Les autres édifices de Jumièges
Nous avons étudié dans la page précédente l’abbatiale
Notre-Dame de Jumièges. Mais le territoire de Jumièges
recèle aussi d’autres curiosités. Tout d’abord, le parc
arboré, puis la porterie du XIVesiècle, le
logis de l’Abbé, du XVIIesiècle, qui, malgré
leur réel intérêt, ne peuvent être des objets de notre
étude. Par contre, nous consacrons cette page aux trois
édifices suivants : l’église
Saint-Pierre, l’hôtellerie
de l'abbaye et l‘église
paroissiale Saint-Valentin.
Elle est située au Sud de l’abbatiale et
parallèle à celle-ci. Nous reproduisons ci-dessous deux
textes extraits d’Internet la concernant :
« L'église Saint-Pierre
:
Elle correspond au premier sanctuaire que les moines ont
reconstruit. Du point de vue architectural, elle conserve
également la partie la plus ancienne de l'abbaye. En
effet, la façade Ouest, privée de son massif occidental,
dont on peut encore voir la base des tours et le pied des
escaliers qui menaient en leur sommet, l'ouverture
partiellement murée de la vaste tribune qui embrassait
l'édifice et deux travées Nord de la nef ont été datées
par les archéologues du Xe siècle, c'est-à-dire
au point décisif de l'évolution du massif carolingien à
trois tours. L'étroite circulation du deuxième niveau
anticipe celle de l'abbaye Notre-Dame de Bernay. Les oculi
conservent des traces d'enduit et de peinture, les
chapiteaux des baies géminées dérivent de formes
italiennes. Tout cet ensemble devait être très orné. Sa
datation de la restauration de Guillaume Longue-Épée de
928, 936 ou 942 est controversée. Elle serait de la fin du
siècle, avant 993, date certaine de la sépulture de
l'ancien abbé de Saint-Wandrille, Ensulbert. En 2003, une
étude évoque l'hypothèse de la reconstruction complète de
l'édifice à la fin du VIIIe siècle ou au début
du IXe siècle.
En 1335, l'abbé Guillaume-le-Jeune entreprend la
reconstruction de la nef, dont les murs subsistants sont
nettement de style gothique. Ce sanctuaire était réservé
aux moines et aux convers ». Texte extrait de
la page web Wikipedia consacrée à l'abbaye.
« On
a récemment mis en doute que les parties les plus
anciennes encore conservées de l'église Saint-Pierre, Ies
deux premières travées de la nef et le mur de la façade
occidentale - dont la modénature est, a-t-on dit, romane
et non carolingienne - soient des restes d'une église
reconstruite par Guillaume Longue Epée au temps ou la
Normandie était encore couverte de ruines. Il ne semble
pas cependant qu'il y ait lieu de revenir sur les
conclusions de la solide étude de M Georges LANFRY :
l'église Saint-Pierre actuelle, en grande partie
d'ailleurs restaurée et agrandie en 1330, paraît bien
avoir été celle où fut enseveli en 993 l'abbé Ensulbert de
Saint-Wandrille, et qui, déjà existante au temps de I'abbé
Thierry (1011-1028), serait demeurée l'église principale
de l'abbaye jusqu'à l'achèvement de la basilique
Notre-Dame. Précédée d'un porche avec tribune entre deux
tours qui subsiste encore en partie, M. Lanfry la range,
très judicieusement à notre sens, parmi les
églises-porches carolingiennes récemment étudiées par MM.
Etienne Fels et Hans Reinhardt, et pense en conséquence
qu'elle a inspiré au XI e siècle les
constructeurs de la grande église Notre-Dame qui n'ont
fait qu'adopter en les adaptant les dispositions
occidentales de leur primitive église. Elle serait ainsi,
comme l'église Notre-Dame elle-même, dans la tradition des
grandes églises proprement carolingiennes, en même temps
qu'elle annoncerait déjà l'avenir. Le terme d'art préroman
nous paraît de la sorte convenir parfaitement pour la
caractériser, ainsi d'ailleurs que les autres monuments
élevés en France au X e siècle, à l'époque des
derniers souverains où se traînait la dynastie
carolingienne après le temps de Charlemagne et de ses
derniers successeurs au siècle précédent ». Texte
extrait d'une page web à l'adresse obsolète.
Nous sommes censés être surpris à la
lecture de ces deux textes. Dans la page précédente, nous
avions dit qu’il existait chez les historiens français une «
terreur de l’an mille », la peur d’avouer qu’un édifice
pourrait être antérieur à l’an mille. Or, manifestement ici,
cela ne semble pas être le cas. Les deux auteurs semblent
accepter que l’édifice puisse être antérieur à l’an mille.
L’inhumation de l’abbé Ensulbert en 993 - date d’ailleurs
très proche de l’an mille - ayant contribué à emporter leur
adhésion.
À la lecture des deux textes, nous croyons comprendre que le
premier des deux auteurs situe la construction de cette
église à la fin du premier millénaire, peu avant l’an 993,
tandis que le second la placerait une cinquantaine d’années
plus tôt lors d’une reconstruction effectuée par Guillaume
de Longue Epée. Chacun des deux signalent que d’autres
évaluations ont été avancées par des chercheurs. Ainsi,
certains estimant que «
sa modernité est romane, pas carolingienne » la
situent après l’an mille (par définition du
Petit Larousse, l’art roman est daté du XIeou
du XIIesiècle). Pour d’autres, cet édifice est
bien antérieur à la restauration de Guillaume de Longue Epée
(« En 2003, une étude évoque l'hypothèse de la
reconstruction complète de l'édifice à la fin du VIIIe
siècle ou au début du IXe siècle. »). Soit 150
ans plus tôt que la reconstruction attribuée à Guillaume de
Longue Épée. On aimerait savoir quelles sont les
justifications des uns et des autres.
Nous n’avons pas d’information là- dessus, mais il est
possible que la plus récente des datations (en 2003) ait été
réalisée grâce à des analyses modernes (méthode dite du
C14).
Nous ne disposons pas des mêmes techniques. De même, nous ne
connaissons pas les textes précis permettant d’attribuer la
reconstruction aux années 928, 936 ou 942. Cependant, nous
savons par expérience que les textes sont en général très
imprécis et ne permettent pas d’affirmer avec certitude la
date de la construction initiale.
Cette église est du type basilical, avec une nef à trois
vaisseaux (images 2, 3
et 4) . Les piliers porteurs du vaisseau central
sont rectangulaires de type
R0000. Ils portent des arcs simples (à un seul
rouleau). Dans nos premières évaluations sur ces types
d’architecture, nous les avons placées dans une fourchette
de datation entre les ans 500 et 800 (voir à ce sujet nos
cartes interactives : les drapeaux de couleur
orange sont associés à la datation 500- 800).
Mais d’une part les dates extrêmes sont entachées d’une
incertitude et d’autre part, l’existence de tribunes fait
envisager une datation plus tardive dans la fourchette
proposée. Soit une datation aux alentours de l’an 800 : an
800 avec un écart de plus de 100 ans.
À notre connaissance, l’église dont l’architecture se
rapprocherait le plus de Saint-Pierre de Jumièges serait
celle de Vignory, en Haute-Marne (voir sa
page sur ce site).
La grande originalité de cet édifice est
l’existence de ce que nous avons appelé, des « oculi » (images 5 et 10). Ces
disques en creux sont assez surprenants. En existe-t-il
d’autres dans la région ? Dans un premier temps, nous avions
envisagé qu’ils pouvaient contenir des sculptures incrustées
comme à Santa Maria de Naranco en Galice (voir sur ce site)
ou bien des marquèteries de pierre (par exemple au chevet de
certaines églises siciliennes : prochainement sur ce site).
Cependant, nous avons appris que ces « oculi » pouvaient
contenir des fresques. Et effectivement les images
5 et 10 font bien apparaître les restes d’un
enduit. Par ailleurs, nous avons aussi appris que des
travaux de restauration sur le mur Sud, en partie gothique,
avaient permis la découverte d’une fresque (image
11). Notre hypothèse de départ apparait donc
caduque. Cependant, on est obligé de constater le coté
illogique de la situation. Pour quelles raisons les
constructeurs auraient pris le soin de creuser des disques
dans les murs afin d’y mettre des fresques ? Puisqu’ils
étaient capables de dessiner des fresques, ils étaient aussi
capables de dessiner les cercles entourant ces fresques.
Certes, on peut objecter que tout tableau moderne est inséré
dans un cadre. Mais il nous semble que c’est « pousser le
bouchon un peu trop loin » : nous avons déjà vu des tableaux
entourés de cadres mais jamais de mur creusé pour héberger
un tableau. D’ailleurs, jusqu’à présent, toutes les fresques
observées datant du Moyen-Âge étaient réalisées sur des
surfaces planes.
Il nous faut donc revenir à notre hypothèse initiale : ces
parties creusées en forme de cercle devaient accueillir des
disques ou des mosaïques. Décoration qui aurait sans doute
disparu à l’occasion d’incendies ou de pillages.
Les restes de fresques des images
12, 13 et 14 font apparaître un décor répétitif. Ce
décor doit être éventuellement comparé à celui de la
Santullano d’Oviedo. Peut-être existe-t-il d’autres décors
de ce type à proximité ?
Nous n’avons pas eu le temps d’examiner le sarcophage de l'image 15. Il
semblerait être du type « à logette céphalique » et pourrait
dater du VIeou VIIesiècle.
Il remonterait dons à la fondation de l’abbaye.
L’hôtellerie
de l’abbaye
Nous avons voulu ajouter sur cette page
quelques images de l’hôtellerie de l’abbaye (images
16, 17 et 18). Malgré le caractère un peu
archaïque de la représentation de têtes sculptées (images
17 et 18), nous ne pensons pas que cette
hôtellerie soit ancienne par rapport aux autres monuments
étudiés dans ce site. Nous la situons plutôt en fin d’époque
romane (an 1200 avec un écart de 50 ans).
L’église
paroissiale Saint-Valentin
La plupart des touristes qui visitent
Jumièges passent à côté de cette majestueuse église qui a
sans doute l’inconvénient de ne pas être en ruine. Et
pourtant, elle mériterait d’être mieux connue... et
accessible au public.
À l’extérieur (images 19
et 20), on repère immédiatement la nef à plan
basilical à trois vaisseaux. Il ne reste rien de la façade
occidentale d’origine (image
21). Elle a dû être refaite à la Renaissance.
Le transept et le chœur, de très grandes dimensions, sont
quant à eux gothiques.
Nous n’avons pas pu visiter l’intérieur que nous pouvons
décrire grâce à des images extraites d’Internet. La nef (image 22) est bien de
plan basilical à trois vaisseaux. Autant qu’on puisse en
juger, les piliers sont de type R1111
et les arcs entre piliers sont doubles. Bien que l’existence
de piliers R1111
fasse envisager que cette église était entièrement voûtée
dès l’origine, nous pensons que ce n’est pas le cas : le
vaisseau central est de dimension trop large pour être
voûté. Les pilastres adossés aux piliers côté vaisseau
central devaient porter des arcs doubleaux, qui à leur tour
portaient la charpente du toit. Un peu comme c’est le cas
actuellement. On déduit de ces diverses informations que
cette église précède de peu les grandes églises romanes
entièrement voûtées.
Datation de cette nef : an 1025 avec un écart de 75 ans.
L'image 23 nous
apprend que la croisée du transept a été détruite. Le décor
des chapiteaux, dit, « à godrons « a été vu sur certaines
églises de Normandie étudiées précédemment, églises que nous
avons datées du XIesiècle.
Le chœur à déambulatoire (image
24) semble plus récent (XIIesiècle
?). Un gros problème cependant : les chapiteaux de la
colonnade, de style ionique, font plutôt penser à une
construction du XVIIIesiècle. Nous rappelons que
notre raisonnement est basé sur une simple image. Seul un
examen détaillé, éventuellement complété par des écrits,
pourrait apporter une solution.