Volubilis
Les ruines de l’ancienne cité romaine de
Volubilis sont situées dans le nord du Maroc, à proximité de
Meknès. Ces ruines témoignent d’un passé grandiose. On y
découvre de nombreuses maisons décorées de magnifiques
mosaïques. L’apogée de la ville se situerait au IIIe
siècle de notre ère, avec une population de 20 000
habitants. Une communauté chrétienne s’y serait maintenue
aux VIe et VIIesiècles. C’est encore
une ville importante au VIIIesiècle, période
d’occupation musulmane.
Rappelons qu’il n’a pas été prévu d’inclure dans ce site la
description des monuments romains et ce, bien que la plupart
d’entre eux soient datés du premier millénaire. Ils sont en
effet bien répertoriés, correctement datés. Le but de ce
site est de dater d’autres édifices du premier millénaire,
principalement chrétiens.
En conséquence, nous n’avons retenu de la visite de
Volubilis, cité romaine, que les éléments en lien avec la
période chrétienne qui a suivi.
L’image 1 est celle
de la basilique, monument civil situé au centre de la cité.
Le plan est celui d’une vaste nef à 3 vaisseaux. Les murs du
vaisseau central étaient portés par des colonnes
cylindriques. La photographie a été prise à l’intérieur de
cette basilique, en direction de l’entrée principale située
au Sud. Il devait y avoir au Sud trois entrées. N’est
visible sur l’image que l’arcade de l’entrée secondaire
donnant accès au collatéral Est. Le mur extérieur, percé
d’une série d’arcades, est presque intact. On peut voir
derrière la colonne du premier plan l’enfilade des bases des
colonnes qui devaient porter le mur latéral du vaisseau
central. Seule la dernière colonne est intacte. Non visible
sur la photographie, car située de l’autre coté, en
direction du Nord. il y avait une abside accolée au mur
extérieur. Le plan témoigne de nombreuses modifications.
Ainsi le collatéral Ouest a été en partie supprimé par la
construction de thermes. Par ailleurs, l’édifice est partage
en deux par un mur de direction Est-Ouest. C’est donc dans
la partie Nord qu’est située l’abside semi-circulaire. À
l’opposé contre le mur Est-Ouest mentionné précédemment, est
accollée une contre-abside de mêmes dimensions que l’abside.
Le pilier, au premier plan de l’image appartiendrait à cette
contre-abside. Ces aménagements (mur, abside et
contre-abside) pourraient être ultérieurs à la construction
initiale. Et éventuellement avoir été faits par des
chrétiens. On trouve, en effet, en Europe, des constructions
analogues.
Les images
2, 3 et 4 suivantes sont celles d’une mosaïque
située dans la maison d’Orphée. On voit, en effet, au centre
de la mosaïque, un personnage interprété comme étant Orphée
charmant des animaux avec sa lyre. On remarque cependant que
si certains de ces animaux sont parfaitement réalistes
(éléphants, léopards), d’autres sont purement imaginaires.
Ce qui laisse envisager que ce n’est pas une simple scène
champêtre et qu’ll doit y avoir une intention symbolique
cachée.
Cette intention symbolique est apparente dans l’image
3 suivante. La mosaïque d’Orphée est inscrite dans
un cercle, lui-même inscrit dans un carré. À chacun des
coins du carré, est logée la même scène : deux oiseaux (ici
des canards) encadrant un vase et picorant des fruits de ce
vase. C’est la fameuse scène des « oiseaux au canthare ».
Pourquoi fameuse ? Parce qu’on la retrouve en de nombreux
endroits de la chrétienté. Ainsi, au musée archéologique de
Trèves, en Allemagne, où elle est gravée sur de nombreuses
stèles funéraires chrétiennes. Ou encore en l’église
paroissiale de Perros-Guirec, dans les Côtes d’Armor. Cette
scène des oiseaux au canthare signifie l’immortalité. C’est
en cueillant les fruits du canthare (on pense au Graal) que
l’âme humaine s’élève au ciel comme un oiseau.
L’image
4 cache aussi un symbole difficile à identifier.
S’agit-il de Daniel et un lion (représenté par une panthère)
? S’agit-il d’un personnage de la mythologie céleste
(Phoebus ? , Phaeton ?). Il semblerait qu’il soit sur un
char tiré par un cheval. Cette image pourrait être mise en
relation avec la mosaïque centrale qui représenterait alors,
non pas Orphée charmant des animaux, mais la Création et son
Dieu Créateur.
Image 5 : On
retrouve un canthare. Il est entouré d’une frise contenant
des croix à branches entrelacées.
Image 6 : Mosaïque
portant diverses représentations de la croix : croix
pattées, croix à branches entrelacées. Et une sorte de
svastika ou croix à branches dissymétriques qui symbolise un
mouvement circulaire.
Image
7 : Centaure bondissant en brandissant un
canthare, d’une main, et, de l’autre, un strigile doré. Un
strigile est un outil en forme de S utilisé par les romains
pour se gratter le dos lorsqu’ils sont au bain. Ce strigile
a ici un sens symbolique qui nous échappe. De nombreux
sarcophages romains sont dits « à strigiles » car ils sont
décorés d’une série de S accolés. Ces strigiles ont été
interprétés comme une onde et symboliseraient l’eau. Le
canthare, vu précédemment, serait plutôt un symbole
chrétien. Le centaure, quant à lui, est présent dans
l’iconographie romane. Il est souvent représenté sous la
forme d’un sagittaire lançant des flèches. Jusqu’à présent,
sa symbolique n’a pas été très claire. Cette image fournira
peut-être un élément d’explication permettant de justifier
la persistance de sa représentation sur plus de 5 siècles.
Les dernières images ont été prises dans la maison de Diane.
L’image 8 est celle
de la mosaïque dite de « L’enlèvement de Proserpine ».
Constatons tout d’abord que les scènes principales sont
encadrées par un pavement très complexe formé de carrés,
losanges et hexagones. Malgré cette complexité, on distingue
une régularité dans cet assemblage. Par contre, certains des
motifs situés à l’intérieur des carrés, losanges et
hexagones, peuvent échapper à cette régularité. Le thème de
la croix sous ses diverses formes (pattée, svastika) est le
plus fréquent.
L’image 9
représenterait l’enlèvement de Proserpine. On y voit au
milieu un personnage dont la main gauche (ici à droite) est
baissée et la main droite levée. À droite, une femme aux
cheveux hérissés de branches noires semble se jeter dans
l’eau. Elle tend un bras vers le ciel. L’autre bras porte
une colombe. À gauche, une autre femme (mais il s’agit
peut-être de la même personne) semble jaillir de l’eau. Ses
cheveux rayonnent. Faute de ne pas connaître dans le détail
le déroulé du mythe de l ‘enlèvement de Proserpine, nous
voyons plutôt dans cette scène une allégorie du baptême
chrétien. Le catéchumène impur se jette dans l’eau, et en
ressort, de l’autre côté, purifié.
Quant à l’ image 11
d’une mosaïque de la même maison, elle représenterait Diane
au bain. On peut voir l’arc et les flèches symboles de Diane
chasseresse. À gauche, une femme portant une couronne
d’épines est placée devant une construction surmontée d’un
bassin portant un animal ailé, au corps de lion, qui crache
l’eau alimentant le bassin de Diane. Cet animal fantastique
fait penser au tétramorphe, figure emblématique de
l’héritage chrétien. Le tétramorphe, animal unique ayant
quatre formes (lion, taureau, aigle et homme), était présent
dans l’iconographie chrétienne orientale dès le IVe
siècle. Plus tard, il a été remplacé par quatre hybrides
ailés associés aux évangélistes : Jean (aigle), Marc (lion),
Mathieu (homme), Luc (taureau).
Conclusion
On a vu dans une page précédente concernant Isna que, au
cours du IIesiècle, les chrétiens ont été
obligés de cacher leur appartenance à cette religion. Il est
possible qu’ils n’aient pas été les seuls concernés.
D’autres cultes ont pu faire l’objet de la vindicte des
autorités romaines. Par ailleurs, on vient de voir que, à
Volubilis, dans diverses représentations présumées païennes,
apparaissaient des symboles chrétiens. Trois hypothèses sont
possibles.
La première est que nous nous faisons des idées. Il s’agit
de scènes de mythologie dépourvues de tout sens symbolique
ou religieux. Si apparaissent des symboles chrétiens, c’est
le fait du hasard .
La deuxième est qu’il pourrait y avoir eu une sorte de
syncrétisme, une religion ayant assimilé certains traits
caractéristiques d’une autre. Ainsi des dieux gaulois ont
adopté les noms et les attributs de dieux romains.
La troisième est que ces créations pourraient être purement
chrétiennes, mais camouflées dans un habillage païen ; le
catéchiste, qui se présente tout nu à la cérémonie du
baptême étant remplacé par Diane, ou Proserpine, du
répertoire païen.
Il est trop tôt pour dire lequel de ces points de vue
l’emporte. Cependant, l’analyse de ces mosaïques a permis de
lancer des pistes de réflexion.