Les deux églises du monastère de Valdediós
Avant de visiter le monastère de Santa
María de Valdediós, nous pensions découvrir la seule église
San Salvador, datée du premier millénaire. Quelle a été
notre surprise en découvrant qu’il y avait deux églises,
l’une préromane, San Salvador, et l’autre qualifiée de
romane, mais que nous estimons antérieure à la date avancée,
Santa María.
L’église
San Salvador
C’est un édifice à plan basilical (image
1). Elle est semblable aux autres basiliques
asturiennes étudiées précédemment : San Tirso, San Julián de
Los Prados, San Miguel de Lillo. Sa nef est à trois
vaisseaux. Les murs gouttereaux du vaisseau central sont
portés par des piliers rectangulaire de type R0000.
La façade Ouest (image 2) reproduit le schéma classique des basiliques de
l’Antiquité tardive ou du Haut Moyen-Âge : le mur de façade
ne fait que clore l’espace intérieur sans ajout d’éléments
annexes tels que des clochers ou des ouvrages Ouest, le
portail principal est disposé au milieu, de petites fenêtres
éclairent les bas-côtés.
En faisant le tour du bâtiment (images 3, 4, 5, 6), on constate que le plan
initial a été légèrement modifié. Deux pièces ont été
ajoutées transversalement à la nef, au nord (image
3), et, au Sud (image
5), donnant l’apparence d’un transept. Mais il ne
s‘agit que d’une apparence, car ces pièces ne communiquent
pas avec la nef ou seulement par de simples portes.
On remarque aussi qu’il existe une galerie côté Sud (images 1 et 5).
Côté Est, la nef est terminée par un chevet plat. La partie
centrale déborde légèrement sur les parties latérales (image 6).
Cette partie est percée de deux très belles fenêtres. Selon
les explications de notre guide, explications que nous avons
eu des difficultés à comprendre, ne connaissant pas
l’espagnol, seule la fenêtre supérieure (image
7) serait d’origine. Remarquer les arcs très
nettement outrepassés.
A l’intérieur (images
8 et suivantes), le plan basilical apparaît
manifestement. L’édifice était-il charpenté à l’origine ?
Actuellement le vaisseau central est voûté. Nous ne sommes
pas en mesure de connaître le type de voûtement. Nous
pensons cependant qu’il ne s’agit pas d’un voûtement en
pierre qui aurait nécessité l’emploi de doubleaux. Nous
envisageons plutôt une voûte en plâtre du XVIIeou
XVIIIesiècle.
Un petit problème ! : les impostes ! Elles nous semblent
presque trop neuves. Certaines d’entre elles auraient-elles
été remplacées ?
L’arc triomphal, arc d’entrée à l’abside principale (image 10) est porté
par de belles colonnes en marbre gris par l’intermédiaire de
chapiteaux à feuilles stylisées. À remarquer que ces
chapiteaux seraient plutôt des impostes (en effet, pour
nous, un chapiteau doit toujours être associé à une autre
pierre qui le surmonte, le tailloir. Sinon nous appelons
cela une imposte), ce qui serait une marque d’ancienneté (image 11). Au fond de
l’abside, l’arc est soutenu par une autre imposte à feuilles
stylisées de même nature que la précédente (image
12).
Les images
13 , 14, 15 et 16 sont celles des collatéraux et
des absidioles qui les prolongent. L’intérêt doit se porter
sur les arcs d’entrée aux absidioles. On constate d’abord
qu’ils sont outrepassés (images
13 et 16). Ce qui n’était pas le cas de l’arc
triomphal (image 10).
Il est cependant possible que cet arc triomphal ait été
refait. La deuxième observation que l’on doit faire porte
sur l'image 14. On
constate en effet que l’imposte de gauche a été entaillée
pour loger le chapiteau-imposte de droite. On en déduit que
l’imposte est antérieure au chapiteau-imposte. Mais on en
déduit plus que cela ! On en déduit que la nef est
antérieure à l’arc triomphal et donc à l’absidiole. Se
reportant sur les images
10 et 11, on ne retrouve pas la même anomalie. On
en déduit que l’église primitive était formée seulement de
la nef à trois vaisseaux et de l’abside principale. Les
absidioles auraient été ajoutées après.
Remarquer que les chapiteaux-impostes sont « à feuilles
dressées » (images 14 et
15),style que nous retrouvons fréquemment vers le
IXesiècle.
Sur l'image 17, il
nous semble - mais ce n’est peut-être qu’une fausse
impression - que, au-dessus du linteau de la porte, il
existe une tache blanche en arrondi. Y avait-il là un arc
outrepassé ?
La galerie Sud située contre le flanc de
l’église est détaillée sur les
images 18 à 23.
La claustra de l'image 19
serait d’origine. Elle semble imiter le fer forgé.
Les images 21, 22, 23 montrent
que les chapiteaux et pilastres qui les supportent ne
coïncident pas avec la corniche. Soit ils la recouvrent,
soit ils la coupent. L’idée est donc la suivante : cette
galerie était primitivement charpentée. Elle a été
postérieurement voûtée grâce à l’adjonction des pilastres,
des chapiteaux et des doubleaux. Remarquer que, par
ailleurs, le décor des chapiteaux imite aussi la
ferronnerie, comme la claustra ci-dessus.
Il existe un autre centre d’intérêt concernant cette
galerie. Notre guide nous l’a fait découvrir en montrant une
inscription gravée sur une plaque de marbre. Mais lisons un
extrait de la page du site Internet Wikipedia : « …
par contre lui (il s’agit de Alphonse III le Grand
roi des Asturies de 866 à 910) sont
clairement attribués la galerie-porche et quelques détails
d’ornement. La consécration s’est effectuée sous son
règne, la date étant gravée sur un bloc de marbre.
».SUB ERA DCCCXXX, c’est à dire l’an 930 de l’ère de Saint
Idace ou ère hispanique, alors en vigueur en Espagne ;
correspondant à l’an 893 après J.-C. Cette date
correspondrait selon-nous au voûtement de la galerie.
Image 24 : Si
au-dessus de la fenêtre la plaque portant la Croix de la
Victoire, emblème des Asturies, semble récente, la fenêtre
elle-même, nettement plus érodée pourrait être ancienne.
Remarquer les arcs outrepassés.
Les images
25, 26, 27 représentent d’autres fenêtres
géminées. En fait, la plupart de ces fenêtres ont été
restaurées. Remarquer sur les images
25 et 27 le trait fin qui rejoint le sommet des
petits arcs. Il marque la limite de la restauration. La
plupart des colonnettes médianes des fenêtres géminées
avaient disparu. On les a remplacées. Mais ces restaurations
font apparaître un élément remarquable. Les pierres situées
au-dessus des colonnettes étaient des linteaux monolithes.
Cela est particulièrement visible dans l'image
26.
L’église
Santa María
Une autre église beaucoup plus vaste que la précédente est
installée dans le monastère. C’est l’abbatiale dédiée à
Sainte Marie (images 28
et suivantes).
Selon Wikipedia, « L’église
fut construite par maître Gualteïro en 1218 mais elle
subit des remodelages à l’époque des constructions
cisterciennes. »
Nous émettons de forts doutes sur une telle affirmation.
D’une part, les images 28
et 29 montrent qu’il s’agit d’un édifice de pur
style roman. De tels édifices sont en général attribués au
XIIesiècle. Et nous même les attribuons à la
fin du XIesiècle ou à la première moitié du
XIIesiècle. Par ailleurs le portail (image
31) est lui aussi de pur style roman. Or, dans
une église, le portail de la façade Ouest est supposé être
la dernière partie construite de cette église. Dater la
construction de cette église de 1218 revient à la retarder
de plus d’un siècle.
Mais il n’y a pas que cela. En effet,
les vues intérieures de la nef (images 32 et surtout 33)
montrent que cette nef a été voûtée d’ogives portées par
des doubleaux montés sur des colonnes reposant sur des
consoles. La technique consistant à faire reposer des
piliers sur des consoles situées à mi-hauteur aurait été
adoptée vers la fin du
XIIIesiècle en remplacement de la technique du
pilier reposant directement sur le sol.
Les deux arcs doubles en plein cintre de l'image
34 sont typiquement romans : remarquer qu’ils
reposent sur des piliers adossés descendant directement
jusqu’au sol. Ces deux arcs et les travées correspondantes
peuvent être datés au maximum du XIIesiècle.
Par contre les voûtes sont postérieures, du XIVesiècle.
Si des voûtes ont été construites au XIVesiècle,
c’est qu’elles n’existaient pas avant. La première église
devait être charpentée. Mais si le voûtement n’était pas
prévu à l’origine, cela signifie que l’église (ou plus
exactement les deux travées romanes) est plus ancienne qu’on
ne l’imagine. Peut-être des environs de l’an 1000.
Une telle hypothèse est confirmée par l’analyse de la
corniche (images 35 et
36). La continuité de cette corniche est
interrompue au passage des piliers. On en déduit que,
primitivement, ces piliers n’existaient pas. Ils ont été
ajoutés ultérieurement pour supporter les doubleaux et de
là, la voûte des collatéraux.
Constatons enfin sur l'image
36, une image malheureusement un peu floue, la
présence sur la corniche des deux oiseaux s’abreuvant au
vase de vie, une image qui devait disparaître de
l'iconographie peu après l’an mille.
Datation
Pour l’église San Salvador : cet édifice apparaissait à
première vue d’une interprétation facile. Nous pensons à
présent que cette datation est plus compliquée. L’église
primitive état probablement l’actuelle basilique à trois
vaisseaux terminée par l’abside centrale. Datation : an 550
avec un écart estimé de 200 ans. Les deux absidioles
auraient ajoutées plus tard : an 800 avec un écart estimé de
150 ans. Le voûtement de la galerie Sud daterait de l’an
893. Et puis plus rien ou presque. Il y aurait eu arrêt des
transformations. Peut-être parce qu’à côté on construisait
une église beaucoup plus grande.
Pour l’église Santa María : Nous pensons que cette église
est de peu antérieure à l’an 1000 : an 950 avec un écart
estimé de 100 ans. Cependant les restes de cette église
primitive sont peu apparents. Il est néanmoins possible que
les arcs en plein cintre de l'image
34 lui appartiennent. L’œuvre de maître Gualteïro
en 1218 pourrait être recherchée dans des opérations comme
le voûtement des bas-côtés.
Dans tous les cas, ces deux églises mériteraient une analyse
beaucoup plus poussée que celle que nous venons de faire.