La basilique Saint-Andoche de Saulieu
Première étude de février 2019
Sur cette église Saint-Andoche de
Saulieu, voici ce qu’en dit la page qui lui est conscrée sur
le site Internet Wkipedia : «
Église de style roman construite vers 1130-1140.
Le visiteur qui aborde la basilique Saint-Andoche dans la
jolie petite ville de Saulieu, aux portes du Morvan et de
l’Auxois, ne s’aperçoit pas de l’extérieur qu’il se trouve
devant une église comptant parmi les plus importantes de
la Bourgogne. Cette basilique se trouve sur l’emplacement
d’un lieu de culte très ancien, qui s’est développé au
moins depuis le Ve siècle sur le tombeau des
saints Andoche, Thyrse et Félix, martyrs du IIe
siècle, venus de l'Orient pour évangéliser la région.
D’une grande église carolingienne, subsistent toujours les
vestiges de la crypte. L’église, érigée par Étienne de
Bagé dans la première moitié du XIIe siècle, a
été largement défigurée au cours des siècles suivants. De
cette basilique romane, probablement légèrement
postérieure à Vézelay et à Autun , il ne nous reste que la
nef qui montre une structure clunisienne avec ses trois
étages sous berceau brisé et son triforium aveugle, ainsi
que les clochers restaurés de la façade. La nef est d’une
architecture sobre mais très élégante et harmonieuse, et
directement influencée par la cathédrale d’Autun.
L’édifice est mutilé et partiellement détruit par les
outrages du temps; le chœur et le transept de l’église
romane n’existent plus et sont remplacés au début du XVIII
e siècle par le chœur actuel tandis que le portail
Ouest a été refait au XIXe siècle. Mais c’est
la collection de chapiteaux de la nef qui est à juste
titre la merveille de Saulieu. La cinquantaine de
chapiteaux des colonnes engagées, d’une qualité et d’une
abondance grandiose, est souvent comparée aux chapiteaux
d’Autun où on retrouve plusieurs fois le même thème.
Motifs végétaux, animaux et plusieurs scènes bibliques
montrent un art très expressif, issu de Cluny et arrivé
par Autun et Vézelay à Saulieu, où cet art atteint la
perfection. Le problème de la datation des deux ensembles
de chapiteaux d’Autun et de Saulieu n’est pas facilement
résolu, mais souvent les spécialistes s’accordent sur la
qualité supérieure des chapiteaux de Saulieu. À Saulieu,
vous pourrez ensuite visiter le Musée Pompon, où vous
verrez quelques fragments provenant de la basilique, et
l’église Saint-Saturnin sur le cimetière, dont certaines
parties sont anciennes. »
Les indications de datation données
ci-dessus étant assez vagues et peu documentées nous avons
consulté le livre « Bourgogne
Romane » de la collection Zodiaque.
En voici quelques extraits : « ...
Dévastée par les Sarrasins qui, au milieu du VIIIesiècle,
ravagèrent le pays d’Autun, l’abbaye fut relevée et
restaurée grâce aux libéralités de l’empereur Charlemagne.
De ces temps, date peut-être une crypte, aujourd’hui
fâcheusement comblée, que l’on connaît par une série de
plans et de dessins brossés au
XIXesiècle, peu avant la restauration de la
basilique haute. Comme d’autres sanctuaires préromans de
la région bourguignonne, tels Saint-Benigne de Dijon,
Saint- Pierre de Flavigny, Saint-Germain d’Auxerre,
Saint-Pierre-le-Vif de Sens, cette église souterraine
comportait, à l’Orient du vaisseau principal, une rotonde
qu’il serait intéressant de dégager ... ». Nous
interrompons ce récit pour faire deux observations.
La première concerne la destruction de la ville de Saulieu
par des « Sarrasins
». Nous sommes surpris par le nombre important de récits
relatant des invasions par des Sarrasins au VIIIesiècle,
ou par des Normands aux IXeet Xesiècles.
Et à l’inverse, l’absence d’invasions par des Francs, des
Burgondes, des Lombards, des Goths. Ces derniers peuples
auraient-ils été extrêmement pacifistes ? Nous remarquons de
plus que les Sarrasins et les Normands auraient opéré leurs
raids très loin de leurs bases arrière, en Espagne pour les
premiers, dans les pays nordiques pour les seconds. Ces
observations jettent un doute sur l’identité réelle des
agresseurs. Si toutefois agression il y a eu.
Nous avons décrit dans les pages précédentes les cryptes de
Saint-Bénigne de Dijon et de Saint-Pierre de Flavigny. La
rotonde de Saint-Pierre de Flavigny est beaucoup moins
apparente que celle de Saint-Bénigne. Nous comptons décrire
les deux autres rotondes dans les pages consacrées au
département de l’Yonne.
Poursuivons la lecture de « Bourgogne
Romane » : «
... Quoi qu’aient pu écrire les historiens à la suite de
Courtépée (Note
: Claude Courtépée (1721-1781) est un abbé et un historien
bourguignon qui a rédigé une Description Générale et
particulière du Duché de Bourgogne en sept volumes
(1774-1785)), la chronologie de la réédification de
l’église actuelle au cours du XIIesiècle ne
peut être déterminée de façon précise. L’on se fonde sur
la consécration solennelle à laquelle procéda le 21
décembre 1119 le pape nouvellement élu, Calixte II ...
Courtépée, cependant, passe tout bonnement la consécration
des reliques sous silence et ne mentionne que la
translation des reliques de Saint-Andoche et de ses
compagnons ... »
Essayons de résumer un peu ce que nous
avons appris. D’une part, le site Internet nous dit que
cette église a été bâtie dans la première moitié du XIIesiècle.
Il est même précisé vers 1130-1140. D’autre part, le livre «
Bourgogne Romane » donne la date de consécration de
1119. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces deux
estimations ne sont pas tout à fait contradictoires. La
datation d’un édifice contemporain en fonction de son seul
style et indépendamment de tout document écrit peut varier
de plusieurs dizaines d’années.
Par contre, nous voyons une importante contradiction entre,
d’une part la date de 1119 pour l’achèvement de cette
église, et celle de certaines églises d’Auvergne. Ainsi par
exemple nous avons, en étudiant l’église Saint-Saturnin du
Puy-de-Dôme, vu l’estimation de datation suivante :
troisième quart du XIIesiècle. Soit l’intervalle
(1150-1175). Une telle datation serait éventuellement
conciliable avec l’estimation précédente de Saint-Andoche de
Saulieu (1130-1140) . Mais à condition que les styles soient
identiques. Ce qu’ils ne sont pas. Il suffit d’observer les
piliers et arcs entre piliers de chacune des deux églises,
susceptibles de provenir de l’église primitive. À
Saint-Saturnin, les arcs reliant les piliers sont en plein
cintre et simples. À Saulieu, ils sont brisés et doubles.
Nous estimons avec peu de chance d’être contredits que l’arc
en plein cintre dit « roman » précède de plusieurs dizaines
d’années l’arc brisé dit « gothique ». Et que l’arc simple
précède l’arc double. Donc, selon nous, et par sa seule
architecture, l’église de Saint-Saturnin est antérieure de
plus de 50 ans à Saint-Andoche de Saulieu. On aurait donc un
écart d’estimation de l’ordre du siècle. Donc beaucoup trop
important.
À remarquer que la comparaison des architectures peut
être complétée par une comparaison des œuvres sculptées. Et
là encore, l’église de Saint-Saturnin apparaît plus ancienne
que celle de Saulieu. À Saint-Saturnin, les chapiteaux, de
facture grossière et aux thèmes classiques de la période,
sont réellement romans. À Saulieu, la finesse d’exécution
des chapiteaux et l’apparition de thèmes de la Vie du Christ
(Pendaison de Judas, Fuite en Égypte), préfigurent la
période gothique.
Comment alors arriver à concilier les points de vue ? D’une
part, nous avons dit à Saint-Saturnin que la datation qui
nous était proposée devait être avancée d’au moins un
siècle. D’autre part, concernant Saint-Andoche de Saulieu,
nous estimons que la datation de 1119 est trop basse. Nous
savons qu’une date de consécration n’est pas forcément une
date de fin des travaux. Un déplacement de reliques peut
être l’occasion de consacrer l’autel où seront déposées les
reliques. Dans ce cas, on aurait d’abord consacré le chœur
et on aurait construit la nef après.
Datation envisagée
pour l’église Saint-Andoche de Saulieu : an 1125 avec un
écart de 25 ans.
Ajout de texte et
d'images le 3 février 2025
Nous avons à nouveau visité l'abbatiale de Saulieu en
septembre 2024. Nous avons pris soin de relire le texte
ci-dessus écrit 5 ans auparavant. Bien que ces 5 ans ont été
passés à découvrir et analyser beaucoup d'autres monuments,
nous ne changerons pas grand chose à ce qui a été écrit.
Tout au plus une insistance apportée à certaines
observations et l'ajout de quelques images oubliées lors de
la visite précédente.
Les images 19 et 20
de l'intérieur de la nef montrent l'existence de corniches
horizontales parcourant toute la largeur du mur : deux sur
l'image 19 et
trois sur l'image 20.
Ces corniches passent au-dessus des chapiteaux en
contournant les pilastres adossés aux piliers. On déduit de
ces dispositions que toute la construction a été faite en
une seule campagne de travaux. Supposons en effet que la
construction ait été faite en plusieurs étapes, par exemple
que la nef ait été préalablement charpentée et plus tard
voûtée. Pour construire les arcs doubleaux soutenant les
voûtes, on aurait été obligé d'adosser aux piliers les
colonnes demi-cylindriques que l'on voit actuellement. Mais
dans ce cas, on aurait été obligé de faire traverser les
corniches par les colonnes.
Image 21 : Plan de
l'église au XIIe siècle. On peut voir la forme
d'une abside disparue. Cette abside est en forme d'arc de
cercle. Mais pas de demi-cercle. Si on prolongeait cet arc
de cercle pour obtenir un demi-cercle, l'arc de cercle
atteindrait les murs extérieurs de la nef. Cela signifierait
que primitivement, il n'y avait pas de transept. Celui-ci a
été ajouté après en remplacement d'un chevet primitif et
d'une partie de nef.
Image 22 :
Chapiteau à feuillages.
Image 23 : Chapiteau
montrant le Christ ressuscité parlant aux saintes femmes.
Image 24 :
Sarcophage paléochrétien placé sous l'autel majeur. Il a
accueilli des reliques. Il a été en partie détruit puis en
partie reconstitué.
Image 25 : Croquis
du sarcophage paléochrétien. On peut voir, sur la cuve, sous
une frise de pampres de vigne, des cercles entrelacés,
des « oiseaux au canthare » (en fait le canthare a été
remplacé par une croix gemmée), une hache inscrite dans un
cercle, un cerf et un chrisme. Nous pensons que, comme pour
les oiseaux, il y avait deux cerfs symétriques encadrant le
chrisme. Sur le couvercle, on peut voir deux rosaces et un
chrisme.
Image 26 :
Évangéliaire de Charlemagne. Voici ce qui était écrit sur un
panneau situé à l'intérieur de l'église : « Les
deux faces de l'évangéliaire sont en bois incrusté
d'ivoires. Ces plaques ont été réalisées avant
Charlemagne. La technique de sculpture byzantine permet de
les dater de la fin du VIe siècle ».
Sur cette face, le Christ est représenté entre Saint Pierre
et Saint Paul.
Image 27 :
Évangéliaire de Charlemagne. Sur cette face, c'est la Vierge
Marie en Majesté.
Nous confirmons la datation évoquée plus haut : an 1125 avec un écart de 25 ans (en fait, les experts avaient évoqué la date autour de 1130-1140). Remarquons que la date qui a été avancée par les experts pour la cathédrale de Noyon est 1145. Or nous estimons que la cathédrale de Noyon, de style gothique est nettement postérieure à Saulieu (environ 50 ans) .