Diverses églises de Saône-et-Loire susceptibles de dater du 1er millénaire (3/22) 

• France    • Bourgogne - Franche-Comté    • Article précédent    • Article suivant   


Les quatre églises décrites dans cette page sont : l’église Notre-Dame-de-la-Nativité de Bois-Sainte-Marie, l’église Saint-Nazaire-et-Saint-Celse de Bourbon-Lancy, l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Bourg-le-Comte, l’église Saint-Martin de Bragny-en-Charollais.




L’église Notre-Dame-de-la-Nativité de Bois-Sainte-Marie

Nous n’avons pas visité cette église, mais les images extraites d’Internet nous permettent d’envisager son grand intérêt.

Considérons d’abord son plan (image 2). C’est celui d’une église à nef à 3 vaisseaux prolongée d’un chevet à abside unique à déambulatoire. Il faut remarquer que le couloir à déambulatoire se situe dans le prolongement des collatéraux de la nef. Il faut aussi signaler sur ce plan l’absence de transept. Pourtant, sur l'image 1, on constate la présence d’une structure supérieure au niveau de la première travée. Mais cette construction a pu être faite lors de l’installation de la tour-lanterne sur cette travée. En conséquence de cette analyse, on envisage que l’église primitive n’avait pas de transept, mais que celui-ci a été « inventé » lors de l’installation de la tour- lanterne. Une autre hypothèse envisagée est que dans l’église primitive, il y avait non une seule abside, mais trois (une abside et deux absidioles) situées en prolongement des vaisseaux de la nef. Ultérieurement, à partir du début du XIIesiècle, ces trois absides auraient été remplacées par l’actuelle grande abside à déambulatoire. Si nous formulons cette hypothèse, c’est parce que nous l’avons envisagée pour l’église, au plan analogue, de Bozouls (Occitanie/Aveyron).

Revenons à la partie la plus intéressante : la nef.

Actuellement, les piliers sont de type R1112. Cependant, nous avons une bonne raison de penser qu’ils étaient primitivement de type R1010. Rappelons ce que signifie la cotation des piliers : Rabcd ou Cabcd (a, b, c et d étant des nombres). R signifie que le pilier est à plan primitif rectangulaire, C à plan circulaire ; a, b, c et d, le nombre d’excroissances modifiant le plan du pilier ; a est le nombre côté Est ; b, le nombre côté collatéral ; c le nombre côté Ouest ; d le nombre côté vaisseau central.

Nous estimons que, à l’apogée des églises romanes, le plan idéal des piliers est de type R1111. Ceci signifie qu’il doit y avoir, adossés a chacune des 4 faces des piliers, des pilastres ou des colonnes demi-cylindriques portant des chapiteaux, qui à leur tour supportent les doubleaux qui soutiennent les arcs reliant les piliers ou les voûtes.

On voit donc le système de l’église romane idéale : pour chaque pilier : 4 faces, 4 demi-colonnes adossées, 4 chapiteaux, 4 doubleaux.

Or ici ce n’est pas tout à fait le cas. Pour chaque pilier : 4 faces, 4 demi-colonnes adossées, 3 chapiteaux, 4 doubleaux. Du côté du collatéral, on ne voit pas de chapiteau mais une imposte (image 6). D’où l’idée que du côté collatéral, le pilastre, l’imposte et le doubleau ont été ajoutés après de façon à voûter le collatéral. Mais si le voûtement du collatéral est postérieur à la construction primitive, il doit en être de même pour le voûtement du vaisseau central.

On en conclut que l’église primitive devait être charpentée.


Les chapiteaux de cette église peuvent aussi être des révélateurs. Cependant, nous ne sommes pas certains de leurs interprétations symboliques.

Image 7 : représentation de l’aigle impérial ; image fréquemment représentée.

Image 8 : image rencontrée pour la première fois sur notre site ; Diable tirant la langue d’un homme. Sans doute le châtiment de la médisance.

Image 9 : deux hommes accroupis se tenant la tête ; image déjà reproduite sur ce site ; symbole inconnu.

Image 10 : deux lions affrontés à tête unique ; image fréquemment représentée.

Image 11 : tête de lion encadrée par deux têtes humaines ; image rencontrée pour la première fois sur notre site ; symbole inconnu.

Image 12 : orant assis ; image rencontrée pour la première fois sur notre site ; symbole inconnu.

Image 13 : Ce chapiteau situé à l’extérieur sur le pilier d’un portail est très révélateur. On a rencontré à de nombreuses reprises le thème des deux lions dressés, à tête unique placée à l’angle du chapiteau (comme ceux de l'image 10), dont la gueule largement ouverte semble dévorer un homme ou une tête humaine. Mais ici c’est la première fois qu’on observe, non un humain, mais une croix placée sur un piédestal. On en déduit que d’une façon générale, le thème ne traiterait pas de l’agressivité du lion. Cela pourrait vouloir dire que le lion terrestre absorbe (et non dévore) le message divin.

Image 14 : On a là une sirène sous la représentation d’un être hybride à corps de femme et à queue de poisson. Mais cette représentation rencontrée pour la première fois sur notre site (concernant une église romane, car ultérieurement la représentation est fréquente), est toute différente de la sirène à deux queues beaucoup plus fréquente.

Image 15 : Femme nue chevauchant un lion. On trouve parfois dans la sculpture romane (principalement en Aquitaine) la représentation d’un homme chevauchant un lion. Cette sculpture est appelée « Samson et le lion ». Mais ici la représentation est nettement différente. Ce pourrait être la « Femme et la Bête », de l’Apocalypse de Saint Jean. Représentation exceptionnelle : la femme (habillée) et la bête sont représentées sur des manuscrits « Beatus » de l’Apocalypse antérieurs à l’an mille.

Datation estimée pour l’église Notre-Dame-de-la-Nativité de Bois-Sainte-Marie : an 950 avec un écart de 100 ans.






L’église Saint-Nazaire-et-Saint-Celse de Bourbon-Lancy

La nef de cette église est formée de trois vaisseaux charpentés. Les piliers à plan rectangulaire de type R0000. Il s’agit donc, selon nous, d’une construction ancienne, antérieure à l’art dit « roman » des XIeet XIIesiècles. Les piliers sont porteurs d’impostes à chanfrein uniquement orienté vers l’intrados des arcs. Nous n’avons vu qu’un exemple de décor d’imposte (image 24).

Nous n’avons pas le plan de l’église, mais il semblerait bien que les trois vaisseaux de la nef soient prolongés par trois absides (image 17 d’une abside et d’une absidiole, image 19 faisant apparaître tout au fond la fenêtre axiale d’une absidiole).

Chevet et nef feraient partie du même plan de construction. Par contre, le transept avec sa tour de croisée (image 16) auraient été construits ultérieurement. Les chapiteaux des images 21 , 22, 23 proviendraient de cette construction.

Datation estimée pour l’église Saint-Nazaire-et-Saint-Celse de Bourbon-Lancy : an 750 avec un écart de 150 ans.






L’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Bourg-le-Comte

Vue de l’extérieur, cette église n’a rien d’original (images 25 et 26). On douterait même qu’elle soit romane.

À l’intérieur (image 27 ), l’abside est décorée d’arcatures lombardes. Il semblerait que les fenêtres extrêmes (cotés Sud et Nord) aient été percées ultérieurement.

Nous pensons que les arcatures lombardes de cette abside sont de la première génération.

Datation estimée pour l’église Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Bourg-le-Comte : an 975 avec un écart de 75 ans.






L’église Saint-Martin de Bragny-en-Charollais

Pour cette église, nous retrouvons des caractéristique tout à fait analogues à celle vue ci-dessus à Bois-Sainte-Marie. Les piliers sont de type R1111 avec pour chaque pilier : 4 faces, 4 demi-colonnes adossées, 3 chapiteaux, 4 doubleaux (images 29 et 31).

Et toujours comme à Bois-Sainte-Marie, côté collatéral, il n’y a pas un chapiteau mais une imposte (à chanfrein vers l’intrados). La datation de l’édifice sera donc analogue à celle de Bois-Sainte-Marie.

En conséquence, on s’attendrait à ce que les chapiteaux de l’église Saint-Martin soient comparables à ceux de l’église de Bois-Sainte Marie. Ce n’est pas le cas.

Les chapiteaux de Saint-Martin sont des chapiteaux à feuillages. Mais il s’agit d’un feuillage très stylisé, presque géométrique.

Cela prouve que nous avons encore beaucoup de progrès à faire concernant la datation par le décor ou le style des chapiteaux : deux groupes de chapiteaux de styles totalement différents peuvent avoir été sculptés à la même époque.

Datation estimée pour l’église Saint-Martin de Bragny-en-Charollais : an 950 avec un écart de 100 ans.