Autres églises romanes ou préromanes de Dordogne (page 1/2)
Visiter toutes les églises romanes ou préromanes d’Europe
serait le programme de plus d’une vie de chercheur. Nous
comptons déjà plus de 2000 de ces monuments. Pour la plupart
d’entre eux, une simple visite ne suffit pas. Il faut
souvent revenir à plusieurs reprises pour vérifier des
détails négligés lors des premiers passages. Et après cela,
vient la rédaction des rapports. Ce qui prend aussi beaucoup
de temps. Nous sommes donc obligés, soit de nous cantonner à
quelques édifices - ce qu’ont fait la plupart des chercheurs
- soit d’étudier superficiellement le plus grand nombre de
monuments afin d’en dégager des lignes directrices. C’est
cette dernière option que nous avons choisie.
En conséquence, le lecteur ne doit pas être surpris que pour
certaines régions non visitées, nous ayons cherché à nous
documenter d’une autre façon que par la visite. En
particulier, en consultant les textes transmis par Internet.
C’est le cas pour la Dordogne. Nous n'avons visité qu’une
église, l’abbatiale de Souillac parmi les églises décrites
dans cette page et la suivante. Les autres ne sont connues
que par des images issues d’Internet. C’est nettement
insuffisant. Néanmoins, cela permet de se faire une idée. De
plus, les images recueillies permettent d’obtenir des
éléments de comparaison.
Les trois édifices étudiés dans cette page sont : l’église
Notre-Dame de la Nativité de Cénac-et-Saint-Julien, l’abbatiale
Notre-Dame de Chancelade, l’église
Saint-Robert de Javerlhac-et-la-Chapelle-Saint-Robert.
Cénac-et-Saint-Julien
: Église Notre-Dame de la Nativité
Les images
1 et 2 sont celles d’une église apparemment romane
faisant penser à l’église de Talmont en Charente-Maritime,
église que nous avons attribuée au XIesiècle. Les
images suivantes semblent témoigner une plus grande
ancienneté. Sur l'image 3,
on trouve la représentation d’un rapace piquant la tête d’un
lièvre. Nous avons déjà vu cette scène mais nous n’en
connaissons pas la signification. Sur l'image
4, c’est la scène désormais classique des « oiseaux
au canthare ». Sur l'image
5, on peut voir la scène aussi classique de «
Daniel entre les deux lions ». Mais cette scène n’est pas si
classique qu’il n’y paraît. On ne comprend pas la
signification des deux têtes humaines accrochées aux deux
jambes de Daniel…. S’il s’agit bien du prophète Daniel.
Enfin, le chapiteau de l'image
6 présente un orant aux bras levés. Remarquez que
dans ces deux dernières images, les vêtements des hommes
n’ont rien de roman.
Datation envisagée
pour l’église Notre-Dame de la Nativité de Cénac : an 975
avec un écart de 100 ans.
Chancelade
: Abbatiale Notre-Dame
Voici ce que dit sur cette abbaye la
page qui lui est consacrée sur le site Internet Wikipedia :
«
Quand, vers 1096, le pape Urbain II voulut rattacher les
moines de l'abbaye Saint-Pierre de Cellefrouin au
monastère de Charroux, quittant ainsi la règle de saint
Augustin pour suivre la règle des Bénédictins, l'abbé
Foucault s'y oppose et devient ermite à Fons Cancellatus.
C'est l'acte fondateur de l'abbaye Notre-Dame de
Chancelade. »
Les images de 7 à 11
sont celles de l’abbatiale Notre-Dame. Celle de l'image
12 représente la chapelle Saint-Jean située dans
l’abbaye.
D’après le texte précédent, l’abbaye de Chancelade aurait
été fondée en 1096. Le fait que l’abbé Foucault devienne, à
partir de cette date, ermite à Fons Cancellatus indique que
les locaux abbatiaux auraient été construits après cette
date et non avant. Nous avons l’habitude de rencontrer des
textes anciens interprétés d’une façon très libre : les
traducteurs de ces textes déduisent hâtivement de vagues
donations la datation de l’ensemble des constructions. Mais,
dans ce cas, et si le texte se réfère à des documents
authentiques et correctement traduits, l’interprétation
semble cohérente. Par ailleurs, nous n’avons pas vu sur ces
images de 7 à 12
d’élément susceptible d’établir une datation antérieure à
l’an 1000.
Datation envisagée
pour l’abbatiale Notre-Dame de Chancelade : an 1150 avec un
écart de 50 ans. Compte tenu de ce qui vient d’être dit
précédemment, certaines parties de cette abbaye, comme
l’abbatiale ou la chapelle Saint-Jean, pourraient constituer
des marqueurs importants de datation.
Javerlhac-et-la-Chapelle-Saint-Robert
: Église Saint-Robert
Voici ce que dit sur cette abbaye la
page qui lui est consacrée sur le site Internet Wikipedia :
« Dans
une charte du Xe ou XIe siècle, un
dénommé Frotaire de Terrasson et sa femme Ode, pour le
salut de leurs âmes, abandonnent à Dieu et à l'abbaye
Saint-Pierre du Vigeois divers immeubles situés à
Haute-Faye et Javerlhac. Les religieux de Vigeois vont
envoyer des moines pour y fonder un monastère au lieu-dit
las Badias qui n'a pas de dénomination.
Peu de temps après, l'abbaye de la Chaise-Dieu prend la
relève. C'est au XIIe siècle que les moines de
l'abbaye construisent un prieuré et l'église dédiée à
saint Robert, fondateur de l'abbaye de la Chaise-Dieu,
mort en 1067. Une légende raconte que Raoul Passeron,
disciple de saint Robert, aurait été un prieur et aurait
été inhumé dans l'église. »
Ce texte confirme en partie ce que nous avons exprimé à
plusieurs reprises : une abbaye ne se crée pas ex-nihilo.
Soit l’installation de la communauté se fait dans des
bâtiments déjà construits. C’est le cas ici (première phrase
du texte). Soit l’installation se fait progressivement à
proximité d'un personnage charismatique (cas précédent) ou
d’un fait miraculeux (Lourdes). Dans le premier cas, un
édifice religieux peut préexister à l’installation de la
communauté de moines. Dans le second cas, la construction
est postérieure aux événements (mort du fondateur, miracle).
Mais postérieure de peu, car l’oubli du charisme du
fondateur ou de l’importance du miracle est relativement
rapide, ne dépassant pas le témoignage de la génération
suivant celle des témoins directs. La construction d’un
monument perpétuant ce souvenir devient alors plus qu’un
témoignage : une nécessité.
Les religieux s’étant installés à Javerlhac dès le Xe
ou le XIesiècle, on peut envisager
raisonnablement qu’une abbatiale était déjà construite avant
l’an 1100. Il est même possible qu’elle ait existé avant
l’an 1067, date de la mort de Saint Robert. Il est en effet
arrivé que la dédicace d’une église soit changée à la suite
de donations.
En tout cas, la date du XIIesiècle avancée dans
le texte ci-dessus pour la construction de l’église est peu
probable. Certes, il est fort possible que l’église du XIesiècle
ait été entièrement détruite et remplacée par l’église
actuelle. Mais il faut en apporter la preuve. Et nous
estimons que ce n’est pas à nous d’apporter cette preuve.
Par contre, ce que nous pouvons faire, c’est rechercher dans
les images 13 à 18 de
possibles restes de cette église antérieure à l’an 1100,
voire 1067.
Il faut reconnaître que ce n’est pas chose facile vu le peu
d’images dont nous disposons. La façade Ouest porte un
pignon nettement plus haut que le toit de la nef
(image 13). Cette
disposition est-elle volontaire dans un but esthétique assez
difficilement justifiable? Ne serait-ce pas plutôt le fait
que le toit de la nef initialement de même hauteur que le
pignon de la façade Ouest a été rabaissé ? Ce qui
sous-entend que cette nef primitivement charpentée a été
plus tard (au XIIesiècle ?) voûtée.
Les images 14, 15 et 16 font
apparaître une anomalie au niveau du transept. Le croisillon
Sud de ce transept est nettement plus élevé que le
croisillon Nord. Il semblerait que ce soit le croisillon
Nord qui soit contemporain à la nef, le croisillon Sud lui
étant postérieur. Remarquons aussi sur les images
14 et 15 que les absidioles s’appuient sur des
massifs quadrangulaires recouverts d’un toit à une pente.
Ces massifs quadrangulaires font penser à des collatéraux.
Ce qui impliquerait une nef primitive à trois vaisseaux.
Nous n’avons qu’une image, l'image
17 , de l’intérieur de cette nef. Examinons la.
On peut voir à l’extrême gauche un pilastre supportant une
imposte, laquelle soutient en partie deux arcs. En allant
vers la droite, on rencontre à nouveau le pilastre,
l’imposte et les arcs. Mais cette fois-ci, une demi colonne
est adossée au pilastre. Elle porte un chapiteau. Au-dessus
du chapiteau, part un doubleau qui supporte la voûte en
plein cintre couvrant la nef. Entendons-nous bien ! Il
existe ailleurs des églises à nef unique ayant comme ici des
pilastres et des arcs accolés aux murs latéraux et couvertes
d’une voûte. L’intérêt des arcs, qu’ils soient à l’extérieur
ou à l’intérieur, est de fortifier les murs latéraux de
façon à installer la voûte. Ces arcs peuvent avoir été posés
en vue du voûtement ou indépendamment de celui-ci.
Imaginons qu’ils aient été posés en vue du voûtement et
mettons nous à la place de l’architecte qui construit son
plan et imagine le voûtement définitif : il part, non du
sol, mais de la voûte déjà construite. Il l’imagine posée
sur des doubleaux lesquels reposent par l’intermédiaire de
chapiteaux sur des colonnes adossées à des pilastres. Jusque
là tout va bien. Mais pourquoi sur certains pilastres et pas
d’autres? Par souci d’esthétique, il faudrait que le rythme
des doubleaux corresponde au rythme des pilastres. Ce qui
n’est pas le cas ici. Nous sommes face à une contradiction
logique.
Prenons à présent le cas contraire : l’architecte dispose de
murs latéraux sur lesquels existent déjà des arcs. Il veut
voûter la nef. Il décide d’ajouter des doubleaux pour poser
la voûte. L’important étant de poser la voûte, le souci
d’esthétique devient secondaire. L’architecte décide de
poser ses doubleaux aux endroits privilégiés. C’est-à-dire
contre certains piliers construits auparavant. Cette
deuxième hypothèse (la nef était primitivement charpentée,
elle a été ultérieurement voûtée) apparaît plus cohérente.
Mais dans ce cas, on est confronté à un nouveau problème :
si l’église était primitivement charpentée, à quoi
servait-il de poser au moment de sa construction des arcs
contre les murs, des arcs destinés à la voûter ?
On tombe alors sur un raisonnement en forme de serpent qui
se mort la queue. On ne peut y échapper que par une nouvelle
hypothèse : primitivement, la nef n’était pas unique, mais
triple. Il y avait un vaisseau central et deux collatéraux.
On a décidé de ne conserver que le vaisseau central et de
supprimer les collatéraux. Le vaisseau central était
primitivement porté par des piliers quadrangulaires
surmontés par des arcs ménageant des ouvertures de
communication entre la nef et les collatéraux. Ces
ouvertures ont été obturées par des murs transformant ainsi
la nef à trois vaisseaux en une nef à un sel vaisseau.
Datation envisagée pour
l’église Saint-Robert de la-Chapelle-Saint-Robert : an 650
avec un écart de 200 ans.