La cathédrale de Saint-Lizier
Voici ce que nous disions de ce monument, lorsque nous avonc créé cette page en septembre 2019 :
Cet édifice présente les traces de
plusieurs campagnes de travaux, laissant envisager une
datation bien antérieure à celle estimée auparavant. Il
nécessite un examen très approfondi que nous espérons
pouvoir effectuer dans les mois qui viennent.
Datation envisagée : VIe- IXe
siècles.
Réécriture
de cette page (créée en septembre 2019), le 3 juillet 2022
:
À la suite d'une nouvelle visite de la cathédrale
Saint-Lizier, en juin 2022, nous sommes en mesure
d'effectuer son étude.
Examinons tout d'abord le plan de l'image
4. Il est
extrait de l'ouvrage
Pyrénées Romanes de la Collection Zodiaque.
Les légendes du plan sont les suivantes :
en noir : roman.
en quadrillé : XIIIe-XIVe siècles.
en oblique : XVe-XVIe siècles.
en mosaïque : Indéterminé.
en pointillés : fondations antérieures.
Le moins que l'on puisse dire est que ce plan témoigne d'un
certain désordre. Les murs ne sont pas alignés, les angles
ne sont pas droits, la nef et le chœur n'ont pas la même
orientation. La seule partie qui semble à peu près régulière
est le chevet.
Disons-le tout de suite, un tel plan n'est pas normal. Il
faut bien comprendre que dans tout projet architectural, y
compris le plus modeste, il y a une recherche de perfection.
Et c'est à plus forte raison vrai pour un lieu de culte : il
faut que le lieu où réside Dieu soit un endroit parfait. La
perfection doit se manifester à la fois dans l'architecture
et dans les décors. Nous avons constaté que, concernant
l'architecture du Premier Millénaire, la perfection était
réalisée dans la symétrie des formes : symétrie centrale ou
symétrie par rapport à un axe Est-Ouest. En fait, dans les
églises que nous avons visitées, cette symétrie est très peu
effective à cause de modifications ultérieures (création
d'un transept, implantation d'un clocher, ajout d'une
sacristie, etc). La recherche d'une symétrie permet
d'imaginer la symétrie originelle et de reconstituer
l'édifice d'origine.
Le plan de l'image 4 ne
permet pas de reconstituer l'édifice originel. On constate
d'abord que la ligne presque verticale passant par les
piliers des baies d'accès aux absides n'est pas droite, mais
légèrement courbe. Mais cela n'est peut-être pas important,
car imputable à une série de petites erreurs (mesures
initiales, relevé du plan, copies successives de ce plan).
Inversement, les images du transept et de la nef ne font pas
apparaître de symétrie. Ainsi, observons les tracés de murs
en noir (qualifiés de « romans »). Si le mur Sud du
croisillon Sud du transept est dans l'alignement du mur
extérieur de l'absidiole Sud, ce n'est pas le cas du mur
Nord du croisillon Nord du transept. En ce qui concerne le
mur séparant la nef du cloître, on distingue mal son
alignement rapport au mur Nord de l’absidiole Sud. La
reconstitution de l'édifice originel vis-à-vis de ce plan se
révèle donc délicate et on pressent que le réalisateur de ce
plan n'a pas envisagé plusieurs campagnes de construction
pour la seule partie dite romane (traits en noir).
Nous avons jusqu'à présent examiné le seul plan. Examinons à
présent l'architecture en commençant par le chevet (images
5 et 6). On constate sur l'image
6 que le parement de l'absidiole Sud est différent
de celui de l'abside centrale. Sur l'image
12, le
parement de l'absidiole Nord est identique à celui de
l'absidiole Sud. Cette seule constatation permet de conclure
à deux (au moins) campagnes de travaux sur le chevet (alors
qu'il est uniformément tracé en noir sur le plan de l'image 4).
Mais ce n'est pas tout ! Nous avons en effet remarqué
l'existence de trois larges pilastres (encore appelés
contreforts ou lésènes). Ces pilastres sont orientés
respective- ment au Nord, à l'Est (appelé contrefort 1 sur
l'image 7), au Sud
(appelé contrefort 2 sur l'image
7). Des fenêtres à un ressaut sont percées au
centre de chacun de ces pilastres. À l'origine, ces baies
devaient être encadrées de colonnettes, mais seule celle de
l'Est les a conservées.
Observons à présent l'image
8. Nous
pouvons voir, à gauche et de face, le contrefort Sud, et à
l'extrême droite, la tranche du contrefort Est. Entre les
deux, une partie plane faisant un angle de 45° avec la face
avant. Le parement de cette partie est grossier, différent
de celui du contrefort. Un autre pilastre nettement plus
mince que les contreforts partage en deux cette partie. On a
la même chose de l'autre côté (images
10 et 12).
Les différences de parement permettent là encore d'envisager
plusieurs campagnes de travaux.
Les diverses observations effectuées sur diverses églises
(Peyrusse-Grande dans le Gers, Bougneau en
Charente-Maritime, Saint-Just-de-Valcabrère en
Haute-Garonne) ont permis de dégager certains éléments
caractéristiques : fenêtres percées sur des pilastres pour
les deux premières, chevet plat pour les trois édifices. En
nous inspirant de ces églises, nous proposons deux
hypothèses de plan de chevet primitif : hypothèse 1 (image
13), hypothèse 2 (image
14), L'hypothèse 2 serait plus proche des plans de
Peyrusse-Grande et de Bougneau. Dans chaque cas, les coins
sont tronqués ou biseautés. Le plan devient pentagonal. Nous
pensons que la transformation d'un plan carré à un plan
pentagonal a permis de construire une toiture rayonnante
posée sur des charpentes. Nous ne pensons qu'il y ait eu à
ce moment-là pose d'une voûte en pierre. Cette pose se
serait faite ultérieurement. Et ce, grâce à la pose des
pilastres minces accolés aux parties en biseau, de parement
différent (image 8).
Ces pilastres permettent de porter la base de la voûte, de
forme circulaire.
Les sculptures originelles des contreforts ont été en partie
conservées (images 9 et 11).
Remarquons enfin les belles pierres sculptées insérées dans
les parties biseautées. Ce sont des dalles de marbre
décorées de feuilles d'acanthe et de fleurs à 6 pétales
issues probablement d'un monument funéraire romain (images
8 et 11)
Visitons à présent l'intérieur de
l'édifice en nous dirigeant d'abord vers le chœur.
Selon ce que nous avons déduit de l'analyse extérieure, la
grande voûte en cul-de-four décorée d'un Christ en Gloire a
probablement été construite au cours d'une deuxième, voire
troisième, campagne de travaux. Elle est donc peut-être plus
récente que l'avant-chœur (image
16). C'est donc vers celui-ci que nous nous
tournons (images 17 et 19).
De grands arcs portés par des colonnes semi-cylindriques
sont adossés aux murs Nord et Sud. Ils servent à porter une
voûte en berceau plein cintre. On avait la même disposition
à Peyrusse-Grande et Bougneau. Une différence cependant :
dans ces deux églises, ce ne sont pas des colonnes
semi-cylindriques mais des pilastres à section
rectangulaire. Un fait important : les arcs côté Est sont en
partie recouverts par des chapiteaux (images
18 et 20). Ceci signifie que les chapiteaux sont
postérieurs aux arcs. Mais il y a mieux ! Une observation
plus ciblée sur l'image 18
permet de constater que le chapiteau qui recouvre
l'arc est en fait formé de deux chapiteaux, celui du dessous
étant plus large que celui du dessus (ce qui est anormal).
Il y a un décalage entre le sommet de la colonne, le
chapiteau du bas, le chapiteau du haut, le tailloir et la
base de l'arc doubleau. D’où l'idée d'un « rafistolage »,
d'un essai de raccordement d'un doubleau à une base
préexistante (les deux colonnes symétriques).
Sur l'image 19, on peut voir que les
arcs sont brusquement interrompus à droite. Cette
interruption se manifeste même sur le chapiteau de droite
dont la partie droite a été sciée (image
21). Nous n'avons pu en déterminer la raison.
Les absidioles révèlent, quant à elles,
leur lot de surprises. On remarque en particulier
l'épaisseur des murs deux fois plus grande que celle de
l'abside centrale alors qu'elle devrait être moindre. Il y a
ensuite le « couloir » situé entre l'abside centrale et
l'absidiole Sud (images 22
et 23). Il devait avoir son symétrique côté Nord.
La voûte qui le recouvre et la fresque qui le décore
montrent bien qu'il ne s'agit pas d'un trou fait dans le mur
(construction occasionnelle) mais le résultat d'un projet
réfléchi. Et on se pose la question : « À quoi pouvait-il
servir ?
Il y a enfin le décor de chacune des absidioles. Pour celle
du Nord (image 25),
l'arc d'entrée est porté par des chapiteaux au décor de
rameaux de feuilles stylisées enserrés dans des anneaux (images 26 et 27). Pour
celle du Sud (image 28),
l'arc d'entrée est porté par des chapiteaux au décor
d'entrelacs dit « carolingiens » (images
29 et 30).
Une autre anomalie est observable au
niveau de l'arc triomphal, côté nef (image
31). On constate tout d'abord la dissymétrie. L'arc
triomphal, outrepassé, est décalé vers le Nord. Il reste un
pan de mur, coté Sud (image
32). Des pilastres sont adossés à ce pan de mur,
témoins d'une construction disparue. Quelle était cette
construction ? Dans d'autres situations un peu semblables à
celle-ci, nous avons envisagé qu'une telle construction
était une partie de pilier de nef à trois vaisseaux. Nous en
sommes moins certains dans le cas présent.
Sur l'image 35, nous avons essayé de
représenter en rose une image de la nef dans la perspective
d'un alignement avec les absides. Mais ce n'est qu'une
hypothèse. Une autre hypothèse non représentée ici serait
celle d'une orientation différente entre les axes de la nef
et du chevet. Dans ce cas, la nef aurait une orientation
analogue à l'actuelle. Les parties du plan indiquées en
pointillés, appelées « fondations antérieures » pourraient
être les traces de cette ancienne nef. Mais ces traces sont
incomplètes et parfois non concordantes. De plus, il
resterait à justifier l'existence du changement
d'orientation entre la nef et le chevet. Dans d'autres cas,
nous avons pensé que l'église avait pu être consacrée à deux
saints distincts (Pierre et Paul, Gervais et Protais,...).
On quitte cette nef après avoir admiré les belles fresques
romanes de l'abside centrale (images
36 et 37) et de l'absidiole Sud (images
38 et 39). Le cul-de-four de l'abside centrale
ayant fait partie d'une 2e ou 3e
campagne de travaux, les fresques ne peuvent être très
anciennes. Nous les datons du XIIe siècle. Les
absidioles sont selon nous plus anciennes que l'abside
centrale mais, inversement, par leur style du XIVe-XVe
siècle, elles apparaissent plus récentes. En fait la fresque
la plus ancienne semble être celle du couloir (image
23), antérieure à l'an mil ?
Le
cloître
Nous n'avons pas pris l'habitude de décrire les cloîtres.
Aux débuts de notre étude, nous les avions écartés de notre
recherche. Nous estimons en effet que les cloîtres sont
postérieurs aux cathédrales. Les plus anciens sont
probablement postérieurs à l'an mil. Nous avons cependant
réintroduit une partie d'entre eux en pensant qu'ils
pouvaient fournir des renseignements intéressants sur les
siècles antérieurs. C'est le cas ici (images
41 et 42).
Image 42 : en
premier plan, chapiteau à entrelacs.
Image 43 :
chapiteau du « Péché Originel ». C'est, à notre
connaissance, le seul chapiteau du cloître traitant une
scène biblique : Ève faisant croquer le fruit défendu à
Adam.
Image 44 :
chapiteau énigmatique. Un être nu à deux têtes poursuit une
bête fantastique dans les feuillages.
Image 45 :
chapiteau non identifié. Combat entre deux hommes. Caïn et
Abel ?
Image 46 :
chapiteau énigmatique. Deux hommes entourés de cercles
entrelacés.
Image 47 :
chapiteau énigmatique. Deux hommes en train de fraterniser.
Image 48 :
chapiteau à entrelacs.
Chapiteau
de « Daniel et les lions »
Ce chapiteau a été représenté ici sur ses 4 faces.
L'appellation de « Daniel et des lions » est en général
donnée à ce type de représentation (un homme debout entre
deux lions symétriques) faisant référence à un épisode de la
Bible. Nous pensons qu'en fait, cette représentation est
plus symbolique que descriptive d'un événement
biblique : le symbole de la force terrestre (les lions)
protégeant la religion (l'homme).
Image 49 : face 1.
L'homme est représenté de face (nu ?). Il tient sur sa
poitrine un disque (représentant le soleil ?) et dans sa
main droite un petit sac. Sur ses épaules, sont posées les
pattes des lions de l'image suivante.
Image 50 : faces 1
et 2. On retrouve en partie la face précédente, le lion et
son symétrique encadrent un masque humain portant des cornes
(le diable ?).
Image 51 : face 3.
L'homme est représenté levant les bras en attitude d'orant.
Image 52 : face 4.
La scène est identique à celle de la face 2. Les faces sont
pourtant différentes (sur la face 2, le tailloir est bûché,
alors qu'il est intact sur le face 4).
Image 53 : Ce
sarcophage à cuve rectangulaire est attribuable à
l'antiquité tardive.
Image 54 : Cuve à
fonction et décor énigmatiques. À gauche, un oiseau (coq ?)
picore au-dessus d'un vase. Au centre, une tête de taureau
encadre deux formes circulaires (le soleil et la lune ?). À
droite, une tête humaine un peu endommagée semble porter une
auréole.
Datation
envisagée pour la cathédrale de Saint-Lizier
En fait, compte tenu des nombreuses campagnes de travaux que
nous avons constatées, nous devons proposer, non une
datation, mais une série de datations.
Pour l'abside à plan carré de l'église primitive : an 700
avec un écart de 200 ans.
Pour la transformation en plan pentagonal de l'abside, la
colonnade de l’avant-chœur, les absidioles : an 850 avec un
écart de 150 ans.
Pour le voûtement de l'abside centrale et les fresques de
cette abside : an 1050 avec un écart de 100 ans.
Pour les éléments romans de la nef et le cloître : an 1100
avec un écart de 100 ans.