L’église San Miguel de Lillo sur le mont Naranco 

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Cette église est isolée en pleine nature, à environ 300 mètres de Santa María del Naranco. Voici ce qu’en dit la page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice :

« Construite vers 848 sous le roi Ramiro Ier (842-850) par Maître Tioda, architecte, appelé « El Maestro de Naranco », du nom de la colline… Probablement, selon la Chronique d’Albelda, ce monarque la fit construire en même temps que son palais, ayant ainsi comme fonction d’église palatine… Elle était consacrée à Sainte Marie et Saint Michel… »


Le site Internet ne nous apprend pas grand chose de plus, hormis sur les sculptures dont nous aurons l’occasion de reparler.

Nous-mêmes avons eu quelques difficultés à en savoir davantage. D’une part, il était interdit de photographier l’intérieur à cause des fresques qui s’y trouvent et qui doivent être protégées de toute agression par les flashs. D’autre part, notre guide semblait très bien documentée et nous a fait apparaître des détails intéressants, mais nos connaissances en espagnol sont plus que limitées et nous n’avons à peu près rien compris de ses explications.

Cependant, ce que nous avons vu nous autorise à émettre de sérieux doutes concernant les affirmations précédentes développées sur le site Internet Wikipedia.


En effet, selon ces affirmations, cet édifice serait contemporain de Santa María de Naranco. Dans la page précédente, nous avons étudié cet édifice et avons estimé qu’il avait été construit en une seule étape de travaux. Cet édifice présente des éléments très caractéristiques : à l’étage inférieur, larges baies surmontées d’un arc décoré de rainures; à l’étage supérieur, baies triples, colonnes « torsadées », chapiteaux à feuilles dressées, chapiteaux prismatiques « habités », bas-reliefs discoïdaux à animaux, bas–reliefs rectangulaires à animaux, bas-reliefs à croix pattées, voûte en berceau plein cintre sur doubleaux, contreforts « rainurés ». Nous estimons que Sainte Marie de Naranco, construite en un seul jet, doit obligatoirement définir un style. Ceci signifie que tout édifice contemporain à Sainte Marie de Naranco doit présenter les mêmes éléments caractéristiques. Surtout s’il est situé à 300 mètres de là ! Bien sûr, il n’est pas nécessaire que tous les éléments caractéristiques de Santa Maria de Naranco soient présents à San Miguel de Lillo, mais il en faudrait au moins 50% pour en déduire que les édifices sont contemporains. Or nous n’avons repéré qu’une similitude au niveau des contreforts qui sont identiques (image 6). Par contre, les fenêtres basses de San Miguel, étroites et couvertes d’un linteau monolithe (image 5), sont différentes de celles de Santa María, qui elles, étaient du même style que les contreforts.

Inversement, certains traits caractéristiques de San Miguel ne se retrouvent pas à Santa María : claustras (images 3, 7, 9), bases de colonnes (image 18), décoration élaborée d’un arc (image 17), chapiteaux analogues à celui de l'image 16, décor incisé des jambages de la porte Ouest (images 19 et suivantes ).

Selon nous, ces édifices ne peuvent être contemporains et nous estimons même, au vu des différences, que plus d’une centaine d’années sépare l’édification des deux bâtiments.


Nous pensons de plus que, autant Santa María a subi peu de changements, l’église San Miguel de Lillo a été modifiée à plusieurs reprises. Sur le plan de l'image 13, on voit qu’il ne reste qu’un peu plus d’un tiers de l’édifice primitif. Si on nomme chacune des travées à partir de l’Ouest, il reste la totalité des travées 1 et 2 et la partie centrale de la travée 3. Seule la travée 2 est identique aux travées disparues 3, 4 et 5. La travée 6, aussi disparue, correspond au chevet. L’église primitive était à plan basilical, à nef à trois vaisseaux, le vaisseau central étant porté par des colonnes cylindriques. Il faut reconnaître que ce n’est pas très visible sur l'image 14. La colonne (demi-)cylindrique avec sa base et son chapiteau est bien apparente sur l'image 15. Au niveau du chapiteau et côté vaisseau central, une autre colonne, de plus petites dimensions, porte, par l’intermédiaire d’un chapiteau, un doubleau soutenant la voûte en plein cintre. Nous pensons que cette deuxième colonne plus petite ainsi qu’une autre vue sur l'image 14 sont des ajouts ultérieurs. La nef primitive n’était peut-être pas voûtée, mais charpentée.


Il reste à étudier les jambages du portail Ouest (images 19 à 24). Toujours selon Wikipedia : « Très remarquable est la décoration sculptée ; spécialement celle des jambages de la porte d’entrée, probablement inspirée d’un diptyque consulaire byzantin du VIesiècle, appartenant au consul Aerobindus qui est conservé au musée de Léningrad. Il présente des scènes de cirque avec un saltimbanque faisant des acrobaties et un lion et un dompteur de lions… ». Nous n’avons pas eu l’occasion de voir ce diptyque byzantin et nous ne sommes pas en mesure de savoir si ces jambages s’en inspirent. Il faut remarquer que l’auteur ne décrit que la scène centrale de chacun des deux jambages. Sur ceux-ci, il existe d’autres scènes qui n’ont rien à voir à celles d’un cirque et on peut se demander ce que vient faire un cirque dans une église. Il semblerait que ces représentations trahissent un symbole qui nous échappe.



Datation

Nous pensons que l’église primitive était constituée d’une nef à 3 vaisseaux charpentés, le vaisseau central étant porté par des colonnes cylindriques. Il ne resterait de cette église que la travée 2, elle même profondément modifiée. Datation : an 400 avec un écart de 100 ans.

Plus tard, un narthex aurait été aménagé dans la travée 1. La porte d’accès à cet étage est surmontée d’un décor de rosaces et de rouelles d’inspiration barbare (image 17). Datation : an 500 avec un écart de 100 ans.

Plus tard encore, il y aurait eu un essai de voûtement de chacun des vaisseaux (image 11) : utilisation de briques pour fabriquer des doubleaux.