L’église Saint-Marcel d’Iguerande
La page du site Internet Wikipedia
parlant d’Iguerande nous donne les précisions suivantes sur
la toponymie de ce lieu : «
Le nom d'Iguerande vient du toponyme gaulois « equoranda »
dont la dérivation la plus fréquente en français est
Ingrandes. Equoranda signifiait fondamentalement limite et
correspondait souvent à la frontière entre deux peuples
gaulois.
Iguerande se trouvait en effet à la limite entre les
Éduens et les Ségusaves, devenue ensuite limite entre les
cités gallo-romaines d'Autun (Augustodunum) et de Feurs
(Forum Segusiavorum), puis entre les diocèses chrétiens
correspondants, enfin, en 1790, entre les départements de
la Saône-et-Loire et de la Loire. »
Remarque :
la cité de Feurs se trouve dans le département de la Loire
(région Auvergne-Rhône-Alpes).
Autre remarque
: nous aimerions avoir plus de précision sur cette
explication de toponymie. Le terme « equoranda » fait plus
penser à du latin, voire du bas-latin, qu’à un mot d’origine
celte. Par ailleurs, l’explication selon laquelle Iguerande
serait une ville frontière entre deux territoires gaulois
développe une théorie simpliste : avant l’an 1 de notre ère,
des territoires gaulois divisés avec des frontières entre
eux. Après l’an 1 de notre ère, la « pax romana » unifie le
tout, et en conséquence, supprime les frontières. Il s’agit
bien là d’une théorie simpliste car de nombreux documents
prouvent qu’il existait des frontières à l’intérieur de
l’Empire Romain, et ce au moins jusqu’à la fin du IVesiècle.
Les pignons nettement surélevés de l'image 1 font envisager
que, dans leur ensemble, les toitures ont été abaissées.
Le chevet primitif devait être constitué de trois absides,
mais il n’en reste que deux (images
1 et 2).
À l’intérieur (image 3
et suivantes), l’église apparaît comme neuve,
suite à des restaurations récentes.
Les piliers sont rectangulaires de type R1111.
Fait assez important pour être signalé : les arcs reliant
les piliers sont simples.
L’ensemble apparaît homogène. Il ne l’est pas tout à fait.
Observons par exemple le collatéral Sud (image
5), et dans ce collatéral Sud, le système
permettant de porter un doubleau. On peut voir adossés au
pilier de gauche, successivement et de bas en haut, une
demi-colonne adossée, un chapiteau et son tailloir, un
pilastre, une imposte, le doubleau. Alors que, à droite,
seuls sont adossés au mur un pilastre et son imposte.
D’ores et déjà, ce système pose question, car il entre en
contradiction avec toutes les conceptions de symétrie
rencontrées dans l’art roman.
Mais il y a mieux ! En effet, si on passe au collatéral Nord
(image 6), le
système est un peu différent : on n’y voit pas les impostes
portées par les pilastres.
Il y a dans ces dispositions un mystère que nous ne
comprenons pas. Peut-être y-a-t-il eu plusieurs couvrements
successifs des collatéraux ?
Le fait est assez rare : il existe des
bases aux demi-colonnes adossées (images
7 et 8).
L'image 9 montre
qu’il n’y a pas de fenêtre supérieure dans le vaisseau
principal de la nef. Cette absence de fenêtres supérieures,
le fait que, à l’extérieur, les pignons soient nettement
détachés au-dessus des toits, les modifications vues dans
les collatéraux font envisager que cette nef devait être
primitivement charpentée. Puis ultérieurement voûtée.
Observons par ailleurs l'image
10 : la demi-colonne adossée portant le doubleau,
porteur à son tour, de la voûte centrale, est colorée en
rose. Une couleur différente de celle des pierres du pilier.
Nous ne sommes pas en mesure de savoir si ces couleurs sont
celles des pierres réelles ou si elles ont été
artificiellement créées lors des travaux récents.
Dans le cas de la première hypothèse (couleur des pierres
différentes donc différence de matériaux), cela confirmerait
l’hypothèse d’un voûtement ultérieur : les demi-colonnes
roses auraient été adossées aux piliers afin de porter les
doubleaux de la voûte.
Il existe un autre mystère non résolu.
Observons l'image 12.
Face à nous, un grand arc reposant à gauche sur le système
chapiteau-tailloir, et à droite sur une imposte. A priori,
il n’y a pas là un grand mystère : cet arc fait le lien
entre la nef et le transept et l’imposte est placée sur un
pilier du transept. On a observé, en de nombreuses
occasions, des problèmes de liens ou d’ajustements entre nef
et transept. La plupart de ces problèmes sont liés au fait
que le transept est créé dans une nef déjà construite.
Nous avons bâti une partie de notre théorie sur l’idée que
le système chapiteau-tailloir devait être plus performant
que le système simple imposte. Et donc sur l’idée que
l’imposte avait précédé le chapiteau-tailloir. En
conséquence, et si on se conforme à cette idée, on devrait
avoir sur l'image 12,
à gauche, une imposte, et à droite, un système
chapiteau-tailloir.
Les images 13, 14, 16
montrant des impostes mélangées à des chapiteaux, confirment
cette impression d’incohérence.
Il nous faut cependant admettre que
l’idée d’une imposte moins performante que le système
chapiteau-tailloir et donc l’ayant précédé avait été
relativisée depuis longtemps. D’une part, nous nous sommes
aperçus que la pose d’impostes au lieu du système
chapiteau-tailloir s’est poursuivie bien après la période
romane. Il suffit d’ailleurs de consulter les pages
encadrant celles-ci pour voir de nombreux cas pour lesquels
des piliers à impostes sont porteurs d’arcs brisés.
Toutes les impostes ne seraient donc peut-être pas très
anciennes. Le décor de celles des images
18 et surtout 19,
nous semble cependant préroman.
Enfin, dernier mystère ! Observons le
chapiteau de l'image 22.
Son décor est fait de feuilles dressées. Il s’agit d’un
décor original, non rencontré auparavant. Pourtant, ce n’est
pas ce décor qui nous intéresse, mais les trois petits blocs
parallélépipédiques qui sont situés au-dessus de ces
feuilles. Et on retrouve ces blocs sur les chapiteaux des images 23 et 26. Mais
pas sur ceux des images
24 et 25. Une idée : ces petits blocs ont été
ajoutés par les maçons lors d’une restauration pour
compenser un défaut de structure.
La datation de ce bâtiment est délicate, par suite de la
découverte de traces de plusieurs étapes de travaux. Nous
allons cependant utiliser la méthode de « brute » que nous
avons échafaudée : avant l’an 750, nefs basilicales à
piliers de type R0000 ; avant l’an 850, nefs
à piliers de type R1010
et arcs simples, et à partir de l’an 850, nefs à piliers de
types successifs R1010,
R1110, R1111 et arcs doubles. Ces dates étant
connues avec une forte marge d’incertitude.
Nous adopterons donc pour la datation
de l'église Saint-Marcel d’Iguerande : an 825 avec un écart
de 150 ans (date de la construction initiale).