Notes sur certaines églises de Haute-Garonne 

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Cette page contient des notes sur 6 monuments de Haute-Garonne susceptibles de dater du Premier Millénaire :

•  Benque-Dessous : Église paroissiale     •  Benque-Dessus: Chapelle      •  Saccourvielle : Église paroissiale     
•  Saint-Paul-d'Oueil : Église paroissiale      •  Saint-Plancard : chapelle Saint-Jean-des-Vignes      • Valentine : église du site d’Arnesp

Nous sommes surpris de découvrir qu’il existe dans le département de Haute-Garonne si peu de monuments susceptibles de remonter au Premier Millénaire de notre ère. Certes, il faut ajouter à ces six monuments les six autres qui ont fait l’objet d’une page spéciale et pour lesquels l’attribution au Premier Millénaire est presque sûre (Saint-Aventin, Saint-Béat, la basilique et la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges, Saint-Just de Valcabrère, Saint-Sernin de Toulouse). Certes, des monuments comme Saint-Pierre-des-Cuisines à Toulouse ne sont pas cités par suite de l’absence de documentation, mais il faut avouer que le nombre de 13 monuments fait piètre figure par rapport aux 24 de l’Aude, aux 22 de la Lozère et aux 37 du Gard. Et nous n’avons pas encore abordé l’Hérault.

Il faut dire que nous trouverons la même pénurie dans d’autres départements comme le Gers ou le Tarn. D’où vient cette pénurie? Il y a là une véritable question à laquelle une étude encore plus globale que celle que nous faisons pourrait peut être répondre.


Par ailleurs le lecteur pourra être surpris de la relative faiblesse des arguments que nous développons concernant l’ancienneté de ces églises. Cela tient au fait que toutes celles que nous avons pu visiter sont totalement dépourvues d’ornementation sculptée autre que des linteaux ou des fonts baptismaux pouvant provenir d’un autre bâtiment. Cette absence de sculptures pourrait être en fait un signe de plus grande ancienneté. En effet, on constate que partout l’ornementation picturale a été privilégiée. A l’intérieur les murs étaient couverts de fresques. Et dans le cas de Saint-Plancard, ces fresques sont d’époque romane. Pour les autres les fresques sont plus récentes. Mais cela ne signifie pas que les murs sont récents car l’ensemble de la décoration murale a pu être repris lors d’une réfection architecturale comme la pose d’une voûte.



Benque-Dessous

Un peu comme pour les chapelles rurales à chevet carré du Bas-Languedoc, ces églises témoignent d’une pauvreté de moyens. Ainsi la voûte qui couvre l ‘église de Benque- Dessous est faite de planches (image 3).

Le tympan du portail est décoré d’une figure incisée qui semble être un chrisme inscrit dans un cercle (image 4).

Sur le bénitier qui devait être primitivement utilisé comme font baptismal, on note la présence d’une rouelle, d’une croix pattée (image 5) et de deux rosaces à 4 pétales (image 6). Il faut bien comprendre que cette association de signes symboliques, même rudimentaires, n’a rien d’artificiel ; l’ensemble a valeur de symbole. Mais lequel ? Comparer ce bénitier avec celui de Saint-Aventin situé à quelques kilomètres de là.


Benque-Dessus

Concernant l’église de Benque-Dessus, la preuve d’une ancienneté antérieure à l’an 1000 est tout aussi difficile à apporter. Les indices sont les suivants : absence d’ouvertures dans le chevet, appareil régulier à la base de ce chevet (image 9), présence de fresques à l’intérieur (belles fresques d’époque gothique non représentées ici) et linteau de fenêtre (image 8). Ce dernier représente la traditionnelle scène des « oiseaux au canthare », héritée de l’antiquité. Sauf qu’ici il n’y a pas de canthare mais une croix grecque à branches droites et égales. La forme du linteau, la présence des oiseaux, militent pour une date inférieure à l’an 1000. Le fait que la croix ne soit pas à branches évasées comme les croix pattées wisigothiques milite pour une datation postérieure à 800 (fin de la période wisigothique ou de culte arien).


Saccourvielle

L’église de Saccourvielle était fermée au moment de notre passage. Nous n’avons pu qu’admirer son beau clocher (image 10). Ce clocher est dit « à arcatures lombardes ». Nous estimons que la période des « arcatures lombardes » est comprise entre le Xeet le XIIesiècle (voir à ce sujet la page sur Saint-Guilhem-le-Désert, prochainement sur ce site). Nous estimons aussi qu’il existe une chronologie dans la construction des bâtiments : on construit l’église d’abord puis le clocher. Et non l’inverse. En conséquence l’église voisine du clocher pourrait dater du Premier Millénaire.



Saint-Paul-d’Oueil

Il n’a pas été aussi possible de visiter l’intérieur de l’église Saint-Symphorien de Saint- Paul-d’Oueil qui présenterait les mêmes caractéristiques que celles décrites précédemment tout en étant de dimensions plus importantes (image 11). Un bénitier de mêmes caractéristiques que ceux de Benque-Dessous et de Saint-Aventin y serait déposé. Il serait décoré d’un motif d’arcatures en fer à cheval (arcs outrepassés ?) qu’il serait intéressant d’étudier pour une meilleure datation de ce type de décor ou de bénitiers.

Le tympan du portail (image 13) est à comparer à celui des Saint-Béat. Il s’agit d’un tympan du type linteau-tympan, un linteau en demi-disque faisant office de tympan. Nous pensons qu’il a précédé le système linteau+portail utilisé pour des portails de plus grande dimension. Sa datation se situerait, sous toutes réserves, aux alentours de l’an 1000.

La clé de l’arc protégeant le portail (image 14) a été retaillée dans une pierre provenant d’une stèle (ou cippe) funéraire. Selon l’auteur du livre « Pyrénées Romanes », ce cippe serait gallo-romain. Ce qui sans doute signifierait dans l’esprit de l’auteur une datation du IVe, voire Vesiècle. Nous avançons, sans toutefois apporter de preuve, une datation un peu plus tardive du VIeou VIIesiècle. Toutefois, le cippe en question pourrait bien être « gallo-romain », la période gallo-romaine ayant duré en Comminges au moins jusqu’à la conquête franque de la fin du VIesiècle.

Les dessins géométriques de ce cippe sont comparables à ceux de celui de Saint-Plancard (image 15).


Saint-Plancard

La chapelle Saint-Jean-des-Vignes de Saint-Plancard était fermée au moment de notre passage. Nous n’avons pu voir le cippe de l'image 15 .

L’église (images 16, 17 et 18), bien connue par ses fresques romanes, est aussi remarquable par ses deux absides opposées. La formule consistant à opposer deux absides, l’une à l’Est, l’autre à l’Ouest existe à l’Est de la France (Besançon, Verdun) et surtout en Allemagne. Il est exceptionnel de la trouver ici. On ne sait pour quelles raisons il a été décidé de construire une contre-abside à l’Ouest. Peut-être cela est-il dû à l’existence d’un campement franc à proximité ?


Le plan de la chapelle Saint-Jean-des-Vignes (image 19) fait apparaître la complexité de l’évolution des constructions.



Valentine (site d’Arnesp)

Dans son ouvrage “Christianisation et peuplement des campagnes entre Garonne et Pyrénées du IVe au XIesiècle“, Marie- Geneviève Colin a fait un travail très sérieux et très approfondi d’investigation à partir principalement de trois sites archéologiques situés entre Garonne et Pyrénées : le site d’Arnesp à Valentine (Haute-Garonne), la villa de Géou à Labastide-d’Armagnac (Landes) et le lieu-dit de Saint-Girons à Maubourguet (Hautes-Pyrénées). Elle s’est efforcée de comparer les plans des édifices fouillés à ceux d’églises wisigothiques d’Espagne. Ses conclusions nous ont été fort utiles dans nos propres recherches.

Le plan de l’église du site d’Arnesp à Valentine (image 20) nous montre une église à nef unique dotée d’un transept sur lequel sont greffées trois absides à plan carré. Une pièce rectangulaire allongée est accolée au mur nord de la nef. Ce plan a de quoi surprendre. Néanmoins on peut effectuer des rapprochements, non seulement avec les églises d’Espagne déjà citées, mais avec d’autres églises de la région comme la Cathédrale de Saint-Lizier ou Saint-Just de Valcabrère que nous devons traiter prochainement ou Saint- Plancard ou nous proposons un très malhabile schéma interprétatif (image 21).



Conclusion

Nous sommes conscients du petit nombre d’informations que nous apportons sur ces 6 édifices (ou vestiges d’édifices). Tout au plus ce que nous pouvons dire c’est que les restes sculptés sont datés du Premier Millénaire et que les monuments situés sur ou à côté de ces restes ont été très sûrement fondés au Premier Millénaire. Mais cela ne signifie pas qu’ils soient eux aussi datés du Premier Millénaire, certains ayant pu être entièrement remplacés par des édifices plus récents. Quant à la datation à l’intérieur du Premier Millénaire, elle est encore plus aléatoire.