L’église Saint-Jean-Baptiste de Château-Gontier
L’église Saint-Jean-Baptiste de
Château-Gontier apparaît à première vue d’importance minime.
La page Wikipedia consacrée à la ville de Château-Gontier la
place en douzième position sur quinze en tout. Le
commentaire est le suivant : « L’église
Saint-Jean-Baptiste, du XIesiècle,
cruciforme terminée par trois absides ; crypte sous le
chœur, clocher central du XIIesiècle,
restauré au XIXesiècle. Elle a été classée
par arrêté du 20 février 1941 ».
La page Wikipedia sur cette église ne
nous apprend pas grand-chose de plus. Si ce n’est des
explications sur le classement tardif de cette église qui
avait été déclassée en 1888 pour cause de restaurations
inappropriées. En 1940 une bombe allemande a provoqué un
incendie. A la suite des réparations, des fresques (voir
ci-dessous) ont été découvertes. Ce qui a provoqué le
reclassement de l’église.
Concernant la datation cette page Wikipedia manque de clarté
: « Les Bénédictins de
l’abbaye Saint-Aubin d’Angers qui avaient cédé à Renaud Ier
de Château-Gontier l’espace sur lequel il fait construire
le château et la ville murée, s’étaient réservé ou
reçurent la faculté d’y fonder un prieuré conventuel et
les églises nécessaires pour les besoins religieux de la
population. Ils bâtirent, dès le XIesiècle,
leur couvent et une église à proximité du château.
L’église Saint-Jean-Baptiste est bâtie durant le
Xesiècle. L’église existait en 1100.
»
Comme on le voit, la datation de
l’église Saint-Jean-Baptiste est plutôt hésitante : du Xesiècle,
du XIesiècle. Nous voyons dans ces
hésitations une attitude quasi généralisée des chercheurs.
Ils datent un édifice, non par son style, mais exclusivement
par les documents qui le mentionnent. Comme la plus grande
partie des monuments antérieurs à l’an mille ont disparu,
tous les édifices sont considérés comme postérieurs à l’an
1000. Et en ce qui concerne les édifices cités avant l’an
mille, on admet communément qu’ils ont disparu.
C’est ce qui s’est probablement passé en ce qui concerne
l’église Saint-Jean-Baptiste. Un texte daté de 1100 doit
certainement mentionner son existence. Elle a donc été
construite avant cette date. On en déduit qu’elle est du
onzième siècle. Un autre texte, daté lui du Xesiècle,
y fait référence. Cette information provoque une divergence
entre chercheurs, les uns estimant que l’église est du Xesiècle
(mais pas avant !), d’autres estimant que l’église citée au
Xesiècle a disparu et que celle que l’on
voit est bien du XIesiècle.
Tous s’accordent à penser qu’elle est de peu d’intérêt par
rapport aux magnifiques églises romanes richement sculptées
du XIeou XIIesiècle.
A l’inverse, nous estimons qu’elle est
d’un très grand intérêt, étant donné qu’elle n’est pas
romane mais préromane, qu’elle appartient à une période tout
à fait différente durant laquelle la création artistique ne
se manifestait pas au travers des sculptures, mais des
fresques murales.
Quelles sont les raisons qui nous conduisent à formuler
cette opinion ?
La nef (images 3 et 4)
à 3 vaisseaux n’est pas voûtée, mais charpentée. Les murs
gouttereaux du vaisseau central sont portés par des piliers
à section rectangulaire. Ces piliers supportent des arcs en
plein cintre non doublés. Ces arcs sont portés par des
impostes à chanfrein orienté vers l’intrados. Ce type de nef
a été classé sous la désignation R3C (voir à ce sujet sur ce
site la page datation/évolutions/ évolution de la nef, qui
sera mise prochainement en ligne).
Le transept (image 5)
est-il contemporain ou postérieur à la nef ? Il faudrait le
vérifier. En règle générale, pour une nef estimée aussi
ancienne, le transept est postérieur à la nef. Cependant,
ici, il ne semble pas qu’il y ait discontinuité des styles
entre nef et transept (même forme d’impostes et de pilastres
pour chacun d’eux). Il est donc fort possible que la nef, le
transept et même le chœur soient contemporains. Peut-être
pas dans leur totalité. Ainsi, la voûte de croisée du
transept aurait pu être construite ultérieurement, la
précédente ayant été charpentée.
Nous estimons donc que cette ensemble nef-transept est un
reste remarquablement préservé d’un édifice du premier
millénaire (an 800 avec un écart estimé de 100 ans).
Les fresques (image
7 : l’arche de Noé ; image
8 : la Chevauchée des Mages) sont elles
contemporaines de l’église ? Il est difficile de l’affirmer
sans être confronté à une
« grande volée de bois vert ». En effet, comme pour les
églises, les fresques romanes sont toutes attribuées au XIeou
XIIesiècle. Notons seulement que le thème de
la Chevauchée des Mages (image
8) est très ancien et qu’il semble avoir précédé
celui de l’Adoration des Mages. Ce thème est présent à
Saint-Martin-de-Fénolar (Pyrénées
Orientales-Occitanie-France) bientôt en ligne sur ce site. A
Saint-Martin-de-Fénolar, l’appartenance au premier
millénaire semble assurée par le nombre de mages supérieur à
trois. Ici, bien que le nombre des mages soit égal à trois,
certains détails dénotent l’ancienneté : les mages ne sont
pas des rois, car ils ne portent pas de couronne, mais un
chapeau carré et il n’y a pas de noir (Balthazar) parmi eux.
Une mosaïque de la basilique Saint-Apollinaire de Ravenne
datée de l’an 600 représente ces mages, au nombre de trois,
coiffés d’un bonnet phrygien, et sans la présence de
Balthazar. Une représentation qui peut être rapprochée de
celle de Château-Gontier.
La crypte (images 9 et
10) semble plus récente que l’église. En effet,
pour sa construction, le système chapiteau-tailloir a été
préféré à la simple imposte. Il ne faut pas s’en étonner.
Aux alentours de l’an 1000, de nombreuses « confessions »
ont été érigées à l’intérieur du chœur des églises.
C’étaient des sortes de mezzanines qui couvraient l’espace
du chœur. L’autel principal était installé au-dessus. La
partie inférieure était réservée au culte des reliques des
saints. Au fur et à mesure, cette partie inférieure a été
enterrée et est devenue crypte.
Les chapiteaux de cette crypte (images
11 et 12) présentent un certain archaïsme
(surtout le second, à spirales. Ils sont peut-être de
récupération).
Datation envisagée
pour la crypte : an 1000 avec un écart estimé de 50 ans.