Notes sur certaines églises du Gard – Partie 1 (de A à R) 

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Cette page contient des notes sur 15 églises du Gard susceptibles de dater du Premier Millénaire :

• Bagnols-sur-Cèze : Saint-Thirse-de-Maransan    • Beaucaire : chapelle Saint-Pierre-de-Campublic    • Bellegarde : Saint-Vincent-de-Broussan
• Castillon-du-Gard : Saint-Caprais     • Bernis : Saint-André     • Cendras : Saint-Martin     • Courry : Saint-Martin     • Durfort : Saint-Martin-de-Saussenac
• Goudargues : Notre-Dame-et-Saint-Michel     • Jonquières-Saint-Vincent : Chapelle Saint-Laurent      • La Cadière : Saint-Michel
• La Capelle-Masmolène : Saint-Pierre    • Lézan : Saint-Pierre     • Remoulins : Saint-Martin-de-Ferlières     • Rousson : Saint-Martin


Introduction

Les églises ou chapelles dont nous donnons ci-dessous une brève description ont été annoncées par nous, comme étant « susceptibles de dater du Premier Millénaire ». En fait, si on consulte la documentation à ce sujet, tous les auteurs qui nous ont précédé les datent du XIIe, voire du XIesiècle. Mais jamais antérieurement à l’an 1000.

Ce désaccord est lié, selon nous, à une différence de points de vue. En effet ces auteurs estiment qu’il ne subsiste plus en France de monument religieux antérieur à l’an 1000. En conséquence ils sont obligés de dater du XIesiècle ou du XIIesiècle les monuments antérieurs à l’an 1200. Nous estimons, au contraire, que rien n’empêche l’existence d’églises antérieures à l’an 1000. En conséquence nous sommes obligés d’estimer que la datation d’une église antérieure à l’an 1200 doit être comprise entre l’an 400 et l’an 1200. Soit une période de 8 siècles. Bien sûr, plus on remonte dans le temps, et moins il subsiste d’églises construites en ces temps reculés. Mais nous sommes convaincus qu’il en existe encore, très modifiées sans doute et que, parmi les 37 églises citées ci-dessous, le tiers au moins (soit 12, mais nous pensons que, vu la sélection que nous avons effectuée, il y en a beaucoup plus) des églises sont antérieures à l’an 1000.

Le lecteur comprendra aisément notre difficulté de préciser les datations. Déjà nos prédécesseurs étaient très imprécis lorsqu’ils estimaient sur deux siècles. Nous ne pouvons que l’être plus encore sur huit siècles. A cela s’ajoute le fait que les églises du Gard décrites dans les ouvrages d’art roman ont peu d’éléments qui les caractérisent et qui permettent de les distinguer les unes des autres. La plupart d’entre elles sont de simples chapelles rurales à nef unique et sans ornementation. Il faut encore ajouter que nombre de ces églises sont fermées en permanence et il faut profiter de rares Journées du Patrimoine pour pouvoir les visiter.


Bagnols sur Cèze : Saint-Thirse-de-Maransan

Le plan de la chapelle Saint-Thirse-de-Maransan située à à proximité de Bagnols-sur- Cèze ne témoigne pas d’une grande originalité : nef unique à deux travées, abside en hémicycle tant à l’intérieur qu’à l’extérieur (image 1). Cependant l’absence de travée de chœur ainsi que le décor d’une corniche (des palmettes inscrites dans des cercles) font envisager une haute datation. La palmette largement étalée inscrite dans un cercle se trouve dans des décors wisigothiques du VIe ou VIIesiècle. Mais à Saint-Thirse-de-Maransan, elle est plus stylisée que dans les décors wisigothiques.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 386).


Beaucaire : chapelle Saint-Pierre-de-Campublic

La chapelle Saint-Pierre-de-Campublic est située au Sud de Beaucaire. Elle a été étudiée par André Michelozzi, chercheur associé à l’UMR 5140 du CNRS de Lattes, qui a publié un compte rendu dans « Archéologie du Midi Médiéval Tome 25-2007 ».

L’auteur qui a fait une étude très approfondie signale que l’édifice est mentionné en 824 et qu’il était doté d’un sanctuaire comportant trois autels consacrés à Saint Pierre, Saint Jean et Sainte Marie. M Michelozzi a discerné trois étapes de construction :  « En premier au XIesiècle on construit une nef de 3 travées avec un chevet trilobé ». Puis vers 1200 il ne reste plus que deux nefs par destruction de la nef septentrionale. Puis après une nouvelle destruction au XVe - XVIe siècle on assiste à une reconstruction avec réduction de la nef. L’auteur poursuit son analyse après avoir constaté l’existence d’arcs outrepassés et il effectue une etude comparative avec d’autres églises du Languedoc et de la Provence détenant aussi des arcs outrepassés.

En fin d’exposé sa conclusion est stupéfiante : « De l’église de la villa campopublico mentionnée par des textes du IXesiècle, il ne reste rien ».

Il n’a rien vu ! Cette église mentionnée en 824 ne peut être que celle qu’il avait sous les yeux ! L’édifice qu’il a minutieusement décrit n’a pas été construit comme il le pense au XIesiècle (d’ailleurs sur quels critères objectifs se base-t-il pour l’affirmer ?) mais, probablement, bien avant, à l’époque wisigothique (nef triple, triple abside, arcs outrepassés).

Nous verrons un peu plus loin au paragraphe 4 (Castillon-du-Gard : Saint-Caprais) qu’il n’est pas seul à s’être fourvoyé (selon notre point de vue).



Bellegarde : Prieuré de Saint-Vincent-de-Broussan

L’église du prieuré, à nef unique de trois travées, est dotée d’un chevet à plan semi-circulaire. D’après la description que nous avons consultée, certains éléments décoratifs pourraient permettre d ‘estimer sa datation à la fin du Premier Millénaire : existence de chapiteaux de forme parallélépipédique, d’une corniche élaborée à la naissance du cul-de-four de l’abside, d’entrelacs, de sirènes à double queue.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 289).



Castillon-du-Gard : Chapelle Saint-Caprais

Le plan de cette chapelle rurale est très simple : une nef unique à deux travées terminée par une abside semi-circulaire aveugle. Et le commentaire qu’en fait Pierre A. Clément, auteur du livre indiqué ci-dessous est très succinct. En voici quelques extraits : « L’église de Saint Caprais paraît avoir été construite à l’emplacement de l’église carolingienne dont l’acte de 896 sous-entend l’existence…Son moyen appareil très soigné et sa voûte en berceau légèrement brisé conduisent à situer sa mise en chantier après 1150 ».

Et c’est dans ces quelques mots que nous voyons tout l’intérêt à découvrir cette église. En effet nous pensons que son auteur, tout imprégné de convictions dogmatiques d’une inexistence d’édifices du Premier Millénaire, a refusé d’envisager que l’édifice qu’il décrivait pourrait bien être « l’église carolingienne dont l’acte de 896 sous-entend l’existence ». Et, bien que n’ayant pas visité cette église, nous prenons le contrepied de son affirmation en affirmant à notre tour que cette chapelle est l’église même citée dans l’acte de 896. Est-elle « carolingienne » ? C’est moins sûr. Car cette église citée en 896 a pu être construite bien avant cette date.

Il n’y a pas de notre part le désir de se singulariser en prenant une position systématiquement contradictoire. Mais une attitude dictée par un raisonnement purement logique : dans un texte daté de 896 une église est citée. Or une église de même vocable existe au même endroit. On en déduit que cette église est celle qui a été mentionnée en 896.

Il est bien sûr possible que l’église mentionnée en 896 ait été entièrement détruite et remplacée par celle que l’on voit actuellement. Mais d’une part la probabilité d’un tel événement est faible. Et, d’autre part, c’est au contradicteur (c’est–à-dire à celui qui affirme que l’église de 896 a été détruite) d’en apporter la preuve.

Certes, le fait que l’édifice ait été voûté « en berceau légèrement brisé » a pu influer sur le choix de M P. A. Clément (le voûtement en berceau brisé est tardif, postérieur, comme il le laisse entendre, à 1150). Mais dans le cas qui nous occupe, ce voûtement a pu avoir été réalisé plusieurs siècles après la construction initiale. Et l’existence de puissants contreforts semble confirmer l’hypothèse d’un voûtement tardif.

Toujours est-il que l’étude de cette église pourrait faire reculer de plusieurs siècles la datation d’édifices analogues.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 274).



Bernis : Chapelle Saint-André

Le plan de Saint-André (image 2) est celui d’une église à nef unique à trois travées. Le chœur primitif doté d’un avant-chœur a disparu. L’intérêt principal résiderait dans son portail (façade Sud) orné d’entrelacs de type « carolingien » et de palmettes. Par ailleurs les chapiteaux cubiques de ce portail sont ornés de thèmes archaïsants. Datation du portail : an 950 avec un écart estimé de 100 ans. Cependant l’église elle-même pourrait être plus ancienne encore. Selon l’auteur du livre référencé ci-dessous, « assez bizarrement, les murs latéraux de la nef ne sont pas symétriques… ». Cette « bizarrerie » pourrait être le signe de plusieurs campagnes de construction dont l’une pourrait correspondre à la mise en place du portait Sud.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 193).


Cendras : Abbatiale Saint-Martin

Nous avons déjà eu l’occasion de parler au paragraphe 4 ci-dessus (Castillon-du-Gard : Chapelle Saint-Caprais) des « convictions dogmatiques d’une inexistence d’édifices du Premier Millénaire ». Nous ne reviendrons pas là-dessus. Seulement pour citer un autre exemple tiré du livre cité ci-dessous concernant l’abbatiale Saint-Martin de Cendras. L’auteur, Pierre A. Clément nous dit ceci : « La prétendue fondation de l’abbaye, par Charlemagne, découle d’un rapport de visite de Mgr Cohon, évêque de Nîmes, « Sa Majesté sera informée de la ruyne et du débris de cette ancienne maison, bastie par Charles-Maigne, et maintenant devenue le repaire des bestes, sans sacrifice et sans autel »… » Sur quoi se base M. Clément pour affirmer que cette affirmation de Mgr Cohon est erronée ? Bien sûr, Charlemagne n’a pas bâti lui-même cette abbaye. Mais il a pu aider à financer sa construction. Par ailleurs certains des successeurs immédiats de Charlemagne ont pu financer des constructions qui ont, par la suite, été attribuées à Charlemagne lui-même, personnage plus prestigieux. Monseigneur Cohon, qui n’était pas originaire du diocèse de Nîmes, et, de ce fait, était peu suspect de croire à des légendes locales, a pu consulter des documents aujourd’hui disparus (Monseigneur Cohon écrivait en 1650. Depuis cette époque bon nombre d’archives ont disparu ou dorment oubliées dans quelques recoins discrets). Comme on le voit, l’hypothèse d’une construction de l’abbaye au IXesiècle est envisageable, sans pour autant qu’elle relève de la certitude.

Quoiqu’il en soit, M Clément affirme que l’édifice qui reste date cet édifice du XIIesiècle. Au vu de la seule photo en regard de son commentaire, cette église nous apparaît bien antérieure à cette période (nef à trois vaisseaux, piliers maîtres de type R1111 à saillies angulaires dotés de simples impostes). Datation : an 950 avec un écart estimé de 150 ans.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 109).


Courry : Église paroissiale Saint-Martin

L’église Saint-Martin de Courry (images 4 , 5 et 6) n’a pu être visitée. Par son plan (nef unique à 2 travées, chœur demi-circulaire précédé d’un avant chœur, ouvertures étroites, entrée sur la façade ouest), cette église apparaît ancienne. Peut-être du Premier Millénaire.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 269).



Durfort : Chapelle Saint-Martin-de-Saussenac

Il s’agit d’une église dont le chevet est « à arcatures lombardes ». Nous estimons que la construction d’églises à arcatures lombardes s’est étendue sur une grande période englobant l’an 1000 (Xe, XIeet XIIesiècles).

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 404).



Goudargues : Église Notre-Dame-et-Saint-Michel

Nous n’avons pas visité le village de Goudargues, riche en restes romans. Nous indiquons ci-dessous les références du livre où nous avons trouvé les indications qui suivent.

Les dimensions de l’abbatiale n’apparaissent pas sur son plan (image 3). Elles sont pourtant importantes : 37 m de long sur 15 m de large. Quant aux dimensions de la nef (20 m de long sur 10 m de large hors tout) elles nous font envisager que l’édifice n’avait pas été prévu pour être voûté mais charpenté (trop faible épaisseur des murs). Et, en effet, à deux reprises, au XVIesiècle et en 1793, les voûtes (construites ultérieurement) se sont effondrées.

Certains éléments du décor témoignent d’un certain archaïsme. Ainsi, on trouve sur un chapiteau le thème issu de l’antiquité des « deux oiseaux s’abreuvant au calice ». Sur un autre chapiteau un personnage, en tunique, est debout entre deux oiseaux.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 102).



Jonquières-Saint-Vincent : Chapelle Saint-Laurent

Cette chapelle a fait l’objet de plusieurs publications, dont l’une dans Archéologie du Midi Médiéval Tome 22-2004 par André Michelozzi (déjà cité au paragraphe 2). L’auteur y fait une étude très détaillée de l’édifice. Il signale en particulier l’existence d’arcs outrepassés et décrit avec minutie les impostes. Mais ; comme on l’a vu au paragraphe 2 « Beaucaire : Saint-Pïerre-de-Campublic », il est convaincu que cette église est du XIesiècle. « Les arcs outrepassés, dit-il, sont également des marqueurs significatifs du XIesiècle ». D’où tire-t-il cette certitude? Nous sommes, quant à nous, persuadés que les arcs outrepassés sont nettement plus anciens . Pour nous il ne s’agit pas d’une certitude mais d’une conviction. Elle est liée à une analyse statistique sommaire : sachant que chaque époque est destructrice de monuments anciens, plus un monument (ou un trait architectural) est ancien, plus il est rare. Les arcs outrepassés étant très rares doivent être beaucoup plus anciens que les arcs en plein cintre. Bien sûr les arcs outrepassés ne sont pas les seuls marqueurs à devoir être pris en considération. L’existence d’impostes au lieu de couples chapiteau-tailloir est aussi marqueur d’ancienneté, antérieurs selon nous, à l’an 1000.

Ajout du 9 janvier 2020 : une étude détaillée de cette église a été rajoutée sur cette page.



La Cadière : Église paroissiale Saint-Michel

L’intérieur de l’église Saint-Michel de la Cadière (images 7 , 8 et 9) n’a pu être visité . Son plan (image 7) est celui d’une église à nef unique. Il est analogue à celui de la chapelle Saint-Caprais à Castillon-du-Gard (datation estimée avant l’an 900). La façade sud (image 8) porte la trace de réfections. Sur cette même façade les deux portes sont surmontées d’un mode de couverture de baie d’origine romaine : un linteau quadrangulaire dont les extrémités supportent une arcade. Par contre la datation est très imprécise.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p405).



La Capelle-Masmolène : Église Saint-Pierre

L’église Saint-Pierre (appelée parfois Saint-Michel) est un édifice un peu surprenant présentant deux absides perpendiculaires entre elles. Cela est dû à un agrandissement de l’édifice. L’église primitive était orientée Est-Ouest. Elle a été modifiée ultérieurement et orientée Nord-Sud (voir le plan en image 10). La partie la plus ancienne a été datée du XIesiècle. Mais nous ignorons pour quelles raisons. En ce qui nous concerne, il nous est très difficile d’estimer la datation d’un édifice qui ne présente aucun élément significatif. Il reste que le paysage tout autour est de toute beauté (images 11 et 12).

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 378).



Lézan : Saint-Pierre

L’église Saint-Pierre de Lézan a été identifiée comme susceptible d’appartenir au Premier Millénaire par son plan (image 13). Il s’agit d’une église à chevet carré. De telles églises font l’objet d’études un peu partout dans la région. Si certaines ont pu avoir été construites au XIVesiècle, la plupart semblent être nettement plus anciennes, antérieures à l’an 1000. Mais la datation est très délicate car les éléments significatifs sont pratiquement absents.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 62).



Remoulins : Saint-Martin-de-Ferlières

La description de la décoration de cette église, « A l’intérieur, malgré le crépi on distingue un décor de damier et de câbles torsadés sur les impostes des arcs engagés. », ainsi que la présence à proximité de tombes des Veet VIesiècles, permettent d’envisager une haute datation. Son plan (image 14) semble lui aussi témoigner d’une haute datation. En effet le chœur de forme rallongée est l’intermédiaire entre le chœur semi-circulaire et le chœur muni d’une travée (ou avant-chœur).

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 397).




Rousson : Saint-Martin

Le plan (image 15) de l’église Saint-Martin de Rousson peut être interprété de deux façons différentes. Soit c’est celui d’une église triple : une nef à 3 vaisseaux et 3 absides situées dans le prolongement des 3 vaisseaux. Soit c’est celui d’une église à nef unique : la nef est à un seul vaisseau prolongé par un transept contenant trois salles sur lesquelles se greffent les absides. Si c’est la première interprétation qui est la bonne, cette église est très probablement d’une haute ancienneté : VIe ou VIIe siècle). Dans le second cas, l’église serait plus récente tout en appartenant au Premier Millénaire.

(Voir la description de cette église dans le Livre : Églises Romanes Oubliées du Bas-Languedoc p 400).