Autres églises de la Vienne susceptibles de dater du Ier millénaire (page 2/2)
Les églises étudiées dans cette page sont : l’église
Saint-Sulpice d’Oyré, l’église
Saint-Pierre de Saint-Pierre-les-Églises.
Le 7 décembre 2024, nous y ajoutons l'étude de l'
église Saint-Maurice de Saint-Maurice-la-Clouère
visitée par Clive Kenyon.
L’église
Saint-Sulpice d’Oyré
Nous n’avons pas eu l’occasion de
visiter cette église qui nous apparaît très intéressante à
plus d’un titre.
On distingue tout d’abord la galerie située côté Ouest et
qui se prolonge sur une partie de l’aile Sud (images
1, 2 et 5). De telles galeries sont rares en
France. On en trouve à Epfig en Alsace. Il est difficile de
savoir si leur construction est le résultat d’un projet
élaboré auparavant ou s’il s’agit d’un phénomène
conjecturel. On sait que, concernant les églises de
l’antiquité tardive, il a pu y avoir des projets préparés à
l’avance : la basilique primitive était souvent précédée
d’un atrium quadrangulaire (sorte de cloître) dont une
galerie longeait la façade Ouest. Sur les faces latérales de
l’église, côtés Sud et Nord, étaient disposées des galeries.
Ces galeries ne jouxtaient pas la totalité de l’église mais
seulement la nef. On pense qu’elles servaient à accueillir
des catéchumènes avant le sacrement du baptême, leur
permettant d’entrer dans la nef des églises. On peut voir un
exemple de ce type d’église à Bolnisi, en Géorgie, église
datée du Vesiècle. Bien sûr, la Géorgie est un
peu loin de l’Aquitaine, mais des fouilles permettent de
montrer que le modèle existait aussi de ce côté-ci de
l’Europe. Cependant, un long temps s’est écoulé entre le Vesiècle
et le XIesiècle, et durant ce temps, beaucoup
d’usages ont été modifiés. L’atrium implanté sur la façade
Ouest a totalement disparu, remplacé par des constructions
différentes. Par ailleurs, à Saint-Sulpice d’Oyré, la
galerie ne couvre que deux côtés de l’église au lieu de
trois. De plus, les deux galeries, Ouest et Sud, sont
différentes (image 1).
Il serait donc possible que la construction des galeries
soit un phénomène conjoncturel. On aurait construit ces
galeries pour joindre l’église à des bâtiments préexistants.
L’arc triomphal, à double rouleau et légèrement outrepassé,
fait envisager une datation aux alentours de l’an mille (image 6).
Mais ce sont les chapiteaux qui
devraient susciter le plus l’attention (
images de 7 à 13). Ces chapiteaux sont totalement
inusités et très énigmatiques. Le seul qui ressemble à un
modèle déjà connu est celui de l'image
8 : deux sphinx à têtes humaines. Pour les autres,
nous nageons en plein mystère. Et nous ne voyons pas dans
ces images de représentation qui fasse allusion à des
événements bibliques ou même à des thèmes symboliques
élémentaires, comme la lutte du Bien contre le Mal. Les images 10, 11, 12 et 13 mettent
en scène de véritables histoires que nous n’arrivons pas à
décrypter, car nous ne voyons pas à quoi elles se réfèrent.
Nous estimons que lorsque les scènes sont énigmatiques, le
mystère est dû, soit à une plus grande ancienneté, soit à
l’appartenance à un groupe culturel différent du groupe
chrétien.
Datation envisagée
pour l'église Saint-Sulpice d’Oyré : an 975 avec un écart de
100 ans.
L'image 17 est
celle d’un couvercle de sarcophage, de type poitevin, du VIIeou
VIIIesiècle.
L’intérêt principal de cette église se
situe dans les fresques qui couvrent l’intérieur de
l’abside.
Cette fresque contient une scène de Crucifixion (images
20 et 21). Cette crucifixion contient le personnage
de Longin, soldat qui a percé le corps du Christ. Selon la
page de Wikipedia consacrée à Longin, « son
nom Longinus figure sur la fresque que le pape Zacharie
(741-752) fit exécuter dans l’église Sainte-Marie Antique
à Rome. C’est une des plus anciennes représentations
connues de la Crucifixion. »
Cette information que nous venons juste de découvrir se
révèle primordiale. Jusqu’à présent, nous pensions que les
représentations de crucifixions montrant les deux soldats
présents lors de cette crucifixion ne dataient que du Xesiècle
(ce d’après un manuscrit daté de cette période). La datation
pourrait donc être relevée de deux siècles.
L'image 24 confirme
quant à elle cette estimation. On y voit la scène classique
de « l’Adoration des Mages ». Les Mages, au nombre de trois
sont représentés coiffés d’une sorte de bonnet phrygien. Et
non de la couronne des rois.
La Bible n’a pas dit que les mages étaient des rois. Le
premier à en parler serait Tertullien à la fin du IIesiècle.
Césaire d’Arles mort en 542 aurait repris l’information. Il
est cependant possible que l’adoption définitive de traiter
les mages comme des rois soit plus tardive.
Toujours est-il que ces fresques pourraient bien dater du 8
eou du IXesiècle. Soit plusieurs
siècles avant le quasi-rituel XIIesiècle que les
historiens de l’art attribuent à toute œuvre du Moyen-Âge
estimée antérieure à l’an 1200.
Datation estimée
pour l’église Saint-Pierre de Saint-Pierre-les-Églises et
ses fresques : an 900 avec un écart de 150 ans.
Ajout du 7 décembre
2024
L'église
Saint-Maurice de Saint-Maurice-la-Clouère
La plupart des images de
25 à 45 nous ont été apportées par Clive Kenyon qui
a visité cette église durant l'été 2024.
La page du site Internet Wikipédia décrivant cette église
donne la datation suivante : « ... de
la fin du XIe siècle ou du début du XIIe
siècle ». Nous n'avons pas d'autre renseignement.
Des images de panneaux explicatifs circulent sur Internet
mais celles que nous avons vues jusqu'à présent sont
difficilement lisibles.
Les images 25 , 26, 27 et
31 de l'extérieur ainsi que le plan de l'image
35 font apparaître un chevet et un transept
richement décorés (images
25 et 31) et une nef dont la façade Nord (image
26) apparaît un peu plus pauvre. Cette façade est
percée d'un portail (image
28). Il est possible que ce portail ait été percé
postérieurement à la construction de la façade car il devait
y avoir auparavant une fenêtre située au-dessus de
l'emplacement de ce portail, à l'image des fenêtres des
travées voisines.
Une voussure de ce portail est ornée d'une frise d'hybrides
affrontés à corps de lion, et têtes et ailes d'oiseaux (image 29). Des lions à
queue feuillue eux aussi affrontés ou adossés sont présents
sur un chapiteau de ce portail (image
30).
On retrouve des lions à queue feuillue (mais à masque
humain) sur deux chapiteaux du chevet (image
33 et 34). Pour ces chapiteaux, les corps de lion
se rejoignent dans les angles pour former une seule tête.
Le plan de l'image
35 fait apparaître un ensemble transept-chevet
trilobé (ou triconque). Ce type de plan est rare en Europe
de l'Ouest. Dans la même région, la Nouvelle Aquitaine, il
existe une autre église à plan tréflé : Saint-Sulpice de
Marignac (Charente-Maritime). Nous ne savons pas quelles
sont les raisons qui ont présidé à l'élaboration de ce type
de plan : peut-être le souhait d'imiter certaines églises
d'Orient dans lesquelles le plan se rencontre plus
fréquemment.
On remarque sur ce plan que les deux collatéraux, et en
particulier le collatéral Sud, se rétrécissent en direction
de l'Est, alors que ce n'est pas le cas du vaisseau central.
Nous ignorons les raisons de ce rétrécissement qui apparaît
bien réel. Il est possible que les murs extérieurs Nord et
Sud aient été détruits. Ils auraient été remplacés par
d'autres murs permettant d'élargir les collatéraux. C'est ce
que nous avons vu pour l'église Saint-Denis de Lichères
(Charente).
Les images 36, 39, 40, 41
et 42 font apparaître des arcs brisés (roman tardif
ou gothique). Les images
37, 38 et 39 font apparaître des arcs en plein
cintre dont certains à double rouleau.
Nous pensons que la construction de l'église s'est faite en
plusieurs temps. Une première église a été construite avec
une nef à trois vaisseaux charpentés, des piliers de type R0001 et des arcs
reliant les piliers, en plein cintre et à double rouleau.
Dans un deuxième temps, on aurait accolé aux piliers du côté
des collatéraux des pilastres en vue de voûter les
collatéraux, obtenant ainsi des piliers de type
R0101. Dans un troisième temps, on aurait accolé
aux piliers du côté du vaisseau central des colonnes
demi-cylindriques en vue de voûter ce vaisseau central,
obtenant ainsi des piliers de type R0102.
On aurait alors construit des voûtes en berceau brisé.
La première église devait avoir un chevet assez simple. Ce
chevet aurait été remplacé par le chevet trilobé actuel,
probablement au moment de la construction des voûtes du
vaisseau central.
On retrouve des lions à queue feuillue (image 43) et des
animaux adossés (image 44)
sur des chapiteaux de la nef. Le chapiteau de l'image
45 est le plus surprenant. Il semblerait que l'on
soit en présence d'un chapiteau de forme trapézoïdale avec
face avant plate qui aurait été en partie recouvert par le
mur situé à gauche.
Datation
envisagée
Pour l'église primitive Saint-Maurice de
Saint-Maurice-la-Clouère : an 950 avec un écart de 150 ans.
Pour le transept et le chevet de l'église Saint-Maurice : an
1100 avec un écart de 50 ans.