Diverses églises de la Nièvre susceptibles de dater du 1er millénaire (page 2/4) 

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Les édifices étudiés dans cette page, ainsi que dans trois autres du même chapitre concernant le département de la Nièvre, n’ont pas été visités. Leurs images, en général des copies d’écran Internet, servent à expliquer et à justifier les datations. Ces images ne peuvent remplacer une visite in situ.

Remarque : Ce site n’est pas seulement destiné à fournir des informations à un visiteur éventuel. Il sert aussi à usage interne en vue de faciliter nos propres recherches. En conséquence, on ne s’étonnera pas que l’étude de certains monuments s’écarte parfois du cadre préalablement fixé.

Les quatre églises décrites dans cette page sont : l’église Saint-Laurent de Commagny, l’église Saint-Vincent de Corvol-l’Orgueilleux, l’église Saint-Agnan de Cosne-sur-Loire, l’église Saint-Aré de Decize.




L’église Saint-Laurent de Commagny

Le site Internet « Bourgogne Romane » consacré à cet édifice nous apprend ceci : « Le prieuré de Commagny, caché au fond des bois, conserve l'une des églises romanes rurales du Nivernais les plus attachantes. C'est un ancien prieuré bénédictin, fondé au haut Moyen-Âge et dépendant de l'abbaye de Saint-Martin d’Autun, mutilé durant les guerres de religion et désaffecté à la Révolution. L'église priorale est demeurée intacte depuis sa construction au début du XIIe siècle dans un style roman très harmonieux. L'édifice est dominé par le haut clocher carré, surmontant la croisée du transept, à trois étages dont seulement le plus haut est ajouré de baies géminées. La large nef unique est couverte d'une remarquable charpente apparente lambrissée et communique avec le transept par des passages berrichons en plein cintre. La partie orientale est sans doute la plus intéressante partie de l'édifice, et se compose d'un transept sous coupole centrale et aux croisillons couverts de berceaux, d'une travée de chœur sous berceau flanquée de bas-côtés voûtés d'arêtes, et d'une abside entre deux absidioles. Le profil des arcs est en plein cintre et les piliers sont flanqués de colonnes engagées surmontées de chapiteaux. »

Nous ne pensons pas que cette église ait été construite au XIIesiècle mais bien avant cette date. Une première constatation s’impose : si le prieuré a été fondé au Haut Moyen-Âge, une église a été construite à la même époque. Où est donc cette église ? Les auteurs du texte ne répondent pas à cette question. Comme la plus grande partie - pour ne pas dire la totalité - des historiens de l’art qui , ayant appris par des textes qu’une église existait avant l’an 1000, la font disparaître par enchantement, suivant la formule consacrée : « une église existait avant l’an 1000 ... mais ce n’est pas l’église que l’on voit ... puisque l’église que l’on voit est du XIIesiècle. ».

Nous ne nous basons pas sur la lecture de textes mais sur des données architecturales. Les images 2 puis 3 font apparaître 2 absides accolées (il y en a probablement 3) . Ces deux absides sont accolées à un avant-chœur rectangulaire, couvert d’un toit à deux pentes. Très probablement, il y avait là non pas un toit à deux pentes mais un toit à 4 pentes de type basilical (toit à deux pentes pour le vaisseau central, toit à une pente pour chacun des deux collatéraux). L’idée est que, à l’origine, chacune des absides prolongeait les trois vaisseaux respectifs d’une nef à plan basilical. Le transept aurait été construit plus tard. Ce serait un « transept bas », moins haut que la nef. La nef (image 4) devait être primitivement à trois vaisseaux. On le voit sur l'image 5. Sur cette image, on observe à la séparation entre nef et transept, trois arcs : un grand et, de part et d’autre, deux arcs plus petits. Ces deux arcs protègent des entrées appelées des « passages berrichons ». Nous pensons que ces passages berrichons sont en fait les entrées des anciens collatéraux d’une nef triple. On l’explique aux deux demi-colonnes adossées aux piliers situées face à nous. Ces colonnes devaient porter les arcs séparant le vaisseau central des collatéraux.

Datation envisagée pour l’église Saint-Laurent de Commagny : an 900 avec un écart de plus de 100 ans.






L’église Saint-Vincent de Corvol-l’Orgueilleux

Le site Internet consacré à cet édifice nous apprend ceci : « Ancienne église priorale bénédictine, le soubassement de la nef est romane pour les arcades et les piliers à colonnes engagées, avec 22 chapiteaux au décor végétal simple, sous une reconstruction gothique de la fin du XVe siècle. ».

Le commentaire ci-dessus nous semble correct. Nous pensons que la nef primitive était partiellement voûtée : le vaisseau principal était charpenté, les collatéraux étaient voûtés. Les piliers primitifs étaient de type R1110. Ils ont été transformés en piliers de type R1111. À quoi le voit-on ? Il y a des chapiteaux sur chaque demi-colonne, sauf celles du côté du vaisseau central.

Datation envisagée pour l’église Saint-Vincent de Corvol-l’Orgueilleux : an 1100 avec un écart de 50 ans.






L’église Saint-Agnan de Cosne-sur-Loire

Le site Internet consacré à cet édifice nous apprend ceci : « L’église Saint-Agnan fut élevée sur l’emplacement d’un oratoire du VIe siècle dédié à Saint Front. Plus tard, sous l’impulsion d’Hugues, abbé de Cluny, les bénédictins édifièrent l’église Saint-Agnan qui fut terminée début XIesiècle. De cette époque, restent le portail roman, bien conservé, grâce au clocher-porche, l’abside, le chevet et quelques éléments de murs. La partie supérieure du porche représente le Christ dans une auréole ovoïde, bénissant d’une main et tenant le Livre de la Sagesse de l’autre.

Incendie et effondrements détruisirent une partie de l’église qui fut refaite au XVIIIe siècle.

Construction d’origine : seconde moitié du XIesiècle ;  sévère et simple, elle présentait tous les caractères de l’architecture romano-byzantine secondaire ...

D’après le rapport d’expertise concernant l’écroulement du clocher en mars 1738, qui entraîna la destruction d’une grande partie de l’église, il apparaît que la nef et les collatéraux aient été voûtés en berceau ou en voûtes d’arêtes.
»

Il serait intéressant de retrouver le document signalant l’existence de ce monastère au VIesiècle. Cela pourrait être en effet un excellent élément de datation. Car s’il existait un monastère au VIesiècle, il devait y avoir une église de ce monastère. Et l’église Saint-Agnan pourrait être cette église, auparavant appelée Saint-Front.

En effet, on retrouve les trois absides accolées vues dans l’église de Commagny étudiée ci-dessus (images 13 et 14). Il y a même mieux ! On peut voir sur l'image 14 que l’absidiole Nord se situe dans le prolongement du collatéral Nord. Ce qui selon nous signifie que cette église est de beaucoup antérieure à l’an mille. Et surtout, on a confirmation d’une idée envisagée : ce type d’église (à nef triple avec absidioles en prolongement des vaisseaux) est antérieur à l’invention des transepts ! L’examen de l’intérieur de la nef (image 18) confirme cette idée. Les piliers actuels sont de type R0101 mais ils devaient être à l’origine de type R0000 (il y a eu ajout de pilastres au
XVIIIesiècle pour permettre un voûtement de la nef). Les arcs reliant les piliers sont simples.

À l’inverse de l’auteur du commentaire de la page Internet, nous ne pensons pas que l’abside principale (images 16 et 17) soit la plus ancienne. Elle est selon nous plus récente (XIe siècle ?). Comme cela arrive dans de nombreux cas, les chœurs sont les premiers éléments d’une église à être transformés.

Datation envisagée pour l’église Saint-Agnan de Cosne-sur-Loire : an 650 avec un écart de 200 ans.






L’église Saint-Aré de Decize

Le site Internet consacré à cet édifice nous apprend ceci : « L’église vénérable de Saint-Aré fut érigée au VIIe siècle, en l’honneur d’un évêque de Nevers du VIe siècle, à l’emplacement d’un oratoire encore plus ancien et dédié à la Vierge. La double crypte en berceau sous le chœur, où fut conservé le tombeau de Saint-Aré, remonte vraisemblablement à l'époque mérovingienne. La partie orientale de l’église, se composant à l’origine d’un transept sous deux clochers et d’un chœur de deux travées en berceau avec bas-côtés et absides, remonte vraisemblablement à la fin du XIe siècle. Seul le bas-côté Nord du chœur fut conservé avec son absidiole, actuellement il fut converti en sacristie. Les arcades en plein cintre de la croisée reposent sur des piliers à colonnes engagées dont les chapiteaux assez primitifs sont sculptés de personnages, d’animaux et de feuillages. Le portail Nord, remanié à la Renaissance et dépourvu de son tympan, conserve deux chapiteaux romans sculptés d’animaux musiciens et de lions affrontés. Les autres parties de l’église ont été refaites : le clocher, au XVe siècle, la façade et les chapelles, au XVIe siècle ; la nef, quant à elle, fut reconstruite au XIXe siècle. »

Concernant cette église, nous sommes un peu sur la réserve. Les images 20, 21 et 22 montrent une nef triple qui a été recouverte de voûtes en anse de panier. Ce type de voûtement est caractéristique du XVIIIesiècle. Par ailleurs, les chapiteaux des colonnes sont de style dorique. Là encore, ce type de chapiteau pourrait dater du XVIIIe siècle. Cependant, il est fort possible que des travaux du XVIIIesiècle aient été effectués sur des éléments plus anciens, que les piliers cylindriques soient antérieurs au
XVIIIesiècle.

Si, avec les images dont nous disposons, nous ne pouvons rien dire de plus, par contre il apparaît que le transept (image 23) est roman comme le montrent les chapiteaux des images 24 et 25. Nous ne pouvons pas dire grand chose sur la crypte (image 27) dont le caractère « mérovingien » reste à prouver au vu de la seule image que nous disposons. Par contre, l’absidiole Nord accolée à l’abside principale de l'image 19 nous permet de penser qu’on se trouve dans une situation analogue à celle des deux églises précédentes, Commagny et Cosne-sur-Loire : nef triple avec trois absides en prolongement des trois vaisseaux.

En conséquence, la datation envisagée pour l’église Saint-Aré de Decize ne peut être que très étalée dans le temps : an 750 avec un écart de 200 ans.