Diverses églises du Jura susceptibles de dater du 1er millénaire (page 1/2)  

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Les édifices étudiés dans cette page concernant le département du Jura n’ont pas été visités. Leurs images, en général des copies d’écran Internet, servent à expliquer et à justifier les datations. Ces images ne peuvent remplacer une visite in situ.

Remarque : Ce site n’est pas seulement destiné à fournir des informations à un visiteur éventuel. Il sert aussi à usage interne en vue de faciliter nos propres recherches. En conséquence, on ne s’étonnera pas que l’étude de certains monuments s’écarte parfois du cadre préalablement fixé : le premier millénaire en Europe. Ainsi, il peut nous arriver d'analyser des monuments que nous estimons postérieurs à l’an 1000, mais antérieurs à l’an 1100, voire 1150, en vue d’effectuer des comparaisons stylistiques ou architectoniques.

Nous avons constaté que, tout comme les départements du Doubs et de la Haute-Saône, celui du Jura est peu riche en monuments dits « romans », antérieurs à l’an 1200. Ces trois départements auxquels il faut ajouter le territoire de Belfort font, à peu de choses près, partie de l’ancien territoire de Franche-Comté. Par contre, les autres départements de la région Bourgogne-France-Comté, la Côte d’Or, la Nièvre, la Saône et Loire, qui ont été créés sur l’ancien territoire de Bourgogne, sont eux très riches en monuments antérieurs à l’an 1200. Nous essayons de comprendre les raisons de ces différences de présence de monuments.

Les hypothèses sont nombreuses. Les deux régions de Bourgogne et de Franche-Comté sont issues d’un territoire plus vaste qui s’étendait à une partie de la Suisse, la Burgondie, ou Royaume des Burgondes. Cette Burgondie, dont le nom s’est transformé en Bourgogne, a été séparée en deux régions, le Duché de Bourgogne et le Comté de Bourgogne appelé Franche-Comté. Il est possible que cette scission, apparemment arbitraire entre deux territoires, traduise des divisions majeures : des pays fondamentalement différents, avec des traditions, des langues et des religions différentes. Bien sûr, nous n’envisageons ces différences fondamentales qu'au cours du premier millénaire. Les différences auraient été au fur et à mesure gommées au cours des siècles suivants. Notons, à l’appui de cette idée, que, au XVIIesiècle encore, la Franche-Comté ne faisait pas partie du Royaume de France. Par ailleurs, nous pensons qu’une étude sérieuse doive être réalisée sur les vocables, duc, comte, marquis, roi. On nous répondra sans doute que cette étude a été réalisée depuis longtemps. C’est même une science appelée « onomastique ». Nous pensons que cette science doit aller beaucoup plus loin. Par exemple, on sait que le marquis représentait l’empereur dans les « Marches » de l’Empire, c’est-à-dire dans des territoires situés aux frontières. Mais quels étaient les pouvoirs de ces « marquis » dans la gestion de ces territoires ? Nous l’ignorons. De même que nous ignorons quelles étaient les fonctions du « duc », du « comte », du « vicomte ». Alors que, à l’heure actuelle, nous ne faisons pas la différence entre des titres honorifiques comme « Monsieur le Comte de », « Madame la Vicomtesse de », Madame la Duchesse de », « Monsieur le Baron de » (pas pour tous les titres : nous savons ce que signifie « Monseigneur l‘Evêque de »), cette différence devait être très claire durant le Haut Moyen-Âge. Nous pensons que les « ducs », les « patrices », devaient occuper des fonctions importantes dans les territoires sous emprise romaine. En ce qui concerne les territoires sous emprise barbare, c’étaient les « comtes » et les « vicomtes ». Mais il ne s’agit là que d’une emprise de territoire : à l’intérieur de chaque territoire, les populations devaient être plus mélangées.

Revenons aux hypothèses concernant l’absence de monuments antérieurs à l’an mille en Franche-Comté.

L’une d’entre elles pourrait être une carence dans la recherche de ces monuments : on ne les trouve pas parce qu’on ne les a pas cherché. Cette idée peut être en partie vraie. Mais une petite partie. Nous avons constaté à plusieurs reprises que des églises qualifiées de « baroques » pouvaient dissimuler sous des couches d’enduits des parties plus anciennes. C’est peut-être le cas pour certaines églises de Franche-Comté. Mais une telle dissimilation par des couches de plâtre est plus difficile pour des églises vraiment romanes, c’est à dire comportant des chapiteaux sculptés. Or il semblerait qu’il n’y ait pas de telles églises en Franche-Comté (ou du moins en nombre très limité).

Une autre des hypothèses pourrait provenir de la fréquence des guerres qui auraient affecté cette région de Franche-Comté, guerres qui auraient détruit nombre de monuments. C’est l’hypothèse à laquelle nous attachons le moins de valeur. En effet, toute destruction de monument en pierre laisse des traces, parfois minimes : une simple pierre sculptée. Or, ayant eu l’occasion de visiter cette région (mais pas les monuments ici décrits), nous n’avons pas observé de restes significatifs.

Une dernière hypothèse viendrait de la pauvreté agricole des terrains de Franche-Comté et de l’absence de voies de communication que sont les voies navigables de la Saône et de la Loire.

Il y aurait peut-être même un lien entre toutes ces hypothèses : la colonisation romaine commence par la vallée de la Saône et le territoire des Éduens. Des villes importantes sont créées, comme à Autun. Lorsque les Burgondes arrivent, on leur laisse l’exploitation de territoires nouveaux mais pauvres. Les zones riches de Bourgogne restent sous influence romaine. Les zones pauvres de Franche-Comté passent sous influence burgonde. Dans ces régions, la christianisation est plus tardive et le peuplement moins dense que dans la Bourgogne voisine.

Mais passons à l’étude des monuments subsistants :

Les quatre églises décrites dans cette page sont : l’église Saint-Just d’Arbois, l’église Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs, l’abbatiale Saint-Pierre de Gigny, l’église Saint-Jean-Baptiste de La Loye.





L’église Saint-Just d’Arbois

Voici un extrait du texte de la page du site Internet Wikipedia relatif à cette église : « L'église Saint-Just d'Arbois est une église catholique de style roman et gothique, à Arbois, dans le Jura en Franche-Comté.

Au XIIesiècle, cette église est construite en architecture romane avec un clocher-tour-de-guet intégré dans les fortifications de la ville. Au XIIIesiècle, des éléments tels que la nef voûtée sont ajoutés en style gothique.
»

On retrouve dans ces quelques phrases une dérive devenue habituelle : le style roman, c’est le XIIesiècle ! le style gothique, c’est le XIIIesiècle ! En conséquence : de l’an 400 à l’an 1100, il ne s’est rien passé ; de l’an 1300 à l’an 1500,il ne s’est rien passé.

Étudions l’architecture de cet édifice : on constate immédiatement sur les images de 1 à 6 que la nef est à trois vaisseaux. Le vaisseau central est porté par des piliers en alternance cylindriques et rectangulaires. Les piliers cylindriques sont de type C0000. Les piliers rectangulaires sont de type R0000. Les arcs reliant les piliers sont simples. Les trois nefs sont voûtées en croisées d’ogives. Cependant, tout laisse à penser qu’elles étaient primitivement charpentées. Le voûtement du vaisseau central est selon nous attribuable au XIVesiècle.

L’alternance de piliers rectangulaires et cruciformes est caractéristique des pays germaniques. Nous l’avons déjà rencontrée en Alsace (Lautenbach) ou au Luxembourg (Echternach).

Nous avions daté la nef de Lautenbach, de l’an 650 avec un écart de 150 ans, par la présence d’un sarcophage. Nous sommes moins précis pour celle-ci.


Datation envisagée pour l’église Saint-Just d’Arbois : an 700 avec un écart de 200 ans.






L’église Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs

Voici un extrait du texte de la page du site Internet Wikipedia relatif à cette église : « Les premières mentions de Baume datent du IXesiècle, au moment où se restaure un ancien monastère sous la direction de l'abbé Bernon, venu de Gigny, qui partira ensuite de Baume en 909-910 pour fonder la grande abbaye bourguignonne de Cluny. D'abord « Mère de Cluny », Baume en deviendra, non sans conflits, la fille, au XIIesiècle.

Les traditions attribuent la fondation de Baume, soit à saint Lothain, l'un des Pères du Jura, ou à saint Colomban. Toutefois, ces attributions sont erronées, la première attribution à saint Colomban nous vient de Pierre le Vénérable , abbé de Cluny au XIIesiècle. Cette attribution semble une invention tardive de Cluny, afin de donner des origines prestigieuses à Baume, qui est elle-même à l'origine de la fondation de Cluny de par son premier abbé : Bernon. Enfin, l'attribution à saint Lothain ne remonte qu'au XIXesiècle et ne repose que sur le contexte géographique. Toutefois, les recherches archéologiques, menées dans le chœur de l'église abbatiale, ont mis au jour des vestiges de l'abbaye remontant à la période mérovingienne, mais il faut attendre 869 pour avoir la première mention, attestée, de Baume comme étant une
« cella » (petit établissement monastique) qui est confiée en 890 par le roi de Provence Lois III l’Aveugle à l'abbaye de Château-Challon.


L’abbé Bernon ... quittera Baume avec quelques moines en 909-910 pour fonder l’abbaye de Cluny, ce qui fera de Baume, avec Gigny, la « mère » de la grande abbaye bourguignonne.

Le développement de l'abbaye de Baume-les-Messieurs est ensuite mal connu, mais son importance est déjà grande à la fin du XIesiècle, alors que l’église abbatiale (qui sera remaniée par la suite) est érigée sous les abbatiats de Bernard I er (1067-1083) et Alberich (1104-1139). »

Observons tout d’abord le grand soin que l’auteur des lignes précédentes a pris pour analyser des textes probablement issus de chartes écrites en 869, 890, 909-910. Il en fait une étude critique, n’hésitant pas à remettre en question la fondation de l’abbaye par saint Lothain ou saint Colomban. C’est une analyse que nous approuvons et encourageons. Beaucoup trop souvent, des historiens se sont fiés à la lecture trop littérale et sans discernement de textes anciens pour dater un monument ou la fondation d’une abbaye. Ces historiens de l’art n’ont pas envisagé que certaines histoires réelles avaient pu être transformées en légendes, des légendes prises pour des réalités. Nous estimons que la légendification d’une histoire colportée par voie essentiellement orale devient effective dans les 100 à 150 ans. Si Pierre le Vénérable, abbé de Cluny au XIIesiècle, a raconté la fondation de l’abbaye de Baume-les-Messieurs par Saint Colomban, mort vers 714, donc plus de quatre siècles auparavant, il y a de fortes chances que cette histoire soit fausse. Ou plutôt enjolivée : il fallait bien que cette fondation soit attribuée à un homme célèbre.

Au passage, il nous faut insister sur la réflexion que nous impose l’existence de ces moines irlandais, saint Patrick ou saint Colomban. Car on en parle beaucoup de ces moines. On leur attribue beaucoup de créations. Mais ces créations, on ne les voit pas. Hormis peut-être quelques manuscrits comme celui de Landévennec. Nous pensons que cette histoire des saints irlandais évangélisant la Gaule a été extrêmement montée en épingle. Il y a eu sans doute beaucoup d’autres fondateurs de communautés dont l’histoire de vie a été perdue. Et on a insisté sur les quelques histoires plus ou moins légendaires qui sont parvenues jusqu’à nous.

Concernant la datation de l’église, « l’église abbatiale (qui sera remaniée par la suite) est érigée sous les abbatiats de Bernard I er (1067-1083) et Alberich (1104-1139) », le texte ne fournit pas des éléments de justification : on ne connaît que les dates des abbatiats, mais pas les parties de l’église éventuellement en construction ou déjà construites.  Il semblerait que, comme d’habitude, la datation s’est faite, non sur des bases précises, mais sur un a priori : la construction est postérieure à l’an mille. Quant à l’église qui existait en 869, on n’en parle pas. Comme d’habitude aussi, les églises antérieures à l’an 1000 passent à la trappe de l’ignorance.

La nef de cette église semble être une sœur jumelle de la précédente (images de 7 à 11). Une exception toutefois : certains des piliers ne sont ni cylindriques (C0000), ni rectangulaires (R0000), mais à base octogonale (image 12). Il est possible que ces piliers aient été primitivement rectangulaires mais les angles auraient été abattus.

Datation envisagée pour l’église Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs (la même que celle d’Arbois) : an 700 avec un écart de 200 ans.






L’abbatiale Saint-Pierre de Gigny

Voici un extrait du texte de la page du site Internet Wikipedia relatif à cette église : « Dans les années 880, Bernon établit à Gigny une communauté destinée à restaurer l'observance définie par la règle de saint Benoît de Nursie, dite Règle bénédictine (vers 535) et généralisée à tous les monastères d'hommes par Benoît d'Aniane au début du IXesiècle.

En 895, Bernon obtint que sa communauté soit placée sous la protection du pape, ce qui offrait une certaine garantie contre l'avidité des pouvoirs locaux. En 909, Bernon fonda Cluny, prieuré indépendant de l'abbaye de Gigny. Il le peupla de 12 moines (selon la tradition, 6 de Baume et 6 de Gigny) et y instaura la Règle bénédictine.

Bientôt Cluny l'emporta sur Gigny. En 1076, à la demande des moines de Gigny, le pape Grégoire VII confia à Hugues de Semur, abbé de Cluny, la direction de Gigny qui, en 1095, fut réduite au rang de prieuré ...

L’église abbatiale : Elle assemble plusieurs types d'architecture, étalés des années 1000 à 1500, puis se discernent des restaurations considérables, du XVIIeau XIXesiècle...

La nef : Si les voûtes d'arêtes des collatéraux appartiennent à la construction d'origine, le vaisseau central de la nef ne fut voûté que vers le milieu du XIIesiècle. Il était auparavant charpenté. Les voûtes d'arêtes actuelles datent d'une reconstruction du XVIIesiècle.

La nef relève du premier art roman, avec des maçonneries de pierres modestes, cassées au marteau et liées par un épais mortier.
»

Ce texte est comparable au précédent. Ce qui n’est pas surprenant, puisque les abbayes de Baume-les-Messieurs et de Gigny semblent avoir suivi le même sort.

Et il en est de même pour nos observations ou nos critiques concernant les datations des monuments invariablement attribués au deuxième millénaire. Nous voyons même dans le morceau de phrase : « , étalés des années 1000 à 1500 » la manifestation de ce que nous appelons la « terreur de l’an 1000 » ou le « syndrome de l’an 1000 », l’incapacité pour un historien de l’art d’imaginer qu’un quelconque monument puisse être antérieur à l’an mille. Alors qu’il existe des documents, que lui-même met d’ailleurs en évidence, prouvant qu’il existait bien quelque chose avant l’an mille. En l’occurrence, dans le cas présent, l’existence d’une communauté de moines en l’an 880, une communauté suffisamment puissante pour créer, moins de trente ans après, une autre communauté.

Les images 17 et 18 sont comparables à celles que nous avons vues précédemment à Arbois et Baume-les-Messieurs : piliers de type R0000 ou C0000, arcs simples. Et tout comme précédemment, les nefs préalablement charpentées ont été voûtées à une époque plus tardive.

On constate sur le plan de l'image 13 et sur les images 17 et 18 que les piliers de l’avant-chœur sont à section rectangulaire. Alors que les piliers de l’autre côté du transept sont cylindriques. Cette particularité nous semble très intéressante. La construction d’une église se fait en général d’Est en Ouest. Nous parlons bien sûr de l’édifice primitif, car il arrive souvent qu’un nouveau chœur remplace le chœur primitif. Donc l’église primitive aurait été construite d’Est en Ouest, ce qui laisse envisager que pour cette construction primitive, on ait commencé par le chœur, puis deux travées d’avant- chœur et éventuellement la travée de ce qui deviendra le transept. Plus tard, on aurait agrandi la nef vers l’Ouest. D’où l’idée que certaines nefs à piliers de type C0000 auraient pu être construites après les nefs à piliers de type R0000. C’est d’ailleurs ce que l’on observe en Suisse, à Romainmotier.

Ultérieurement, vers le XIesiècle, on aurait construit la tour de croisée du transept, à arcatures lombadres.

Datation envisagée pour l’abbatiale Saint-Pierre de Gigny : an 650 avec un écart de 200 ans.






L’église Saint-Jean-Baptiste de La Loye

Nous n’avons presque aucune information sur cette église. Nous l’avons mise sur ce site à cause de son clocher à plan rectangulaire et à arcatures lombardes.

Datation envisagée pour l’église Saint-Jean-Baptiste de La Loye : an 1025 avec un écart de 100 ans.