L’église Saint-Blaise de L’Hôpital-Saint-Blaise 

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Le petit village de L’Hôpital Saint-Blaise est situé sur une voie antique permettant aux voyageurs de traverser les Pyrénées. Comme pour d’autres routes importantes, celle-ci était jalonnée de relais, hospices ou hôpitaux. Un de ces hospices était installé dans ce village. Il a disparu mais l’église associée à cet hospice subsiste : c’est l’actuelle église Saint-Blaise, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO comme église des pèlerins de Saint Jacques de Compostelle.

Concernant l’importance du Pèlerinage de Compostelle, nous nous permettons d’émettre quelques réserves. Certes, on ne doit pas minimiser cette importance. Tout comme, à l’heure actuelle, on ne doit pas minimiser l’importance de pèlerinages comme Lourdes ou Fatima. Mais on ne doit pas non plus maximiser cette importance, en faire quelque chose d’essentiel. Or cette maximisation, on la constate en ce qui concerne les « Chemins de Saint Jacques ». Certains auteurs ont pu affirmer sans preuve que c’est grâce à ces routes de pèlerinage orientées uniquement vers Saint Jacques de Compostelle que l’art roman aurait été introduit en Espagne. On oublie qu’il y a eu beaucoup d’autres buts de pèlerinages et on semble ignorer que ces sentiers de pèlerins n’étaient autres que des voies de communication utilisées par d’autres personnes que des pèlerins : des marchands, des voyageurs, des soldats.


La page du site Internet Wikipedia qui décrit L’Hôpital Saint-Blaise nous apprend ceci : « L'Hôpital de Miséricorde (c'est le nom le plus ancien de L'Hôpital Saint-Blaise) est créé au milieu du XIIe siècle par les moines de Sainte-Christine (de l’Hôpital de Sainte-Christine du Somport).

Les voyageurs de ce temps sont en même temps des pèlerins car ils visitent les sanctuaires qui se trouvent sur leur route. C'est la raison pour laquelle, L'Hôpital-Saint-Blaise comme la plupart des autres hôpitaux, est doté d'une église. C'est le seul vestige de cette époque conservé aujourd'hui.
»

Le texte est succinct et ne permet pas de savoir si la datation du « milieu du XIIesiècle » a été établie à partir d’un document d’époque ou s’il s’agit d’une simple estimation. Par ailleurs, toujours selon ce texte, il semblerait que la construction de l’église coïncide avec celle de l’hospice. En conséquence, l’église daterait du milieu du XIIesiècle. Comme nous le verrons plus loin, notre propre estimation entre en contradiction avec cette datation.

L’église apparaît trapue et ramassée sur elle-même. Un peu comme les églises des chrétientés orientales (Géorgie, Arménie, etc) (images 1, 4 et 5). Son plan a une forme de croix grecque (image 23), avec des branches de largeurs similaires. Il faut comprendre que le modèle est très inhabituel pour cette région du monde chrétien.

En quoi ce modèle est-il « inhabituel » ? Pour le définir ainsi, il faut d’abord voir quels sont les modèles « habituels ». Il y a d’abord les nefs à trois vaisseaux, avec ou sans transept. Mais ce n’est pas le cas ici : la nef est à un seul vaisseau. Puis, parmi les nefs à un seul vaisseau, certaines sont dotées d’un transept et d’autres non. Nous avons ici une nef unique dotée d’un transept. Mais habituellement, en Occident, la nef est nettement plus longue que le transept et le chœur. Cette disposition est probablement dûe à des pratiques liturgiques : En Occident, la nef est réservée aux fidèles qui l’occupent à l’occasion des cérémonies religieuses ou même profanes. En Orient, c’est l’ensemble de l’église qui est un lieu de culte à usage perpétuel. Les fidèles y accèdent facilement (hormis au sanctuaire derrière l’iconostase) mais ils ne font souvent qu’y passer pour allumer un cierge ou embrasser une icône. Et la nef proprement dite (partie de l’église côté Ouest) peut être de dimensions réduites, analogues à celles des autres parties.

Voilà donc les raisons qui font que cette église Saint-Blaise a un « petit côté extraordinaire ». On pourrait penser que la nef de cette église, devenue trop grande pour une petite communauté, a été réduite de plusieurs travées. Le phénomène n’est pas si rare que cela. Nous l’avons souvent rencontré. Cependant, nous ne pensons pas que ce soit le cas ici. Sur l'image 3, nous pouvons voir la façade occidentale bâtie en moellons aux tons foncés. Sur cette façade, a été dressé un porche formé de blocs aux tons clairs soigneusement équarris et assemblés. Même si ce porche a été probablement fortement restauré, il semble d’origine romane. Un tel type de porche pourrait dater du XIIesiècle. Et la façade qu’il recouvre ne peut être qu’antérieure à cette période, voir même très antérieure.

Il paraît donc illusoire que l’église ait pu être amputée d’une partie de sa nef avant le XIIesiècle. En conséquence, cette église à plan à croix grecque pourrait donc s’avérer plus ancienne que l’indique le site Internet.


Les spécialistes ont été surtout attirés par la coupole de croisée du transept (image 7) . Ce type de coupole à 8 nervures non concentriques se retrouve principalement dans l’art musulman. Au nord des Pyrénées, ces coupoles sont rares. Hormis celle-ci, on en trouve en Pyrénées-Atlantiques à Sainte-Croix d’Oloron. Dans l’Hérault, il en existe une nettement plus fruste que celle-ci et pour une voûte en cul-de-four, à Loupian.

Nous avions envisagé que ce type de voûte pouvait avoir été un précurseur des voûtes en coupole. Cependant l'image 8 apporte, si ce n’est une note contradictoire, du moins un correctif à notre point de vue. En effet, on constate sur cette image que les murs de croisée du transept sont portés par des arcs brisés. Nous estimons que l’invention des arcs brisés de grande dimension comme ici, ne peut être antérieure à l’an 1100. Ces arcs seraient donc plus tardifs, aux alentours de 1150. La coupole serait donc plus tardive. D’autant plus que les corbeaux placés au-dessous de la coupole semblent prouver l’existence d’une étape intermédiaire.


Les images 9 et 10 mettent en évidence les absidioles. Le fait qu’elles soient voûtées d’ogives ne prouve rien : ce voûtement a pu être effectué tardivement. Par contre, le caractère symétrique des constructions témoigne d’un plan précis et organisé ; ces absidioles n’ont pas été construites au hasard afin d’ajouter des pièces supplémentaires à la construction. On remarque de plus que l’arc d’entrée de ces absidioles est un arc double dont la partie supérieure est en partie recouverte par la maçonnerie du mur voisin, mur qui apparaît donc postérieur à l’arc. Nous envisageons pour ces absidioles une datation comprise entre l’an 800 et l’an 1100.

Il existe cependant une différence architecturale beaucoup plus importante.

On remarque la présence de «claustras » (images 11, 12, 13, 14 et 15). Notons tout d’abord que ces claustras sont rares. Au Nord des Pyrénées, nous n’en connaissons pas d’autres. Au Sud ou à l’Est des Pyrénées, on en voit dans les Asturies (par exemple à San Miguel de Lillo ou à San Salvador de Valdediós). Ces monuments sont estimés antérieurs à l’an mille. On remarque surtout que toutes ces claustras sont placées dans le même type de bâtiment : les croisillons Nord et Sud du transept. On en trouve aussi une dans le mur Nord de la nef. On n’en voit pas dans le mur Sud, mais il faut dire que ce mur a été doublé (voir plan de l'image 23). Il est possible que cette claustra existe encore sous le mur qui la recouvre.

On ne trouve pas de claustra sur les murs du chevet. Par contre, nous pouvons voir autre chose sous les toits de ce chevet. Il s’agite de larges poutres posées sur des corbeaux et situées juste sous les bords du toit, mais semble-t-il, sans contact avec celui-ci (image 16). Ces poutres semblent n’avoir aucune utilité. Peut-être sont-elles les restes d’une ancienne charpente de toit ?

En tout cas, ces poutres sont sculptées. Le décor qu’elles portent, en pointe de diamant (images 17 et 18), en damier ou billettes (image 19), voire plus complexe (image 21) est différent de celui des poutres du XIVeou XVesiècle. Nous pensons qu’il pourrait dater de l’époque romane.. Il serait selon nous intéressant de connaître la datation de ces poutres par la méthode de dendrochronologie . Mais peut-être que cela a déjà été fait ?

En tout cas, par ses différences avec les trois autre parties, ce chevet s'en détache nettement.


Il reste à examiner le tympan du portail d’entrée (image 22). Nous avons eu l'occasion de dire ci-dessus que le porche de la façade Ouest pouvait dater du milieu du
XIIesiècle (an 1150 avec un écart de plus de 50 ans). Mais des indices nous font envisager que le tympan est plus ancien. Il pourrait être de remploi. Ce qui nous fait penser à cela, ce sont tout d'abord les dimensions réduites de ce tympan : au XIIesiècle, on réalise des œuvres de plus grandes dimensions (voir page suivante). Il y aussi l’aspect archaïque de la sculpture,  l’absence d’auréole aux têtes des animaux symboliques. L’absence d’ailes déployées, le nimbe crucifère donnant l’impression que le Christ est doté de grandes oreilles.



Datation de l’édifice

À première vue, cette église apparaissait d’une grande homogénéité. Nous pensons qu’elle ne l’est pas. Elle aurait été construite en plusieurs étapes. Au cours de la première étape, le plan de l’église devait être en forme de croix comme dans l'image 24. Les absidioles existaient-elles à ce moment là ou ont-elles été construites après ?

Au cours d’une seconde étape, le chevet de cette église aurait été remplacé par l’actuel chevet de plus grandes dimensions et doté d'un avant-chœur.

Pour la troisième étape, on aurait procédé à la reconstruction de la croisée du transept.

Nous envisageons l'an 900 avec un écart de 150 ans pour la première étape, l'an 1100 avec un écart de 100 ans pour la deuxième étape, l'an 1200 avec un écart de 50 ans pour la troisième étape.