La cathédrale Notre-Dame-de-la-Sède à Saint-Lizier 

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Cette page intitulée « La cathédrale Notre-Dame-de-la-Sède à Saint-Lizier » parle en fait très peu de Notre-Dame-de-la-Sède mais de fortifications, d'un musée, voire d'une salle capitulaire.


Histoire de Saint-Lizier et du Couserans

Extrait de texte du livre Pyrénées Romanes, de Marcel Durliat et Victor Allègre (Collection Zodiaque) :

« Saint-Lizier est le siège d'un ancien évêché, qui jouit du privilège de posséder deux cathédrales, datant toutes deux de l'époque romane et construites, l'une à l'intérieur d'une enceinte romaine du Bas-Empire, l'autre en bordure d'un faubourg étagé entre l'enceinte et le Salat (images 1 et 8).

Cet évêché au territoire de médiocre étendue et de relief difficile, correspondait à la cité des Consonari, un petit peuple des Pyrénées centrales.

Les origines de cette région - l'actuel Couserans - située à l'écart des voies de communication, sont mal connues. Son plus ancien évêque aurait été saint Vallier. Grégoire de Tours parle d'un oratoire construit sur son tombeau, qui aurait été transformé en basilique par l'évêque Théodore (mort en 549). On ignore cependant à quelle époque vivait ce prélat qui n'a fait l'objet d'aucune Vita.
»

Par la suite, le même texte cite un évêque, Glycerius, qui a participé au concile d'Agde en 506 et de l'évêque Licerius qui aurait donné son nom, Saint-Lizier, à la Civitas Consoranorum, et aurait vécu, selon certains auteurs, deux siècles après Glycérius, défendant sa cité épiscopale contre Goths et Sarrasins. Puis :

« Le chanoine Delaruelle qui a étudié l'histoire du diocèse de Couserans, rejoint les Petits Bollandistes pour penser que Licerius ne doit pas être distingué de Glycerius. Il insiste sur le caractère obscur durant la période antérieure à l'époque romane et sur la dureté des temps féodaux. L'évêque de Saint-Lizier, dont la seigneurie temporelle s’exerçait sur la ville épiscopale, puissant oppidum protégé par ses anciennes murailles romaines, ainsi que sur divers autres domaines, fut souvent en guerre ouverte avec les comtes de Comminges qui contestaient son autorité. Vers 1130, le comte Bernard 1er ... s'empara de Saint-Lizier, pilla la ville, amena ses habitants à Saint-Girons et retint l'évêque prisonnier. »

Arrêtons nous un instant sur ces informations. Il faut d'abord remarquer que la distance à pied entre Saint-Girons et Saint-Lizier n'est que de 2,1 km. On a longtemps estimé, et on estime encore, que la Civitas Lugdunum Consoranorum, était l'actuelle agglomération de Saint-Lizier. Or, on n'a pas trouvé d'objet romain à Saint Lizier, hormis les fortifications datées autour de l'an 400 mais que nous pensons être plus tardives. Inversement, c'est à Saint-Girons qu'a été trouvé le trésor monétaire du IIIe siècle dont nous parlerons plus loin. Aussi, il n'est pas interdit d'imaginer que la cité primitive de Consoranorum était installée à Saint-Girons. La forteresse de Saint- Lizier aurait été construite après. Mais d'autres possibilités sont envisageables. On sait que durant le premier millénaire, de nombreuses villes étaient multiples (selon Ausone, il y avait cinq villes dans Toulouse ; par ailleurs, Périgueux était formée de deux villes distantes de près d'un kilomètre). On pense aussi que des villes comme Arverne (actuellement Clermont-Ferrand) devaient être très étendues.

Les auteurs du texte ci-dessus, du chanoine Delaruelle aux rédacteurs de Pyrénées Romanes, ne nous apprennent pas grand-chose sur l'histoire de Saint-Lizier en raison, selon leurs dires, de l'absence de documents antérieurs à l'an 1100. Ils ignorent (ou semblent ignorer) la prise de Saint-Bertrand-de-Comminges à la fin du VIe siècle. Ce fait a probablement été d'une grande importance. Il est signalé par plusieurs historiens qui vivaient à des centaines de kilomètres de Saint-Bertrand (alors que Saint- Lizier n'est distant de Saint-Bertrand que de 56 kilomètres). Mais surtout, la description de cet événement fait apparaître que ce n'est pas seulement Saint-Bertrand qui est concerné, mais toute la région au Sud de la Garonne et probablement avec elle, tout le Couserans. Des régions qui ont fait l'objet de disputes et, probablement, d'acquisitions territoriales par les vainqueurs. Mais voilà, il n'était peut-être pas bon d'en parler, car les vainqueurs étaient des Francs.

Concernant les deux cathédrales, le texte du livre Pyrénées Romanes nous apprend ceci : « Depuis une période qui ne nous est pas précisée, Saint-Lizier possédait deux cathédrales : Notre-Dame du Siège - Sancta Maria de Sede - dans la ville haute, à proximité du palais épiscopal, et, Saint-Lizier, dans la ville basse. L'office était célébré par deux chapitres … Cet état de choses se maintint jusqu'à l'épiscopat de Bernard de Marmiesse, qui réunit les deux chapitres en un seul vers 1655. À partir de cette date, le chapitre unique aurait célébré l'office dans l'église de la Vierge, Saint-Lizier étant abandonné comme cathédrale. Signalons cependant que le chanoine Delaruelle a contesté la notion de “concathédralité” avancée par certains auteurs. Il pense que Saint-Lizier ne fut jamais une véritable cathédrale et que l'évêque aurait détaché auprès d'elle une partie du chapitre. »

Sur la dernière partie de ce texte, la « concathédralité », il nous est difficile de trancher car nous ne connaissons pas les raisons qui ont conduit le chanoine Delaruelle à refuser cette notion de « concathédralité », pourtant bien présente dans le monde chrétien (exemple des Pouilles, en Italie). Il est possible qu'il ait considéré que le fait d'avoir deux évêques dans une même ville n'était pas logique. Mais voilà ! La logique du XIXe ou XXe siècle n'est pas forcément celle du Ve siècle. Et on sait à présent que dans les premiers siècles, les évêques étaient responsables de petites communautés analogues à celles qui occupent nos cantons, voire nos gros villages. De plus, ces comités pouvaient être différenciés par des caractères ethniques (romains, wisigoths, peuple autochtone du Couserans) ou religieux (orthodoxes, ariens). Il ne serait donc pas surprenant qu'il y ait eu à Saint-Lizier primitivement deux cathédrales, l'une réservée à la population latine (par exemple), l'autre à la population indigène (autre exemple), les deux populations ayant fini par fusionner.


Les fortifications de la ville haute (images de 2 à 8)

Les panonceaux qui décrivent ces fortifications les désignent comme étant romaines et fournissent la datation : fin du IVe siècle - début du Ve siècle. Soit l'an 400 avec un écart de 25 ans. Nous sommes beaucoup moins affirmatifs et posons la question : comment a été trouvée cette datation ? C14 ? Dendrochronologie ? Ou plus simplement un raisonnement ? Un raisonnement qui serait le suivant : « On sait que la ville de Rome a été prise par les wisigoths en l 'an 410. Ce qui a créé un grand bouleversement dans le monde romain. Et donc des fortifications ont été construites soit peu avant pour prévenir ces invasions, soit peu après ». Un tel raisonnement oublie beaucoup de choses : dans l'Empire Romain, les guerres ont commencé bien avant 410... Et elles ont continué après 410. Les spécialistes nous parlent des
« fortifications du IVe siècle », voire, comme ici, du début du Ve siècle. Mais où sont donc celles du VIe, VIIe, VIIIe , IXe , Xe siècles ? Il n'y en a pas ? Mais alors, ces périodes-là étaient des périodes bénies, des périodes de paix où on n'avait pas besoin de fortifications pour se protéger ?

Face à cette contradiction, nous nous sentons obligés de proposer une datation plus étalée dans le temps : an 600 avec un écart de 400 ans.

En regardant de plus prés la technique de construction, nous avons fait la constatation suivante. Comme les autres constructions dites du « Bas-Empire », l'appareil a été réalisé en alternance de lits de pierres et de briques. Nous avons longtemps envisagé que cette alternance avait été réalisée dans un but architectonique. Pour, par exemple, mieux résister aux dégâts provoqués par les engins de siège. Mais nous n'avons pas clairement identifié ce but architectonique. Et, concernant les murs de Saint-Lizier, nous ne voyons pas en quoi le lit de briques pourrait permettre une meilleure défense. En conséquence, nous envisageons d'autres possibilités. Il peut y avoir des raisons esthétiques (ce serait le cas pour les murs du Mans). Ou une volonté de différencier les villes (exemple : pour Saint-Lizier : une bande rouge ; pour une autre ville, deux bandes rouges). Ces bandes colorées feraient office de blasons. Dernière possibilité : marquer les phases de construction. Un peu comme le fromage morbier qui utilisait le lait de plusieurs jours ; les couches de chaque jour étaient séparées par des couches de cendre.


Musée du palais épiscopal

Le palais épiscopal contient divers objets intéressants. Nous avons principalement choisi de représenter certains autels votifs. Nous pensons que leurs formes de piliers parallélépipédiques a inspiré celle d'autels chrétiens, ou de pieds d'autel chrétiens.

Image 9. Texte explicatif de la sculpture : « Autel votif (offrande pour remercier un dieu). Calcaire Caumont Ier-IIIe siècles ap. J.-C.
Cet autel votif est décoré d'un vase à libation qui permet de répandre un liquide sur le sol comme offrande aux dieux, sur la face latérale droite, et d'une patère, vase sacré ayant la même fonction, sur la face latérale gauche. »
Sur la face avant l'inscription est ainsi traduite : « À la déesse Ande, Laetinus, fils de Laetus, s'est acquitté de son vœu de bon gré et comme il se doit. »

Image 10. Texte explicatif de la sculpture : « Fragment d'autel votif. Marbre blanc : provenance inconnue, époque romaine. Ce bas-relief sur l'autel votif représente un personnage masculin, probablement une divinité, levant le bras droit et tenant un objet indéterminé dans la main gauche. »

Image 11. Texte explicatif de la sculpture : « Urne funéraire avec son couvercle. Pierre tendre blanche : Saverdun ; Bas-Empire. Cette petite cuve funéraire, avec couvercle coulissant, contenait des cendres et des restes d'ossements. Ce type d'objet est peu fréquent dans la région. »

Image 12. Texte explicatif de la sculpture : « Autel votif dédié à Jupiter. Marbre blanc …. L'inscription mentionne : ... À Jupiter, très bon, très grand, garant des bonnes saisons... Valerius Justus. La base évidée de l'autel, présenté à l'envers, servit longtemps de bénitier dans l'église de Lescure. »


La cathédrale Notre-Dame-de-la-Sède

Nous avons été très déçus par cette cathédrale. Nous nous attendions à voir un édifice ayant conservé des structures anciennes préromanes ou romanes. Mais hormis certains éléments extérieurs de cette cathédrale, nous n'avons rien vu de tel, autant dans le plan de l'édifice (image 13), qu'à l'extérieur (image 14), et à l'intérieur (image 15). Cela ne doit pas nous empêcher d'admirer les belles fresques du plafond de la nef, d'époque Renaissance (image 15).

Sur les murs de la nef ont été déposées des plaques qui devaient décorer un monument funéraire romain (images 16 et 17). Des plaques identiques à feuilles d'acanthe et fleurs à 6 pétales décorent le chevet de la cathédrale Saint-Lizier. L'ensemble devait faire partie d'un monument important. Et on songe (sans certitude) à l'oratoire (ou au tombeau) évoqué précédemment : « Son plus ancien évêque aurait été saint Vallier. Grégoire de Tours parle d'un oratoire construit sur son tombeau, qui aurait été transformé en basilique par l'évêque Théodore (mort en 549). »

Le seul reste du cloître roman est la salle capitulaire qui doit dater du XIe siècle (XIIIe siècle pour les voûtes), à voir sur les images 18 et 19.


Le trésor monétaire

En 1994, on a découvert en creusant une cave, rue de la République à Saint-Girons, un trésor de 13 000 pièces en billon (alliage de zinc, cuivre et argent) datant du IIIe siècle (entre 250 et 280) . Ce trésor est présenté (image 20), dans une pièce du musée (dans le vase où on l'a trouvé ?).

Une des explications se rapportant au « bestiaire » a attiré notre attention :

« Une émission de monnaies dite “du bestiaire” : sur plus de 6000 monnaies inventoriées, le trésor de Saint-Girons en comprend presque 1000 qui appartiennent à la série particulière dite “du bestiaire”. Ces monnaies frappées à Rome en 267-268 sous l'empereur Gallien ont la particularité de présenter une vingtaine d’animaux sauvages (lion, sanglier, tigresse …) et imaginaires (centaure, pégase, griffon..). Chaque animal est associé à une divinité (Diane et Apollon sont majoritaires) invoquée pour la protection de l'empereur.

Cette émission de monnaies effectuée au cours d'une période troublée, pourrait rappeler différentes manifestations organisées en 267 pour renforcer l'image d'un empereur protégé des dieux (cérémonies religieuses, défilés militaires et spectacles mettant en scène des animaux sauvages).
»

Examinons tout d'abord ces images. Nous ferons les commentaires après.

Images 21 et 22. Texte explicatif : Griffon (Animal fantastique mi-aigle mi-lion). Sur cette monnaie, il est associé au dieu Apollon.

Images 22 et 24. Texte explicatif : Tigresse. Sur cette monnaie, elle est associée au dieu Bacchus.

Images 25 et 26. Texte explicatif : Centaure (Créature fantastique mi-cheval mi-homme). Sur cette monnaie, il est associé au dieu Apollon.

Images 27 et 28. Texte explicatif : Sanglier. Sur cette monnai, il est associé au demi-dieu Hercule.

Images 29 et 30. Texte explicatif : Hippocampe (Animal fantastique mi-cheval mi- poisson). Sur cette monnaie, il est associé au dieu Neptune.


Commentaires au sujet de ce trésor

Ces quelques images sont pour nous d'un intérêt capital car elles devraient nous permettre de faire le lien entre les animaux réels ou imaginaires et les dieux. Notre analyse est directement issue de notre démarche. Au cours de nos recherches en documentation, nous avons relevé diverses scènes historiées que nous ne comprenions pas : des animaux fantastiques, des animaux et des hommes, des symboles surprenants. Et d'autres scènes historiées que nous pouvions décrire grâce à des textes mais dont un certain sens pouvait nous échapper : ainsi le tétramorphe, connu par des textes bibliques. Et justement, l'exemple du tétramorphe nous a amené à nous poser la question : si nous n'avions pas connaissance du texte biblique, comment interpréterions nous cette scène ? Nous ne ferions que la décrire : un aigle, un lion, un taureau et un homme portant chacun un livre. Et c'est tout ! Nous ne ferions pas le lien avec une religion. Qui plus est, la religion chrétienne.

Au fur et à mesure de nos recherches, nous avons été amenés à nous poser la question suivante. Ces symboles qui nous sont présentés ne seraient-ils pas les symboles d'une religion que nous ne connaissons pas ? Il en est de même pour les mythes. Les mythes qui nous sont racontés ne seraient-ils pas les histoires d'une religion que nous ne connaissons pas ?

Il nous faut aussi parler du syncrétisme. Dans leur désir de fédérer les nations autour de Rome, les romains auraient eu l'idée de « romaniser » les dieux étrangers. Ainsi le dieu gaulois Ésus serait associé à Mercure, Taranis, à Jupiter, Teutatès, à Mars.

Les symboles sur ces pièces de monnaie associent un animal à un dieu. Il est possible que ce dieu soit celui d'une religion romaine. Mais il est aussi possible que ce dieu soit celui d'une religion étrangère « phagocyté » par les romains. Dans ce cas, le pratiquant de cette religion se reconnaît à la fois par le nom du Dieu et par l'animal qui est représenté.

L'intérêt de cette émission monétaire était peut être de diluer les identités grâce à l'échange des monnaies.