La cathédrale Saint-Apollinaire de Valence (Drôme) 

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L’histoire de cette cathédrale nous est révélée par la page du site Internet Wikipedia qui lui est consacrée : « C'est l'évêque Gontard (1063-1099) qui impulse la construction de cet édifice dans le quartier historique du Vieux Valence. Elle a été consacrée le 5 août 1095 sous le triple nom de saints Cyprien, Corneille et Apollinaire par le pape Urbain II qui se rendait au concile de Clermont pour prêcher la première croisade. On peut toujours voir la pierre de dédicace dans le mur Sud de la cathédrale.

En 1281, la foudre touche le clocher, qui est remplacé par une flèche en charpente recouverte d'ardoises. Au XVe siècle, une nouvelle chapelle est édifiée à la place de l'abside du transept sud (c'est l'actuelle sacristie).

Détruite lors des guerres de religion, la cathédrale est reconstruite au XVIIe siècle et son clocher, qui menaçait ruine après avoir été de nouveau foudroyé, est remplacé au XIXe siècle.

L'architecture de cette cathédrale l'apparente à d'autres monuments d'Auvergne et du Velay, notamment les décors en pierres polychromes. Elle possède un déambulatoire, permettant le passage des pèlerins et confirmant son rôle d'église étape sur le chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

Elle a été incendiée à deux reprises, en 1562 et1567 par les Huguenots, et reconstruite à partir de 1604 dans le style roman initial
. »


On pourrait penser à la lecture de ce texte qu’il ne reste rien de l’édifice initial, que tout a été construit à partir de l’an 1604. Et donc que la cathédrale de Valence, déjà à la limite de nos recherches si elle est datée du XIesiècle, doit en être totalement exclue lorsqu’on la date du XVIIesiècle.

Nous pensons que ce n’est pas le cas : malgré ce que proclame le texte de Wikipedia, cette église ne peut être datée du XVIIe. Nous nous trouvons en présence d’un édifice réellement roman et non néo-roman.

Mais d’abord, posons-nous la question de ce qu’est un édifice néo-roman. Selon nous, un édifice néo-roman est un édifice imitant une construction typiquement romane du XIeou XIIesiècle, mais avec des matériaux ou des techniques modernes. Les caractéristiques communes aux édifices néo-romans ou néogothiques sont des murs recouverts d’un crépi avec des encadrements de baies en pierres soigneusement taillées et ajustées. La taille des pierres en général effectuée à la scie est aussi plus fine dans les édifices néo-romans. Notons par ailleurs qu'au XVIIesiècle, on ne faisait pas du néo-roman : on a pu faire à cette époque des restaurations en néo-gothique. En particulier pour des édifices partiellement détruits durant les guerres de religion.

Et même le clocher (images 1, 2, 3, 4 et 5) doit être considéré comme roman. Pourtant, on nous dit qu’il a été reconstruit au XIXesiècle. Et par ailleurs, les pierres de construction ont un aspect très neuf. Mais inversement, ce clocher, du moins dans sa partie inférieure, s’insère parfaitement dans un processus roman. Et il est fort probable que ce clocher, même s’il a été entièrement refait, l’a été dans une imitation servile du modèle original. Cette imitation, on la retrouve dans le portail de l'image 5. C’est la représentation typiquement romane du Christ entouré des symboles des quatre évangélistes. Mais les traits fins du visage du Christ, les sculptures réalistes des symboles des apôtres, en font une œuvre du XIXesiècle, voire début du XXesiècle.


On constate par ailleurs sur les images de 6 à 11 qu’il n’existe pas une homogénéité de style entre les diverses parties du bâtiment (nef, transept, chevet). Et dans une même partie, il n’y a pas forcément d’homogénéité entre le bas et le haut de la partie. Un tel manque d’homogénéité n’existerait pas si le bâtiment avait été entièrement construit au XVIIesiècle.

À l’intérieur (images 13, 14, 15), la nef apparaît comme typiquement romane. Les piliers sont de type R1111. Les arcs reliant ces piliers sont doubles. Le fait que les arcs soient doubles sont pour nous typiques d’une église postérieure à l’an 900. Le vaisseau central est voûté en plein cintre sur doubleaux plein cintre. Les collatéraux sont quant à eux voûtés d’arêtes sur doubleaux plein cintre. Ces types de voûtements sont pour nous caractéristiques d’une église antérieure à l’an 1100 (Les voûtements de Vézelay antérieurs à 1100 sont supérieurs à ceux-ci : voûtement d’arêtes pour le vaisseau principal). On constate de plus qu’ici la voûte du vaisseau principal est surbaissée. Le fait qu’elle soit surbaissée empêche l’installation de fenêtres hautes. Il est possible que, pour l’édifice primitif, le vaisseau principal ait été charpenté, les collatéraux restant voûtés d’arêtes. Dans ce cas, il y aurait eu des fenêtres hautes qui auraient été occultées par la voûte surbaissée.


Datation

Nous ne faisons pas trop confiance à la datation de construction produite par le texte de Wikipedia : « C'est l'évêque Gontard (1063-1099) qui impulse la construction de cet édifice ». Bien souvent de telles affirmations péremptoires sont déduites de chartes très imprécises et mises en exergue parce qu’on n’en connaît pas de plus ancienne. De même, la consécration de 1095 par le pape Urbain V ne doit pas signifier grand-chose. Lorsqu’il s’est déplacé afin d’assister au Concile de Clermont, le pape Urbain V a dû probablement consacrer des autels « à tour de bras ».

La petite phrase réitérée un peu plus loin sur la page de Wikipedia, « Elle possède un déambulatoire, permettant le passage des pèlerins et confirmant son rôle d'église étape sur le chemin vers Saint- Jacques-de-Compostelle  », a suscité de notre part une réaction amusée. Car il suffit de consulter un tant soit peu notre site pour constater le nombre important de chevets à déambulatoire. Et encore ! tous les chevets ne sont pas signalés. Nous estimons en effet qu’ils ont été construits à partir du
XIIesiècle. Donc hors des limites de notre étude. Si donc les églises à chevets à déambulatoire devaient toutes être considérées comme « église étape sur le chemin vers Saint-Jacques-de-Compostelle », le nombre de chemins de Saint-Jacques serait énorme, dépassant le millier. Nous pensons que le rédacteur du texte a cédé à une dérive fréquente chez les historiens de l’art roman, la « compostellomania », c’est à dire la tentation de centrer sur Saint-Jacques-de-Compostelle la totalité des activités religieuses et artistiques d’un Moyen-Âge beaucoup plus riche et varié.

Datation envisagée pour la cathédrale Saint-Apollinaire de Valence : an 1025 avec un écart de 75 ans.