Divers édifices de Gironde susceptibles de dater du Ier millénaire (page 2/5)
Les trois édifices étudiés dans cette
page sont : l’église
Saint-Pierre de Cadaujac, l’église
Notre-Dame de Cornemps, l’église
Saint-Pierre de la Lande-de-Fronsac.
Église
Saint-Pierre de Cadaujac
Selon les images recueillies sur
Internet, autant à l’extérieur (image
1) qu’à l’intérieur (image
2) et sur plan (image
3), la nef de l’église Saint-Pierre est à trois
vaisseaux. Les piliers sont de type R1010.
Ceci doit entraîner que les arcs joignant les piliers sont
doubles … ce que l’on peut vérifier sur l'image
2. Primitivement, la nef devait être charpentée.
Elle a été voûtée ultérieurement. Pour installer la voûte,
on a d’abord rabaissé les murs gouttereaux du vaisseau
central supprimant ainsi les fenêtres hautes. Puis on a
inséré des consoles dans les murs gouttereaux et posé par
dessus les arcs doubleaux portant la voûte. Bien que
celle-ci soit en plein cintre, nous pensons qu’elle a été
posée en pleine période gothique : selon nous, la technique
de poser des doubleaux sur une console et non sur des
pilastres en contact avec le sol daterait de cette période.
Selon l'image 1, le chevet serait un
peu plus large que la nef. Le plan de l'image
3 nous enseignerait le contraire. Mais ce plan est
peu précis et il privilégie la position des chapiteaux.
Selon nous, le chevet serait postérieur à la nef mais il
faudrait vérifier cela sur place.
La nef et les chapiteaux sont très probablement
contemporains. La datation de la première pourrait permettre
d’évaluer celle des autres. Étudions donc ces chapiteaux :
Image 4 : C’est la
scène du Péché Originel. À droite, Adam et Ève de part et
d’autre de l’Arbre du Bien et du Mal. À gauche, Adam et Ève
sont chassés du Paradis Terrestre. Les traits sont grossiers
et malhabiles. Cette scène a été représentée tout au long de
l’histoire du Christianisme.
Image 5 : Scène
centrale du chapiteau précédent.
Image 6 : Ce
chapiteau pourrait représenter la Femme et la Bête de
l’Apocalypse de Saint Jean.
Image 7 : Deux
femmes. Peut-être Marie et sa sœur Elisabeth dans l’épisode
biblique de la Visitation. Remarque : ni l’une ni l’autre ne
sont auréolées.
Image 8 : La Fuite
en Égypte. Marie est auréolée. Jésus porte un nimbe
crucifère. Par contre, il semblerait que Joseph ne soit pas
auréolé. Marie est représentée assise comme le sont
classiquement les Vierges Romanes. Ses pieds reposent sur un
tabouret.
Image 9 : Cette
scène pourrait représenter le Sacrifice d’Abraham. Scène
souvent représentée. Y compris durant le premier millénaire.
Image
10 : Saint Pierre tenant les clés du Royaume. Ici
encore le saint ne porte pas d’auréole.
Image 11 : Scène
énigmatique. Le personnage central pourrait être une sirène
dont la queue se partage en deux. À droite, est représentée
une femme aux longues nattes, scène déjà vue ailleurs.
Image 12 : Partie
gauche du même chapiteau que précédemment.
Image 13 :
Représentation d’un temple ou d’une église (façade Ouest).
Image 14 : Croix
pattée. La croix pattée est souvent représentée au cours des
premiers siècles chrétiens. Elle semble disparaître par la
suite, hormis pour les ordres religieux guerriers (la croix
de Malte).
Image 15 : Homme
aux bras levés en attitude d’orant.
Image
16 : Tête humaine ou corps humain très stylisé en
attitude d’orant.
Image 17 : Hommes
aux bras entrelacés. Remarquer les têtes difformes.
Image 18 : Ce
chapiteau (de l’arc triomphal ?) nous semble un peu plus
tardif que les précédents. La facture est plus élaborée. La
scène est plutôt caractéristique de l’art roman du XIe,
voire XIIesiècle.
Les chapiteaux semblent plus récents que ceux des deux
églises vues précédemment. Cependant, nous avons vu que ces
deux églises pouvaient avoir appartenu à une ethnie
particulière indépendante de l’ethnie romaine. La présente
église pourrait avoir été construite par une population
d’origine romaine.
Datation envisagée
: an 950 avec un écart de 150 ans.
Église
Notre-Dame de Cornemps
Le fait que cette église soit en ruines
ne doit pas nous amener à conclure qu‘elle est plus ancienne
que d’autres encore debout.
Les éléments que nous possédons ne militent pas en faveur
d’une haute datation. D’après le plan de l'image
19, la nef est unique. Cette nef semble trop
étroite. Peut-être y avait-il des collatéraux ?
Datation envisagée
: an 1050 avec un écart de 100 ans.
Église
Saint-Pierre de la Lande-de-Fronsac
L’église Saint-Pierre est une église à
nef unique. Selon nous, ce type d’église aurait été
construit à partir de la fin du premier millénaire (image
23).
Le chevet très décoré pourrait dater du XIesiècle.
L’étage supérieur (au-dessus des arcades extérieures)
pourrait être un ajout ultérieur.
Cette église n’aurait pas attiré notre attention sans son
magnifique portail (images
26 et 27). Le tympan de ce portail est détaillé sur
l'image 27. Voici
ce qu’en dit la page du site Internet Wikipedia consacrée à
cet édifice :
« Le
portail est un superbe exemple de sculpture romane
parfaitement conservée. Il a été réalisé entre 1110 et
1130. Le décor luxuriant, une quadruple archivolte décorée
d'entrelacs et de motifs variés, entoure un tympan orné
d'une scène de l'Apocalypse et rappelle la Saintonge
voisine. On trouve d'autres représentations de
l'Apocalypse sur les portails de l'église Saint-Martin de
Haux et l'église Notre-Dame de Castelviel.
Le portail, formé de quatre larges voussures, est enrichi
d’un petit tympan. Le tympan illustre la première vision
de l’Apocalypse de Saint Jean : le Christ, les bras
ouverts, vêtu d’une longue robe, est placé au centre ;
l’épée est posée à gauche, près de son visage. À sa main
droite, se trouve un homme tenant un livre, probablement
Saint Jean. Au-dessus de sa main droite, se trouve un
cercle enfermant sept étoiles. À droite de Saint Jean, on
voit sept édifices, sans doute les Sept Églises d'Asie :
Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et
Léodicée. Entre saint Jean et le Christ, on voit les
jambes d'un petit homme nu, son corps est prisonnier des
lianes qui couvrent l'arrière-plan du tympan. »
L’interprétation de la sculpture par le texte de
l’Apocalypse de Saint Jean nous semble correcte. Ce qui nous
gène un peu c’est la datation : « Il
a été réalisé entre 1110 et 1130 ». Comment
l’auteur de cette phrase a-t-il pu effectuer une telle
évaluation ? Le tout proclamé sur le ton de la certitude.
Comprenons bien le dilemme en prenant l’exemple suivant : un
ouvrage récent sur des hôtels particuliers de la ville de
Béziers présente sur deux pages, d’un côté des portails du
XVIIesiècle, de l’autre des portails du XVIIIesiècle.
Dire qu’un portail est du XVIIesiècle signifie
qu’il a été construit entre 1600 et 1700, du XVIIIesiècle
entre 1700 et 1800. Soit pour chacun des cas une «
fourchette » de cent ans. Lorsque l’auteur signale que le
tympan de l'image 27 a
été réalisé entre 1110 et 1130, il le place dans une
fourchette de 20 ans. Une fourchette cinq fois plus réduite
que la fourchette d’évaluation de portails d’époque moderne
sur lesquels on dispose de beaucoup plus de renseignements.
Le lecteur comprendra aisément qu’il y a de quoi être
surpris par une telle précision. Une précision d’autant plus
étonnante que nous savons tous qu’en matière d’art, le style
dépend plus de l’artiste ou du commanditaire que de
l’époque.
En conséquence, nous estimons a priori cette datation
totalement arbitraire. Bien sûr, nous sommes disposés à
faire amende honorable en cas d’erreur de notre part.
Quelle est notre propre évaluation ? Tout d’abord, nous
proposerons une fourchette beaucoup plus large. Ensuite,
nous estimons que les images extraites de l’Apocalypse sont
plus anciennes. La tradition apocalyptique serait issue d’un
moine espagnol, Beatus de Liebana, mort en 798. Celui-ci
aurait rédigé des Commentaires
de l’Apocalypse, ouvrage qui aurait eu un très
grand succès. Nous pensons, sans pour autant apporter de
preuve, que les images élaborées à partir des textes de
l’Apocalypse auraient été produites plutôt avant l’an mille.
Hormis la représentation du Tétramorphe - le Christ entouré
des symboles des Évangélistes - qui a perduré plus
longtemps. Nous pensons donc que ce tympan et plus ancien
que ne le dit l’auteur.
Datation envisagée
: nous proposons l’an 1050 avec un écart de plus d’un
siècle.