L’église Notre-Dame-de-l’Assomption à Anzy-le-Duc
La page du site Internet consacrée à
cette église nous apprend ceci : «
L'église d'Anzy-le-Duc est placée de nos jours sous le
vocable de Notre-Dame-de-l'Assomption. Elle était,
anciennement, dédiée à la Trinité-Sainte-Croix et
Sainte-Marie. Elle est l'ancienne église priorale du
prieuré d’Anzy-le-Duc. Elle a été édifiée entre la fin du
XIe et le début du XIIe. Elle est
placée sous le vocable de Notre-Dame-de-l'Assomption.
La fondation du monastère d'Anzy-le-Duc remonte à l'époque
carolingienne. C'est l'un des plus anciens du pays
brionnais. Un noble, nommé Lethbald, et son épouse
Altasie, firent donation de leur villa d'« Enziacum » à
l'abbaye de Saint-Martin-d’Autun en 876. L'un des premiers
prieurs fut le moine Hugues de Poitiers, mort en odeur de
sainteté vers 930 à Anzy-le-Duc. Son tombeau fut l'objet
d'une grande vénération et l'affluence croissante des
pèlerins, qui empruntaient la grande route de la Loire,
rendit nécessaire la construction d'une église plus vaste.
Il semble, ainsi, qu’au XIe, cette affluence
croissante des pélerins ait rendu nécessaire l’édification
d’un église plus vaste et plus digne d’abriter les
reliques du saint (vers 1001).
La crypte : Des fouilles récentes ont fait redécouvrir la
crypte, en dégageant un escalier de passage, à partir du
croisillon Nord. Cette crypte, datée du début du XIe
siècle, a servi de lieu de sépulture à Hugues de Poitiers.
Elle est l'un des sanctuaires chrétiens conservés parmi
les plus anciens de tout le pays brionnais. »
Nous allons nous efforcer de dater cette
église à partir des éléments que nous possédons. Considérons
par exemple le portail Ouest (images
2 et 3). Les sculptures, fines et graciles, font
plus penser à des sculptures gothiques que romanes. Nous
estimons que ces sculptures datent de la seconde moitié du
XIIesiècle.
Les sculptures des autres portails (images 9, 10 et 11) sont un peu moins élégantes.
Cependant, les thèmes évoqués : l’Adoration des Mages, le
Péché Originel, l’Enfer et le Paradis, semblent plus
représentatifs d’un art roman tardif (milieu du XIIesiècle).
Le clocher (image 5)
est décoré d’arcatures lombardes de deuxième génération. Là
encore, sa forme octogonale évoque un art roman tardif.
Les façades latérales (images
4, 6, 7) font apparaître une nef basilicale à
trois vaisseaux. Deux détails importants doivent être
remarqués. D’une part, on est en présence d’un transept bas
(le faîte du toit du transept est à un niveau inférieur au
faîte du toit de la nef). Cela signifierait que le plan
primitif de l’église a été défini avant la création des
transepts ou leur généralisation à toute église. Une
généralisation qui se serait produite dès la période romane,
à une date que nous ne sommes pas encore en mesure de
définir tant le problème est complexe.
D’autre part, observons les fenêtres. À une ou deux
exceptions près, elles sont toutes semblables. Ce sont des
fenêtres à double ébrasement, totalement dépourvues de
décoration. Nous essayons de constituer un catalogue des
fenêtres. Nous estimons que ce type de fenêtre est antérieur
à celui des fenêtres encadrées de colonnettes. Ces dernières
sont typiquement romanes du deuxième art roman. Celles-ci
seraient donc, soit caractéristiques d’un art premier art
roman, soit préromanes. Datation estimée : an 1000 avec un
écart de 75 ans.
Le plan de l'image
8 nous fait découvrir un chevet de type «
clunisien ». Nous appelons ainsi ce type de chevet car,
d’une part, le dessin en forme d’arcades en escalier serait
un emblème de l’ordre de Cluny. D’autre part, parce que la
plupart des édifices ayant ce type de chevet se trouvent en
Bourgogne. Il est possible que l’ordre de Cluny soit aussi
impliqué dans la construction de ce type de chevet. Pour le
vérifier, il faudrait connaître le fonctionnement de cet
ordre. En effet, le plan pyramidal de ce chevet induit à
penser qu’il existait une hiérarchie. Il y aurait eu l’autel
de l’abbé dans l’absidiole centrale, puis un peu en arrière,
les 2 autels de ses assesseurs, et encore en arrière, les
autels de prêtres moins importants. Toujours est-il que ce
type de chevet a disparu, remplacé par les chevets à
déambulatoire et chapelles rayonnantes. Ce dernier type de
chevet présent dans nombre d’églises romanes a été
généralisé dans les grandes églises gothiques.
Nous pensons que ce remplacement a été effectué aux
alentours de l’an 1100. Nous avons là un témoignage
important : le chevet de la cathédrale de Cantorbéry a été
remplacé vers cette période par l’évêque Lanfranc.
Examinons à présent la nef (images
12, 13, 14, 15). Cette nef semble, a priori,
dépourvue de mystère. Les piliers sont de type
R1112. Les arcs sont doubles. Donc tout amène à
penser qu’il s’agit là d’une nef romane du XIeou
XIIesiècle. Pourtant, il y a matière à
réflexion. Observons de plus près un pilier (image
16). Chacun des deux chapiteaux est surmonté d’un
tailloir. Mais on s’aperçoit que la moulure de ce tailloir
continue sur le pilier et s’arrête brusquement à l’angle du
pilier. On constate la même rupture du côté du collatéral.
Ce détail est pour nous le signe que la nef primitive devait
être charpentée. On a décidé de la voûter en accolant aux
piliers des colonnes demi-cylindriques destinées à porter
les voûtes. Et même, côté vaisseau central, on a fait mieux
: on a accolé au pilier un pilastre, puis la colonne demi-
cylindrique. Ceci afin de réduire la portée des voûtes.
Revenons maintenant au tailloir des chapiteaux.
Primitivement, il devrait se poursuivre par une corniche qui
contournait le pilier. Lorsque le pilastre et les
demi-colonnes ont été placées, on a décidé de supprimer
cette corniche, n’en laissant qu’un bout à peine visible.
L'image 15 est
aussi révélatrice d’un autre détail intéressant. En
apparence, tout a l’air clair. Mais les deux chapiteaux qui
soutiennent l’arc double sont de taille différente. Et
surtout, les colonnes qu’ils surmontent sont totalement
différentes. Si celle de gauche est portée par un socle de
dimensions modestes, celle de droite est montée sur un socle
plus important monté par un haut bahut. Le chapiteau est
celui de l'image 27. Symétriquement, on
retrouve le même type de pilier (images
17 et
18). Le chapiteau de ce pilier symétrique est
celui de l'image 26. Nous pensons que ces
piliers seraient les restes d’une construction plus ancienne
que la nef. Les piliers portés par de hauts bahuts sont
rares en France. On en voit à Saint-Jacques de Béziers, qui
pour nous daterait du VIeou VIIesiècle.
Un autre indice d’ancienneté apparaît dans le mur Est du
croisillon Nord du transept (image
18).
La partie inférieure de l’abside (image 19) est décorée
d’arcatures lombardes. Les fresques qui la décorent semblent
dater du XIVesiècle. Les fresques des images
20 et 21 semblent antérieures à cette période.
Nous les avons mises sur ce site à cause des représentations
d’églises en arrière-plan.
Les images 22, 23 et 24
de la crypte ne permettent pas d’effectuer une datation.
Bien souvent, les cryptes ont été faites de bric et de broc.
C’est le cas ici (chapiteaux dépareillés). On a tort de
penser qu’une crypte peut être antérieure à la construction
d’une église. Bien souvent, la crypte utilise les parties
inférieures d’une nef. Ou bien elle a été creusée à
l’intérieur d’une église déjà construite. Comme les piliers
de cette crypte ne sont porteurs que d’une simple voûte,
laquelle supporte un étage plan de faible poids, on n’a pas
besoin d’une structure bien calculée et bien évoluée. On
peut donc utiliser du matériau de récupération (colonnes ,
chapiteaux). Ce matériau, parfois très ancien, le caractère
rudimentaire de la construction, ont pu donner à la crypte
une impression de plus grande ancienneté.
Venons-en à présent aux chapiteaux :
Image 25 : Ce
chapiteau représente un homme à queue de poisson, qui
pourrait être une sirène dévorée par un monstre. Le thème
est cependant différent du thème usuel de la sirène à deux
queues. Nous estimons que l’explication doit être aussi très
différente.
Image 26 : Nous
avons déjà parlé de ce chapiteau situé à l’entrée du
transept. Le thème est énigmatique. Il est possible qu’il
ait été sculpté dans un chapiteau à feuillages dont des
restes occupent la partie inférieure.
Image 27 : Nous
avons déjà parlé de ce chapiteau situé à l’entrée du
transept. Le thème est énigmatique. La scène semble à
première vue comique. Il y a là une sorte de description du
petit jeu bien connu : « Je te tiens, tu me tiens, par la
barbichette. Le premier qui rira aura une tapette ». Cette
scène pourrait pourtant traduire des enjeux plus importants
qu’un simple « crêpage de chignons ». En effet, on constate
en lisant les textes datés du premier millénaire, que nombre
de conflits se terminaient de la façon suivante : le vaincu
était tondu et envoyé dans un couvent. Et s’il voulait
reprendre ses droits, il attendait que sa chevelure ait
repoussé.
Image 28 : Un
atlante encadré par deux penseurs. Signification ?
Image 29 : Cette
image et l’image suivante sont celles du même chapiteau,
énigmatique. Il s’agit peut être d’une représentation
d’êtres extraordinaires vivant aux extrémités du monde. On y
voit un homme attiré par un bouc (peut-être le diable), un
joueur de flûte, un « siamois » (homme à deux corps soudés
portés par deux jambes).
Image 30 : On
retrouve le siamois, puis un homme nu assis (portant un
masque de lion ?). Et enfin, un sciapode (homme portant un
pied au-dessus de lui qui lui sert de parasol).
Image 31 : Cette
image est assez fréquente. On la nomme : « Le prophète
Daniel dans la fosse aux lions ».
Image 32 : Deux
lions affrontés posant leurs pattes sur une source
jaillissante.
Image 33 : Deux
lions affrontés posant leurs pattes sur une tête humaine.
Image 34 : Là
encore, deux lions affrontés posant leurs pattes sur un
entablement (table d’autel ?). De leurs gueules, surgissent
des flammes.
Il semblerait que ces trois derniers chapiteaux soient des
variantes d’un même thème dont il nous est difficile de
comprendre le sens.
Image
35 : Chapiteau à feuillages.
Image 36 :
Chapiteau représentant le combat de Saint Michel et du
dragon. Il semblerait que le dragon porte une queue de
poisson. La sculpture est endommagée. On devrait voir le
dragon porter un coup de trident sur le bouclier de l’ange.
Datation
L’église d’Anzy-le-Duc a fait l’objet de deux visites de
notre part : en 2003 et en janvier 2013, c’est-à-dire bien
avant que nous songions à la création d’un site sur le
premier millénaire. Et aussi avant que nous ayons élaboré
les méthodes en vue d’une recherche de datation. Une
nouvelle visite apporterait sans doute plus de résultats.
Bien que brève et rapide, la présente analyse permet les
constations suivantes : la nef primitive, qui daterait des
environs de l’an mille, était probablement charpentée. Elle
aurait été voûtée à une époque ultérieure, mais avant l’an
1150. Cet nef primitive aurait remplacé une nef plus
ancienne dont subsistent les colonnes, bases et chapiteaux,
visibles sur l'image 17. Dans
ces conditions, l’identification et la datation des parties
les plus anciennes s’avèrent délicates.
Datation estimée
pour l’église Notre-Dame de l’Assomption à Anzy-le-Duc : an
950 avec un écart de 150 ans.