Autres monuments de Tolède 

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Notre visite beaucoup trop rapide de Tolède - d’autant que c’était un lundi, jour de fermeture des musées - ne nous a pas permis d’effectuer une étude approfondie de ses monuments (hormis les églises San Salvador et Cristo de la Luz étudiées précédemment). Nous ne sommes d’ailleurs pas certains que tous les monuments sont accessibles à la visite. De retour chez nous, en étudiant les photographies prises et en regardant les images extraites d’Internet, nous nous sommes aperçus que nous avions raté pas mal de choses. Nous avons décidé de parler de ces monuments que nous n’avons pas visités en mettant en parallèle les commentaires tirés de sites Internet et nos propres observations.



Murailles et remparts (images de 1 à 3)

Aucune indication n’est fournie concernant ces murailles, mais l’appareil des parties inférieures, alternance de lits de gros moellons et de lits de briques, s’apparente à celui des murailles dites « du Bas Empire » que l’on peut voir un peu partout dans le monde romain et qui sont invariablement datées du IVesiècle. Nous pensons que ces murailles dites du IVesiècle ont pu être construites jusqu’au IXesiècle en Europe et sans doute plus tard dans les pays du Sud de la Méditerranée.




Église San Román (images de 4 à 9)

Selon la page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice, « l’église fut construite au début du XIIIe siècle sur le site d’une ancienne mosquée arabe, en recourant à la main d’œuvre des mudéjars, musulmans d’Al-Andalus devenus sujets du royaume chrétien de Castille durant la Reconquista » .

Notre opinion : Cette église a le plan d’une basilique à trois vaisseaux. Les piliers sont de type R1010, c’est-à-dire à plan rectangulaire avec des colonnes adossées côtés Est et Ouest. Les colonnes sont cylindriques et non semi-cylindriques comme dans les églises romanes. Elles portent des arcs outrepassés simples par l’intermédiaire de chapiteaux. Le modèle est celui de Saint-Jacques de Béziers. On retrouve ce modèle à Nant (Aveyron/Occitanie/France), San Pere de Rodes (Catalogne/Espagne). Nous estimons la datation de ce modèle à l’an 900 avec un écart de 100 ans. Nous considérons que San Román date de cette période et que c’était primitivement une église chrétienne. Il est possible qu’elle soit devenue par la suite une mosquée musulmane pour redevenir plus tard une église chrétienne. Cependant, cela reste à prouver : le site Internet ne donne aucune précision sur cette éventuelle mosquée musulmane.




Église San Sebastián (images de 10 à 15)

Les documents extraits d’Internet que l’on a sur cette église sont peu précis. Pour certains, ce serait une ancienne mosquée. Elle aurait été très endommagée lors de la guerre civile.

Notre opinion : Cette église a le plan d’une basilique à trois vaisseaux. Les piliers sont cylindriques et monolithes. Les différences de dimensions des chapiteaux et des piliers nous amène à envisager deux hypothèses. Pour la première de ces hypothèses, l’église aurait été construite dès l’origine avec des matériaux de remploi. Pour la seconde, l’église, initialement construite avec du matériel neuf standardisé (chapiteaux et colonnes de mêmes dimensions), aurait subi des vicissitudes et aurait été réparée avec des matériaux de remploi. Nous pensons que la première église devait être de conception très voisine des premières basiliques romaines. Elle pourrait donc dater de l’an 450 avec un écart de 150 ans. Actuellement, les piliers monolithes sont reliés entre eux par des arcs en plein cintre outrepassé. Ce ne devait pas être le cas à l’origine : les piliers devaient être reliés par des linteaux en bois. Les arcs outrepassés ont dû être posés beaucoup plus tard (an 800 avec un écart de 150 ans).




Église Santa Eulália (images de 16 à 18)

Selon le site Internet toledo-turismo, « la paroisse fut fondée en l’an 559 sous le règne d’Atanagild. Elle est antérieure de trente ans à la conversion du règne wisigoth de Tolède au catholicisme par le roi Récarrède.

Pendant l’occupation musulmane, elle resta une paroisse chrétienne de rite wisigoth ou mozarabe… Malgré plusieurs remaniements elle conserve son plan primitif basilical, de trois nefs séparées par des arcs en fer à cheval inscrits en « alfiz », appuyés sur des paires de colonnes, quelques unes romaines avec un chapiteau wisigoth.

C’est aujourd’hui encore une paroisse mozarabe, où le culte de cette liturgie y est célébré le dimanche
. »

Notre opinion : Nous n’avons pas visité cette église et nous ne la connaissons que par des images extraites d’Internet. Avant d’avoir lu les commentaires ci-dessus et sur la seule vue des images d’Internet, nous avions estimé qu’elle datait de l’an 850 avec un écart de 150 ans. Les commentaires ci-dessus nous obligent à réviser notre position, même s’il est toujours possible qu’une première église construite dans la deuxième moitié du VIesiècle ait été détruite et remplacée par l’actuelle. Nous réactualisons notre estimation de datation : an 575 avec un écart de 150 ans.




Église San Andrés (images de 19 à 21)

Le site Internet toledo-turismo ne nous apprend pas grand-chose sur cette église : « C’est un des temples les plus intéressants de Tolède puisqu’il réunit des éléments d’époques très variées tel qu’un pilastre wisigoth et une chapelle en faux marbre du XVIIIesiècle, les siècles intermédiaires laissant éventuellement leur empreinte. »

Notre opinion : l'image 19 est celle d’une église à plan basilical : nef à 3 vaisseaux, le vaisseau central est porté par des colonnes. Le modèle est inspiré des basiliques romaines. Sauf qu’ici l’inspiration est très probablement tardive. En effet, les colonnes galbées toutes identiques, les chapiteaux de formes simples, font penser à une œuvre baroque du XVIIesiècle. Cette église daterait-elle de la même époque ? Probablement pas ! Sur l'image 21, on peut voir en avant-plan les piliers baroques précédemment décrits. Mais en arrière-plan les arcs outrepassés semblent nettement plus anciens, de style mozarabe ou mudéjar. Datation envisagée : an 1100 avec un écart estimé de 100 ans.




Église San Lucas (images de 22 à 24)

Les divers sites Internet se contredisent sur cette église. Pour certains, la paroisse daterait du VIIe siècle alors que pour d’autres l’église daterait du XII ème siècle.

Notre opinion : Il est certes possible qu’il y ait eu une première église au VIIe siècle et qu’elle ait été remplacée par l’église romane du XIIe siècle. Cependant, les images 23 et 24 ne sont pas celles d’une église romane, mais l’apparentent à une église mozarabe comme celles vues en Castille-León. Remarque : cette église est dite aussi « mozarabe », mais cela viendrait du fait qu’on y pratique un culte chrétien de rite mozarabe et non à cause de son architecture.




Église San Vicente (images de 25 à 30)

Selon la page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église, « elle apparaît en tant que paroisse déjà en 1125. Un document affirme qu’elle a été fondée par Alphonse VI peu après la conquête. Le bâtiment actuel est le résultat de plusieurs reconstructions successives, de transformations et d’additions. Ainsi le plus ancien élément conservé est l’abside qui, de par sa structure, ne semble pas antérieure au XIIIesiècle

Notre opinion : Nous estimons que la nef, de type basilical à trois vaisseaux s’apparente à des nefs comme celle de Saint-Michel de Castelnaud-Pégayrolles (Aveyron /Occitanie /France), dont le vaisseau central est porté par des piliers rectangulaires de type R0000. Les arcs sont portés par des impostes à saillie vers l’intrados de la courbe. Nous estimons que ces églises sont antérieures aux églises romanes qui on privilégié le voûtement des nefs. Datation estimée pour la nef : an 850 avec un écart de 150 ans.

Par ailleurs, nous pensons que l’abside n’est pas l’élément le plus ancien. Il semble logique d’envisager que le sanctuaire, qui est l’élément le plus important de l’église, est le premier à être construit. Mais le sanctuaire est aussi la première partie d’une église, partie qui sera remplacée par une partie plus grande et plus belle que l’ancien sanctuaire. C’est ce qui a dû se passer pour le chevet de San Vicente que nous estimons dater de l’an 1150 avec un écart de plus de 50 ans.




Église Santa María la Blanca (ancienne synagogue) : images de 31 à 33

Cette église ne date probablement pas du premier millénaire. Si nous en parlons, c’est parce qu’il constitue un excellent contre-exemple de datation, mais nous aurions plutôt tendance à parler d’exemple de contre-datation. Mais venons en au fait : la page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice nous apprend : « La synagogue Santa María la Blanca à Tolède a été construite en 1180 comme l’atteste une date inscrite sur une poutre ». Puis plus loin « En 1260, la communauté juive d’Espagne obtint l’autorisation exceptionnelle d’Alphonse X de reconstruire ce qui serait « la plus grande et la plus belle » synagogue d’Espagne. »

Il est manifeste que cette argumentation s’appuie sur des documents discordants. Que peut-on en déduire ? Que dans l’attente d’une explication des contradictions, aucune des deux dates ne doit être retenue. Mais nous allons plus loin encore en affirmant que si une seule des deux phrases avait été conservée, elle serait devenue pour tous l’expression de la vérité. C’est en tout cas ce que nous avons rencontré à de nombreuses reprises.




Conclusions

Nous pensons que l’importance des églises de Tolède a été nettement sous-estimée. La plupart des auteurs affirment que ces églises ont été construites après la conquête de Tolède par le roi de Castille en 1085. Selon ces auteurs, les monuments auraient été édifiés par des maçons dits « mudéjars » venus d’Andalousie. Cette idée a été probablement lancée pour expliquer la forme « arabe » des arcs outrepassés.

Nous estimons que la plupart de ces églises sont nettement antérieures à la Reconquista. Ce sont des églises mozarabes analogues à celles vues en Castille-Léon (San Cebrián de Mazote, San Juan de Baños, Santa María de Wamba).

Il existe très probablement des églises aussi anciennes à Tolède, dans sa périphérie, et plus généralement en Castille la Mancha.