Loupian : l'église paléochrétienne et l’église Saint-Hippolyte
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Le village de Loupian, près de Mèze, détient plusieurs
témoignages très intéressants de l’époque antique ou du
Moyen-Âge.
Il y a d’abord, en bordure de la départementale, jouxtant
l’église paléochrétienne, l’église Sainte-Cécile. Il s’agit
d’une église gothique. Nous ne la décrirons pas car elle ne
correspond pas aux critères que nous avons établis.
Nous étudierons dans la page suivante un édifice civil
romain : la villa gallo-romaine, décorée d’un ensemble de
mosaïques parmi les plus riches de France, et datée du
Premier Millénaire.
Il reste à étudier dans la présente page deux édifices :
l’église paléochrétienne et l’église Saint-Hippolyte.
L’église paléochrétienne de Loupian
Les restes de cette église bordent la route départementale
menant au village de Loupian (images
1, 2, 3, 4 et plan en image
5). Elle est orientée Est-Ouest. Elle est surtout
intéressante par son plan qui est typiquement paléochrétien.
C’est-à-dire des débuts de l’ère chrétienne. Ce plan
présente les caractéristiques suivantes : la nef est à un
seul vaisseau. Elle est prolongée par une abside
semi-circulaire séparée de la nef par un muret. De part et
d’autre de la nef, on trouve une série de salles
rectangulaires communiquant entre elles, mais ne
communiquant pas avec la nef. Mais le plus remarquable est
que le tout est enserré dans un vaste plan rectangulaire. Il
est fort probable que, primitivement, l’abside n’était pas
visible de l’extérieur. Le chœur devait être réservé aux
célébrants, la nef aux fidèles, et les pièces parallèles à
la nef, aux catéchumènes. On retrouve cette disposition dans
des édifices supposés très anciens, dans des régions parfois
très éloignées de Loupian comme la Géorgie ou l’Arménie -
des églises possédant des galeries extérieures contournant
la nef sur trois côtés : Nord, Ouest, Sud. Nous pensons que
ce type d’édifice pourrait être contemporain, voire même
antérieur à la grande réforme imposée par Constantin et
accordant la liberté au Culte Chrétien. Il est plus que
probable que lorsque Constantin a imposé sa réforme dans la
première moitié du IVesiècle, le christianisme
était déjà triomphant sans être pour autant ostentatoire. Ce
type d’église correspond bien à cette état d’esprit : on
montre sa puissance sans en faire l’étalage, sans faire
apparaître des signes extérieurs d’appartenance à une
religion. En conséquence, ce type d’église pourrait dater du
IIIesiècle durant la grande période de
persécution des chrétiens. On sait à présent que durant
toute cette période les persécutions n’ont pas été
continues, mais épisodiques, avec de très grandes
différences d’intensité suivant les régions. Cet édifice
pourrait être aussi plus tardif (IVe, voire début
du Vesiècle), car le modèle créé au IIeou
IIIesiècle a pu perdurer pendant plusieurs
siècles.
Le plan de l'image 6 est
un plan extrait de l’ouvrage cité en référence (image
24). Il s’agit de la commune de Roujan. On y voit
dans la partie bleue le village où sont repérés des vestiges
«barbares » et, dans la partie rouge, la localisation de
vestiges gallo-romains ou de l’antiquité tardive. D’un côté
on voit un habitat concentré, de l’autre, un habitat
dispersé, distinct du premier. Nous pensons que ce plan doit
être intéressant pour comprendre la question de l’habitat au
Premier Millénaire. En effet, durant cette époque les
grandes villes devaient être autonomes : elles s’entouraient
de remparts. Mais, pour défendre leur territoire, elle
devaient s’entourer de mercenaires ou de barbares. Ceux-ci
s’installaient dans un camp situé à côté de la ville. Si
bien que chaque grande ville devait être constituée de deux
villes : la ville d’origine et le camp barbare. Dans le cas
de Loupian, la communauté villageoise devait être trop
faible ou trop dispersée pour s’entourer de fortifications.
Elle a néanmoins continué à subsister durant le Premier
Millénaire. Le camp barbare quant à lui s’est fortifié.
C’est devenu le village de Loupian.
L’église
Saint-Hippolyte
Le chevet ainsi que le mur Nord (images
7 et 8) ne révèlent rien d’extraordinaire. Par
contre, l'image 9 fait
apparaître un portail décoré d’un très bel arc outrepassé.
Sur ce portail (image
12), l’arc extérieur formé de quatre rangées de
voussures et outrepassé serait antérieur à l’arc intérieur
décoré de petits cylindres transversaux. Nous sommes
toujours à la recherche d’une datation des arcs outrepassés,
rares dans le Midi Languedocien. Au moment de notre visite,
nous avons négligé de photographier les chapiteaux soutenant
l’arc ce qui aurait pu contribuer à une telle datation.
L’imposte (image 11)
soutenant l’arc au-dessus du porche est à entrelacs. Des
entrelacs dits « carolingiens » , caractéristiques du
Premier Millénaire. Remarquons de plus que le mur de gauche
enveloppe cette imposte.
Venons à présent à l’intérieur de
l’édifice. Ce qui frappe surtout c’est, au fond de la nef
l’abside , dont la voûte, en cul-de-four, est portée par des
croisées d’ogives (image
14 et image 15).
L’effet est surprenant. Il s’agit là d’une construction très
archaïque : la tentative de construire une surface en quart
de sphère en la posant sur des cordons demi-circulaires.
Nous ne connaissons pas d’autre église où ce genre de
construction a été réalisé. Il est possible que ce genre de
voûtement soit d’inspiration arabe ou plutôt hispano-arabe.
Il existe bien une voûte s’appuyant sur des cercles sécants,
à l’Hôpital Saint-Blaise dans les Pyrénées Atlantiques, mais
il s’agit d’une coupole. Et les cercles sécants sont tous
réguliers de même diamètre. Dans ce cas aussi on parle d’une
influence arabe.
Lorsque nous avons visité cette église en septembre 2002,
nous n’envisagions pas de faire une étude sur les édifices
du Premier Millénaire et nous n’avions pas défini les
méthodes d’approche. Aussi certains détails nous ont échappé
; il semblerait néanmoins que les chapiteaux de l’abside qui
portent les ogives soient postérieurs à la corniche qui les
surplombe et passe au niveau de leurs tailloirs. Ceci
signifierait que, primitivement, cette abside pentagonale
n’était pas voûtée en cul-de-four. Ou du moins, pas voûtée
avec le type de voûte que l’on a actuellement La corniche
que l’on n’a pas songé à photographier serait donc plus
ancienne que les chapiteaux.
Ces chapiteaux sont inusités : tête de
taureau, têtes humaines grimaçantes (image
16), grandes feuilles d’eau (image
17), feuilles d’eau et sortes de marguerites (image 18). On voit sur
la même image que la corniche et le tailloir ne se
correspondent pas. Ce qui confirmerait l’hypothèse
ci-dessus.
Ces chapiteaux datent-ils du Premier Millénaire ? C’est
difficile à estimer : la feuille d’eau serait
caractéristique du Premier Millénaire, mais cela reste à
prouver. Un élément un peu plus probant : le chapiteau de
gauche de l'image 17 représente
l’image des « oiseaux s’abreuvant au vase de vie » très
caractéristique de la période antérieure à l’an 1000, mais
moins fréquente après. Notons aussi que ce chapiteau est
surmonté d’un tailloir à billettes caractéristiques du
Premier Millénaire.
Le chapiteau de l'image
19 serait lui aussi ancien par son iconographie
mystérieuse, la représentation de personnages portant des
robes évasées (des kilts ?) et aussi par le fait que le bas
du chapiteau, l’astragale, a la même forme cylindrique que
la colonne qui le supporte. On a déjà vu la même anomalie en
Alsace, à Lautenbach.
On a déjà vu aussi sur certains reliefs attribués au Premier
Millénaire l’image d’un quadrupède présenté verticalement.
Celui de l'image 20 semble
officier sur une sorte d’autel triangulaire reposant sur sa
pointe.
Sur la bande supérieure du tailloir de l'image
21, on peut voir des entrelacs réguliers du type «
entrelacs carolingiens » .
On peut voir d’autres entrelacs sur l'image 22, mais cette
fois-ci ils sont sur la corniche. Le chapiteau quant à lui
est à entrelacs de feuillages mais la facture est trop
fruste pour permettre des comparaisons.
On retrouve sur l'image 23
le chapiteau de l'image
20. La scène est tout aussi énigmatique. Sauf
qu’ici les quadrupèdes semblent avoir davantage figure
humaine. Une figure qui pourrait être recouverte par une
sorte de capuche. Ce que nous avions cru être un autel
auparavant s’apparenterait plutôt à un soufflet de forge qui
serait donc actionné par deux humains ou deux hybrides.
Conclusion
L’église Saint-Hippolyte apparaît donc comme bien
mystérieuse. Elle devrait faire l’objet d’une étude plus
approfondie que celle-ci. Son appartenance au Premier
Millénaire est presque sûre mais, actuellement, il nous est
impossible de préciser la datation car elle ne s’apparente à
aucune autre église de la région.