Goslar : la Marktkirche  

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La présente page est la première des quatre pages que nous consacrons aux monuments de la ville de Goslar. Nous y étudions la Marktkirche, l’église de la place du marché de Goslar, qui serait dédiée aux saints Côme et Damien. Nous avons peu de renseignements sur cet édifice, que les guides touristiques attribuent au XIIesiècle. Néanmoins, il nous est apparu digne d’intérêt et susceptible d’être nettement antérieur à la date qui nous était proposée.


Le gros inconvénient des églises allemandes, c’est qu’elles sont souvent recouvertes d’une couche de crépi ou de badigeon qui empêche toute analyse des transformations. Concernant la Marktkirche, les pierres sont apparentes. En conséquence, la lecture est un peu plus aisée. On pourra donc essayer d’interpréter l’architecture de cette église en fonction de ce que nous avons déjà observé dans le Sud de la France. Il faut cependant noter que la transposition peut ne pas être intégrale.

La façade Ouest (image 1) apparaît bicolore. Ceci est dû au matériau employé. L'étage supérieur, d’époque gothique, est constitué de pierres aux tons ocre. L’étage inférieur quant à lui, plus terne, est constitué de pierres aux divers tons de gris. Cet étage inférieur semble nettement plus ancien. Il est surmonté d’une frise à arcatures lombardes (images 2 et 3). La technique de construction (de grands pilastres constitués d’un appareil régulier encadrant de grands panneaux en appareil plus irrégulier) fait penser à ce qu’on voit dans le Sud de la France, concernant ce que nous appelons le premier style des architectures lombardes, estimé antérieur (au moins en ce qui concerne la France) à l’an mille.


On peut voir sur l'image 4, représentant le côté Sud de la nef, que l’on se trouve en présence d’une nef à trois vaisseaux. Les murs des collatéraux sont percés de fenêtres en arc brisé. Cela ne signifie pas que ce mur est forcément gothique : il a pu y avoir élargissement de fenêtres romanes. Concernant le mur gouttereau du vaisseau central, on voit des fenêtres surmontées de grandes arcades en plein cintre. Ce ne sont sans doute pas les fenêtres primitives. En effet on constate que, sur les murs du transept, à droite les fenêtres coupent l’arcature lombarde.

Sur l'image 5, on repère, à gauche, le transept, sur lequel est greffée une absidiole, puis un avant-chœur à plan rectangulaire, et, dans le prolongement de cet avant-chœur, le chœur gothique. La contour de la frise, en arcatures lombardes, permet de comprendre l’évolution du bâtiment. Cette frise devait faire partie de l’édifice roman. Ses interruptions font apparaître les diverses modifications (rehaussement de l’absidiole, allongement des fenêtres vers le bas. Mais pas vers le haut : l’arc en plein cintre des fenêtres au-dessus de l’absidiole a été conservé, les fenêtres ayant été remplacées par des oculi).


Les images 6, 7, 8 et 9 ci-dessus nous révèlent l’intérieur de la nef. La nef primitive devait être constituée de trois vaisseaux charpentés. Le voûtement est nettement postérieur. Il a été effectué à l’époque gothique (XIVesiècle ?). Pour réaliser ce voûtement, les maçons ont plaqué des faisceaux de trois colonnettes contre les piliers, pour un pilier sur deux, et installé au-dessus les ogives d’une croisée d’ogives (remarque : les voûtes de la croisée empiètent légèrement sur les fenêtres. On en conclut que les voûtes sont postérieures aux fenêtres). Primitivement, tous les piliers devaient être identiques à l’image de celui de gauche de l'image 9. Avec une légère différence cependant. Tous les piliers devaient être à section strictement rectangulaire. Ce devait donc être le cas du pilier de gauche de l'image 9. Mais, sans doute pour des raisons d’esthétique, les angles ont été retravaillés en forme de colonnettes (actuellement repeintes en rouge) et de petits chapiteaux.

Ce que nous allons dire peut paraître présomptueux, mais nous pensons que la construction de cette église s’est effectuée en plusieurs temps : lors d’une première étape de construction, l’église devait être semblable à notre modèle de référence, l’église Sainte-Madeleine de Béziers, que nous datons des alentours de l’an 500 avec un écart estimé d’au moins un demi-siècle. Lors d’une deuxième étape, peu avant l’an mille, il y aurait eu construction du transept et du premier étage de l’ouvrage Ouest. Puis il y aurait eu une troisième étape d’agrandissement des fenêtres. Et enfin, au XIVesiècle et au XVesiècle, on aurait assisté aux dernières modifications : construction de l’étage supérieur de l’ouvrage Ouest, voûtement des nefs, en croisées d’ogives, reconstruction du chœur.


Ajout le 22 décembre 2022

Nous avons effectué une visite rapide de cette église en octobre 2006, c'est-à-dite 10 ans avant la création de l'actuel site Internet. Les commentaires ci-dessus ont été rédigés peu après cette création, dans le courant de l'année 2016.

À ce moment-là, nous n'avions pas encore élaboré les méthodes d'analyse des bâtiments que nous appliquons aujourd'hui. De plus, nous pouvons profiter aujourd'hui de certaines innovations techniques ou informatiques qui, à l'époque, n'étaient que peu répandues (imagerie par satellite, géolocalisation, cartes interactives, galeries d'images d'Internet, etc).

Il est donc possible, à présent, de revenir sur l'étude de ce monument.

La plupart des images de cette page ont été saisies lors de la visite initiale.


La page du site Internet Wikipedia dédiée à ce monument nous apprend ceci :

« L’église est une basilique cruciforme à piliers romans et a été mentionnée pour la première fois en 1151. Il est possible que la partie centrale du bâtiment remonte au Xe siècle. Caractéristique de l’église sont les deux tours différentes. À l’origine, les deux tours étaient identiques, mais la tour nord a brûlé en 1589 et a ensuite été reconstruite avec une lanterne ouverte. Avec une hauteur de 65,40 mètres, la tour sud est légèrement plus petite que la tour nord (66 mètres). Jusqu’en 1904, la tour nord sert de vigie pour détecter les incendies dans la ville et ses environs à un stade précoce. ».

En fait, cette information complémentaire ne nous apprend pas grand-chose de plus. Nous avons ajouté quelques images : une vue par satellite de l'édifice (image 10) ainsi que des vues détaillées des façades permettant de deviner certaines transformations.

Nous rectifions quelque peu la datation que nous avions proposée pour l'édifice d'origine. Nous avions proposé l'an 500 avec un écart de 50 ans. Nous rectifions ainsi : an 650 avec un écart de 150 ans.