les deux arcs extrêmes. Ils leur sont donc postérieurs.

Observons à présent que l’arc le plus haut surplombant le portail recouvre le pilier de droite. Donc, lui aussi est postérieur aux arcs latéraux. En poursuivant cette analyse, on constate que presque toute la partie centrale située entre les deux piliers doit être postérieure aux deux arcs latéraux (et â la structure qui les enveloppe). Seul le linteau et les chapiteaux et piliers qui le soutiennent pourraient être contemporains aux deux « portes » latérales.



On a donc ici une structure très intéressante car elle pourrait faire apparaître deux étapes de travaux. Le linteau et les chapiteaux qui le soutiennent auraient fait partie de la première étape. Durant la deuxième étape, on aurait voulu donner une plus grande importance au portail d’entrée tout en le protégeant par des avancées (corniche tout au-dessus et voussures du portail).

Le plus remarquable est que ces deux étapes de travaux se sont probablement effectuées toutes deux au cours du premier millénaire. Avec un écart de temps relativement bref entre des deux étapes (50 ans ? 100 ans ?).



En conclusion de ces 3 pages, on peut affirmer que de nombreux indices montrent que cette église a été construite au premier millénaire et que beaucoup de restes de cette construction ou de reprises effectuées au cours du premier millénaire subsistent dans l’édifice actuel.

Notre visite dans cette église a duré moins d’une heure. C’est très insuffisant pour en tirer des conclusions. Il faudrait reprendre cette étude en y consacrant plus de temps (et en visitant des parties inaccessibles aux simples touristes). Peut être une telle étude a été déjà faite ? Si c’est le cas, les offices de tourisme ne s’en sont pas fait l’écho. Serait-ce parce que l’étude a conclu que l’édifice, fatalement du XIIesiècle (on en a l’habitude !), était totalement dépourvu d’intérêt ?