L’église Sainte-Croix de Saint-Pourçain-sur-Sioule 

• France    • Auvergne-Rhône-Alpes    • Article précédent    • Article suivant    



L’histoire est bien connue car elle a été maintes fois reprise. C’est l’histoire du déplacement des reliques de Saint Philibert de Grandlieu à Saint Philbert de Tournus. Voici ce qu‘en dit la page du site Internet Wikipedia consacrée à Saint-Pourçain sur Sioule : « À partir du VIe siècle, on en trouve trace dans l'histoire lorsque l'ermite Porcianus(également appelé Purcianus ou Portien, connu plus tard comme saint Pourçain), un esclave affranchi et peut-être ancien porcher, fonda au VI siècle un monastère construit sur la hauteur dominant la rivière et dont il devint l'abbé. Le monastère fut restauré entre 871 et 875 par les moines de l'abbaye bénédictine Saint Philibert, à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu (aujourd'hui en Loire-Atlantique). Ils y séjournèrent entre deux et quatre ans puis s'établirent en 875 à Tournus. Le monastère de Saint-Pourçain devint alors un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Philibert-de-Tournus . Entre 945 et 949, les moines de l'abbaye de Tournus se réfugièrent à Saint-Pourçain. »

Comme nous l’avons dit précédemment, cette histoire du déplacement des reliques de Saint Philibert est très connue. Peut-être même trop connue. Pour nous, ce serait peut-être l’histoire de « l’arbre qui cache la forêt ». En effet, il faut savoir que la plus grande partie des textes antérieurs à l’an mille ont disparu. Ne restent que des textes épars. Et pas forcément les plus importants. Tout chercheur qui s’est attaché à n’étudier que ces textes a tendance à les privilégier, à exagérer leur importance, à refuser de mettre en doute leur objectivité. Pourtant, en ce qui concerne cette objectivité, on est en droit de se poser des questions. Nous ne connaissons pas la nature des sources ayant permis d’établir l’histoire associée à Saint Philibert, mais nous avons eu l’occasion de lire et d’essayer de traduire le texte relatif à la translation des reliques de Saint Majan à Villemagne l’Argentière (Hérault). L’auteur de ce texte n’a pas rencontré directement les acteurs de cette translation, mais d’autres témoins qui avaient eu l’occasion de les connaître. On peut estimer que la relation des faits est postérieure d’une cinquantaine d’années au moins aux événements. La vérité en est déformée. Elle l’est d’autant plus que ce texte est destiné à convertir des esprits plus qu’à décrire objectivement une situation. Par contre, un tel texte rend compte de l’importance des reliques et de la vénération qui leur est attachée.

Il doit en être de même pour la translation des reliques de Saint Philibert. On a voulu faire de ce déplacement de reliques et de la communauté qui les protégeait l’effet direct des invasions normandes. Sans négliger ces invasions, il faut envisager que ces déplacements aient pu avoir d’autres causes comme par exemple, scission au sein de la communauté monastique ou vol de reliques.


Au premier abord, l’église Sainte- Croix n’apparaît pas d’une grande ancienneté. Le chevet (images 1, 2 et 3) est manifestement roman. Mais il s’agit d’un art roman tardif (ou gothique naissant : deuxième moitié du XIIesiècle) . Les indices à ce sujet sont nombreux : c’est un chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes, dernière étape des chevets romans : grandes fenêtres encadrées de colonnes et de chapiteaux, arcs brisés surmontant la colonnade du déambulatoire (image 4).

La nef elle-même apparaît gothique. Hormis les premières travées montées sur des piliers quadrangulaires (image 5).

Les deux premières travées côté Ouest, présentent des éléments archaïques. Il y a tout d’abord l’interruption de la colonnade gothique qui sépare le vaisseau central de la nef du bas coté Nord (image 6), interruption dont on ne comprend pas l’intérêt, si on n’envisage pas l’existence d’une nef préexistante de mêmes dimensions. Puis les murs formés de moellons irréguliers, avec des fenêtres obstruées (images 7 et 8). La banquette en pierre de l'image 9 a pu éventuellement être ajoutée ultérieurement. Cependant, nous ne connaissons pas de banquette installée dans des églises postérieures à l’an 1000. Les seules banquettes que nous connaissons le sont dans des églises préromanes. Nous avons donc là un nouvel indice d’ancienneté. Mais il s’agit là d’un indice et non d’une preuve.


Il reste à analyser le mur séparant le vaisseau principal du collatéral Sud (images 10 et 11). Ce mur est installé sur des piliers de type R0000 dont les coins ont été taillés en biseau. Nous pensons que ces piliers ne sont pas gothiques. De même, l’arc brisé qui les surmonte ne nous semble pas gothique, mais postérieur à cette période. Lors des Guerres de Religion, de nombreuses églises ont été désaffectées et partiellement détruites. À la suite de la Réforme, ces églises ont été réparées et réhabilitées, mais bien souvent le résultat des restaurations est plutôt désastreux. Ces églises sont rafistolées « de bric et de broc » et il est difficile de distinguer le modèle initial des réparations ultérieures.

Dans le cas présent (image 10), le modèle initial de la nef pourrait avoir été celui d’une nef à trois vaisseaux. Il resterait de cette nef les murs extérieurs des deux premières travées. Ainsi que les deux piliers côté Sud de ces deux travées. Cette nef primitive serait analogue à celles de Saint-Aphrodise et de la Madeleine de Béziers, que nous datons de l’Antiquité Tardive. Une différence cependant : dans ces deux dernères églises, les arcs reliant les piliers sont en plein cintre. Ici ils sont brisés. On pourrait penser qu’il existait primitivement des arcs en plein cintre, mais dans ce cas on se demande pourquoi ces arcs très performants n’ont pas été maintenus. Nous envisageons une autre hypothèse ; dans l’église primitive, il n’y avait pas d’arcs joignant les piliers, mais des linteaux en bois. Le mur séparant le vaisseau central et les collatéraux était posé sur ces linteaux. Et il devait y avoir une structure en bois analogue à celle que l’on rencontre dans des maisons à pans de bois du XVesiécle. Et on retrouve un peu de cette structure de ces maisons à pans de bois dans l'image 10. Il semblerait que les parties claires du mur pourraient être les restes des poutres en bois qui permettaient de rigidifier l’ensemble. Les arcs brisés auraient été installés ultérieurement.

Datation envisagée :  les indices sont trop ténus pour certifier l’ancienneté. La datation proposée ne peut être que très évasive : an 800 avec un écart de 300 ans.