Le monastère de Lorsch 

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Nous voulons tout d’abord reproduire le texte suivant issu du livre « Palatinat Roman » de la collection Zodiaque, par Dithard von Winterfeld :

« Il est assez surprenant que toute une série de constructions carolingiennes ait subsisté dans la région ici étudiée non seulement, comme en bien d’autres, sous forme de vestiges archéologiquement analysables, permettant de reconstituer leurs plans, mais aussi en tant qu’édifices intacts, témoins encore vivants de leur temps. Il serait vain de dégager de leur étude des caractéristiques régionales. Leur nombre est en effet trop restreint pour qu’on puisse établir des comparaisons entre eux et traits communs ou différences ne se développèrent qu’à l’intérieur d’aires géographiques beaucoup plus vastes que ce ne fut le cas durant les XIe et XIIesiècles. »

Ce texte est pour nous fondamental, car il conforte deux idées de base directrices de nos recherches. D’une part l’auteur manifeste sa surprise de réaliser qu’il existe en Allemagne des édifices du premier millénaire encore intacts alors que de tels édifices n’existeraient pas ailleurs. En ce qui nous concerne, cette surprise n’en est pas une car nous considérons que de tels monuments existent partout ailleurs, en particulier en France, mais les spécialistes refusent d’admettre cette existence. L’autre idée fondamentale que nous partageons est celle qui consiste à dire que, ces monuments étant rares, leur étude ne peut se faire que dans « des aires géographiques très vastes ». C’est pour cette raison que notre étude s’est étendue à toute l’Europe. En y ajoutant même l’Afrique du Nord et le Proche-Orient.


Par la suite Dithard von Winterfeld décrit plusieurs édifices « carolingiens » : Steinbach, Selingenstadt, Saint Julien de Höchst, Saint Jean de Mayence, Ingelheim. Mais auparavant il a insisté plus particulièrement sur la porte monumentale de Lorsch : « Le monastère fut fondé avant 764 et installé en ce lieu en 767. En 772, les droits de propriété furent transmis à Charlemagne et à l’Empire… ».

L’édifice que nous avons sous les yeux (images 1, 2 et 3) est donc susceptible d’avoir été construit sous le règne de Charlemagne ou d’un de ses successeurs immédiats. Cette datation (vers l’an 800 de notre ère) est confirmée par la décoration en damiers de carreaux de chacune des deux façades.

Ce type de construction apparaît totalement anachronique. Il reste en Europe beaucoup de portes monumentales datant du Moyen-Âge. Ce sont en général des portes de villes. Mais ces portes sont, pour la plupart, des portes fortifiées, dotées de pont-levis ou de herses. Ici, rien de tel!. Non seulement le passage est libre en dessous des arcades mais les façades sont richement décorées et l’étage du dessus fait penser à une résidence princière.

Il faut bien comprendre que, à l’époque, les monastères étaient protégés par leur caractère sacré. Ils n’avaient pas besoin de fortifications. Bien au contraire, comme en témoigne Grégoire de Tours, les évêques ou les abbés pouvaient accueillir, au nom du droit d’asile, des princes poursuivis par d’autres princes ou des rois. La chasse à l’homme s’arrêtait aux portes du monastère. En conséquence, ces portes ont pu servir de lieux de résidence à des princes en rupture de ban.

La question se pose de savoir si des portes semblables ont pu être créées ailleurs et en particulier, en France. Cela est envisagé dans deux cas : Pons en Charente et, en Bas-Languedoc, Béziers.


Il existe quelques éléments caractéristiques de cette porte. D’une part- on l’a déjà noté- la décoration en damiers de la façade. D’autre part, les chapiteaux de modèle imité du corinthien (image 6). Charlemagne était féru de romanité. Il avait voulu se rapprocher du Pape, évêque de Rome.

Un autre élément caractéristique se trouve dans les impostes des arcades du rez-de-chaussée. Elles ont toutes un seul débordement biseauté du côté de l’intrados de l’arcade.

Les images 7, 8, et 9 montrent les restes d’une basilique située à l’intérieur de l’enceinte du monastère. (Il ne s’agirait pas de l’abbatiale, totalement disparue). On voit sur l’image 7 trois arcades. Ces arcades, les piliers qui les soutiennent, sont probablement les restes des murs médians d’une église à 3 nefs. Il faudrait vérifier, si, à l’intérieur du bâtiment, on retrouve le même type de restes. L’auteur de l’article parle d’une « basilique romane datant du milieu du XIIesiècle ». Nous ne connaissons pas les raisons l’ayant amené à avancer cette datation que nous croyons beaucoup plus ancienne. En tout cas la décoration à entrelacs de l’imposte de l’image 9 s’apparente beaucoup plus à une décoration du Haut-Moyen-Âge (du VIIIe au Xesiècle) qu’à une du XIIesiècle.