Église paroissiale Sainte-Madeleine de Béziers

• France    • Occitanie    • Article précédent    • Article suivant    

L’église Sainte-Madeleine de Béziers, tout comme sa voisine, Saint-Aphrodise, se révèle d’un grand intérêt pour la classification des églises du Premier Millénaire, et ce, en dépit de ses nombreuses transformations… ou à cause de ces transformations. On sait à présent que les transformations, qui remplacent certaines parties d’un édifice par d’autres nouvelles, permettent d’effectuer une chronologie des évolutions.


Commençons par effectuer le tour extérieur de l’édifice.

Le chevet (images 1 et 2) surprend un petit peu car il ne semble pas correspondre aux canons usuels de l’art roman. Ainsi on ne voit pas de chapelles rayonnant autour de l’abside principale comme dans les églises d’Auvergne.

Les arcades de cette abside (image 2) présentent une curieuse décoration en arc brisé. L’explication est simple. Vers le XVesiècle (on ne connaît pas la date), il a été décidé d‘éclairer davantage l’abside. Sans doute parce que l’ajout de bâtiments de part et d’autre de l’abside (il reste celui de droite, l’actuelle sacristie) avait provoqué l’obturation de deux baies sur cinq. On a donc décidé de rehausser et d’agrandir les fenêtres de part et d’autre de la fenêtre axiale. Mais ce faisant, on détruisait la corniche en plein cintre située au-dessus de la fenêtre. Sans doute pour des raisons d’esthétique, on a effectué un prolongement de cette corniche en arc brisé.

Autre remarque : l’oculus situé sur le mur-pignon au dessus de l’abside interrompt la corniche. Il a sûrement été construit après celle-ci (XVIIesiècle ?).

Sur l'image 3 de la façade Sud, on distingue la régularité des fenêtres supérieures de la nef. Cette régularité n’apparaît pas pour les parties inférieures (deux fenêtres en arc brisé). Cela vient du fait qu’une chapelle a été accolée au collatéral Sud à l’époque gothique (XIVe- XVesiècle).


L'image 4 donne une autre vue de la façade Sud. On distingue, tout au fond et au-dessus du toit, une portion de mur.

On retrouve cette portion de mur au dessus du triangle du pignon sur l'image 5 représentant la façade occidentale. Cette façade est d’allure typiquement romaine. Néanmoins elle n’est pas d’époque romaine. Elle a sans doute été rebâtie (peut être plaquée sur l’ancienne façade) à une époque plus récente (XVIIIesiècle : la porte, la grande fenêtre datent de cette époque) mais sur un profil architectural ancien dont l’exemple se trouve dans l’église voisine dédiée à Saint-Aphrodise.

La portion de mur au dessus du pignon n’est pas d’origine romaine. Elle donne à cette façade l’allure d’une tour. On pourrait s’imaginer qu’il y avait là une tour quadrangulaire dont aurait là le côté Ouest , le côté Est se trouvant vers l’intérieur de l’édifice. Dans ce cas, la tour aurait surplombé, comme cela se voit souvent, une sorte de narthex. Mais tel n’est pas le cas ici. S’il y avait eu une tour, on verrait les traces des piliers de soutien à l’intérieur de l’édifice. Ce n’est pas le cas. Très probablement il s’agit là d’un décor destiné à impressionner les populations extérieures à Béziers.

Sur l'image 6 on peut voir simultanément les façades Ouest et Nord. Les fenêtres de la façade Nord sont d’origine.


Sur les images 7 et 8 on peut voir, outre le mur latéral Nord, le mur pignon du toit du bras du transept Nord. Nous pensons que la partie située au dessus de la corniche (triangle du pignon) est contemporaine de la réfection de la façade occidentale (XVIIe- XVIIIesiècle).

Le plan de l'image 9 est antérieur à la restauration de l’an 2000. On y voit représentées les voûtes installées au XVIIIesiècle, voûtes qui ont été supprimées afin de retrouver l’édifice initial.


La nef (images 10, 12 et 13) apparaît majestueuse. Néanmoins, il ne faut pas s’imaginer que la nef primitive a été conservée dans son intégralité. La restauration de l’an 2000 a un peu modifié certaines formes. En particulier celles des impostes des piliers. Les maçons du XVIIIesiècle qui ont installé les voûtes ont aussi recouvert les parois de plâtre. Mais, afin que le plâtre adhère mieux, ils ont martelé les surfaces et surtout les coins. Cela est particulièrement visible sur les arcades de l'image 13. Il ne restait sans doute rien des impostes qui ont été refaites sur le même modèle. Les impostes de l’église Saint-Aphrodise ont quant à elles été conservées.

Le plan (image 11) est celui d’une église paléochrétienne. La datation de ces églises était, jusqu’à présent, fixée au IVesiècle. Sans doute pour se conformer à l’idée que les barbares, présents à partir du Vesiècle, n’ont rien construit et tout détruit. Et ce, jusqu’à l’an 1000. Nous sommes à présent convaincus que cette idée est fausse. Et qu’il y a eu continuité des constructions durant six siècles, de l’an 400 à l’an 1000. En conséquence, nous pensons que cet édifice peut être postérieur à l’an 400. Datation envisagée : an 450 avec un écart estimé de 100 ans.


Les images suivantes 14, 15, et 16 montrent le transept et le chœur. Concernant le transept (image 16), la double arcade est tout à fait inhabituelle. Il semblerait que primitivement, il y ait eu une seule ouverture protégée par un arc : l’ouverture inférieure, qui permettait de pénétrer dans le bras du transept (au Nord comme au Sud) à partir de la croisée. Ce bras du transept devait être séparé en deux parties par un plancher qui s’appuyait sur la corniche encore visible sous la fenêtre. On retrouve la même forme à l’abbatiale de Montmajour près d’Arles.


Le tableau de l'image 18 est l’œuvre d’un peintre biterrois, Jean-Noël Sylvestre (1847-1915). Ce tableau représente l’assassinat de Trencavel en 1167. On sait que cet assassinat s’est déroulé dans l’église Sainte-Madeleine. Le peintre a sans nul doute voulu représenter cette église dans ce tableau. Or l’église que l’on voit ne ressemble en rien à l’actuelle église de Sainte-Madeleine. Le peintre ne pouvait s’imaginer qu’il avait le modèle sous les yeux. Il faut dire que selon une croyance solidement établie à Béziers, l’église Sainte-Madeleine a été détruite par le feu en 1209 par les croisés (croisade contre les Albigeois).