L’église Saint-Pierre-aux-Liens de Ruoms  

• France    • Auvergne-Rhône-Alpes    • Article précédent    • Article suivant    


L’église Saint-Pierre-aux-Liens est d’un aspect extérieur peu engageant. Une façade Ouest (image 2) dépourvue de décoration, hormis le portail surmonté de cinq archivoltes dont on devine les profondes restaurations. Un clocher (image 3) probablement ancien mais qui a l’aspect du neuf. Ses belles décorations polychromes en alternance de dalles noires et blanches disposées en zigzags sont-elles d’origine ? Si c’est le cas, elles ont été profondément restaurées. Le reste de l’édifice est caché par les habitations qui l’enserrent.

Il faut donc avoir connaissance de l’intérêt de l’édifice pour effectuer la tentative de visiter son intérieur.


Cet intérieur surprend par ses grandes dimensions (images 4, 5 et 6), eu égard de la petite localité qu‘est Ruoms.

Il surprend surtout par son aspect totalement désordonné des constructions. Cet aspect désordonné, il est en particulier apparent sur le plan de l’édifice (image 1). On constate que, sur les six piliers isolés de la nef, on peut identifier quatre formes différentes. Il faut bien comprendre que l’architecte qui a présidé à la construction du premier édifice n’avait quant à lui conçu qu’une seule forme. Et c’est cette forme qu’il faut essayer de retrouver.

Nous aurions tendance à retrouver cette forme initiale dans les deux piliers cruciformes (ou de type R0101) situés au Nord-Ouest. ou immédiatement à gauche sur l'image 5. Cependant, l’analyse d’un de ces deux piliers (image 7) a fait apparaître d’autres différences remarquables. Observons l’imposte située juste au-dessus de la statue de Christ-Roi. Cette imposte appartient à une catégorie spécifique, que nous appelons les « impostes à chanfrein ver l’intrados ». On retrouve ce type d’imposte dans un groupe assez restreint d’édifices, dont certains sont situés dans le voisinage (à Bourg-Saint-Andéol), plus loin dans la région (à Ebreuil/Allier), voire encore plus loin (à San Feliu de Gérone/ Catalogne/ Espagne). Regardons à présent, toujours sur l'image 7, le pilastre qui est situé face à nous, côté vaisseau- central. Il est surmonté d’une autre imposte. Mais cette imposte est différente : il n’y a pas de chanfrein. Constatons enfin que, au dessus de cette imposte, il y a un autre pilastre dont la section est plus réduite que celle du pilastre précédent. Ce pilastre est surmonté d’une autre imposte de forme différente des deux impostes précédentes. Cette imposte se poursuit en une corniche qui constitue la base de la voûte du vaisseau principal (image 8). Nous avons là, sur un même pilier, trois formes différentes. Ces 3 formes différentes ne peuvent venir que de travaux différents.

Les images 9, 10 et 11 des collatéraux montrent que les arcs reposent sur des impostes. Il n’est pas facile d’identifier certaines de ces impostes, mais elles semblent toutes appartenir au groupe d’impostes « à chanfrein vers l’intrados » (image 11).


Deux possibilités s’offrent à nous : soit les deux piliers « cruciformes » ne l’étaient pas primitivement. C’étaient des piliers rectangulaires (de type R0000). Et l’église était charpentée. Ultérieurement, des pilastres auraient été ajoutés côté vaisseau principal et côté collatéral dans le but de porter les doubleaux soutenant les courbes. Soit les piliers étaient cruciformes dès l’origine et l’église était initialement voûtée. Mais dans ce cas, on comprend difficilement les trois opérations successives effectuées sur chaque pilier (image 7). Aussi, nous estimons que c’est la première hypothèse qui est la plus probable.

Des bas-reliefs ont été insérés dans les piliers (images 13 et 14). Ils sont décorés d’entrelacs dits « carolingiens ». On raconte que Charlemagne, afin de préserver des pièces d’art issues de l’Antiquité, aurait exigé de les insérer dans les murs des églises. Dans le cas présent, il est difficile de le croire, les pièces ne présentant pas un particulier intérêt artistique ou religieux.


Le chevet (image 17) présente un beau décor polychrome (image 18).


Datation envisagée
(église à nef à trois vaisseaux à piliers de type R0000 reliés entre eux par des arcs en plein cintre à simple rouleau) : an 750 avec un écart estimé à plus de 150 ans.