Monuments de La Rioja susceptibles de dater du premier millénaire 

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San Millán de la Cogolla : Monastère de Suso

Nous n’avons pas visité le monastère de Suso. Les images ci-dessous de ce monastère ont été extraites de fichiers issus d’Internet.

Il s’agit d’un monastère semi-rupestre (c’est à dire en partie creusé dans le rocher) comme l’indiquent le plan de l'image 2 et l'image 3 d’une pièce de ce monastère.

On remarque immédiatement sur ce plan la présence d’une nef à seulement deux vaisseaux. Le fait est exceptionnel : dans la plupart des cas, les nefs comportent soit un, soit trois vaisseaux. Et lorsqu’il existe deux vaisseaux, dans de nombreux cas, c’est à la suite de la disparition d’un vaisseau d’une nef à trois vaisseaux.

Ici, une telle disparition est difficile à détecter à partir des images dont on dispose. Il faut dire aussi que les édifices rupestres sont difficilement interprétables. Alors que la construction d’un édifice aérien obéit à un plan précis qui peut évoluer au cours du temps par l’adjonction de nouveaux bâtiments, l’élaboration d’un édifice rupestre s’effectue progressivement par creusement et disparition des structures initiales, et ce, sans plan précis, en fonction des besoins ou des caractéristiques du terrain.

Les deux vaisseaux sont séparés par une grande colonnade (images 4, 6 et 7). À remarquer les grands arcs outrepassés ainsi que, au-dessus de ces arcs, une série de baies en enfilade (image 6). L’ensemble fait penser aux édifices dits « mozarabes » de Castille (San Juan de Baños, San Baudel de Berlanga, San Cebrián de Mazote, églises de Tolède). Il faudrait par ailleurs un examen approfondi, car les images 5 et 7 révèlent de nombreuses reprises ou modifications de constructions.

Les deux chapiteaux de l'image 8 font apparaître des motifs wisigothiques (rosaces, spirale). Mais aussi d’autres (feuilles dressées contenant des décors incisés) plus difficiles à identifier qui pourraient être des emprunts à d’autres cultures que les wisigothiques.


Datation : Compte tenu des nombreuses incertitudes, la datation se révèle délicate : nous proposons l’an 700 avec un écart estimé de 200 ans.




San Millán de la Cogolla : Monastère de Yuso (ivoires)

Ce monastère est situé à plusieurs kilomètres de Suso. Il s’agit d’un très vaste ensemble monastique. Les principaux bâtiments ont été construits entre le XVIeet le
XVIIIesiècle. Il possède une très importante bibliothèque contenant 1800 ouvrages.

Mais aussi une belle collection de plaques d’ivoires sculptées. En voici la description d’après la page du site Internet Wikipedia consacrée à ce monastère : « À côté du musée, se trouve un oratoire qui abrite les précieuses arcas de San Millán et de San Felices, coffres reliquaires, de grande valeur, délicatement décorés d'ivoires sculptés du XI e siècle. Celui de San Millán (1067-1080) compte quatorze plaques romanes remarquables pour l’expression des personnages, celui de San Felices (1090) présente cinq plaques marquées par le hiératisme byzantin. Ces reliquaires ont été restaurés, en 1944, par Granda mais les plaques d'ivoire sculpté sont les originaux du XI e siècle, exécutés par l'atelier d'ivoirerie du monastère. ». Les images de 10 à 18 montrent huit de ces plaques. Lorsque nous avons pris les photographies, nous n’avons pas songé à différencier celles provenant de l’arca de San Millán de celles provenant de l’arca de San Felices. Nous allons essayer de les étudier sans tenir compte de la datation proposée par Wikipedia, et ce, conformément à ce que nous avions décidé à la création du site.

D’une part, il faut savoir que dans de nombreux autres cas, les plaques d’ivoire sculptées sont datées du IXesiècle, voire même avant. Ces plaques d’ivoire étaient offertes par les empereurs byzantins. On sait que Charlemagne en aurait reçu en cadeau. Voir aussi à la page intitulée « La Camara Santa d’Oviedo » le « diptyque byzantin » qui daterait du VIesiècle.

L'image 10 représente l’entrée du Christ dans Jérusalem : les visages des apôtres sont auréolés. Les deux tours, de part et d’autre, sont étroites et élevées. Les fenêtres sont en « trou de serrure ».

Sur l'image 11, un homme (le futur saint ?) est représenté en train de mourir. Au-dessus de lui, son âme est emportée par deux anges vers le ciel. Seuls les anges sont auréolés.

On retrouve dans l'image 12 le décor trilobé vu dans les deux pages précédentes sur une fresque à Ujué, puis sur des fonts baptismaux à Estibaliz. Nous avions auparavant estimé que ce décor pouvait être d’époque gothique. La scène est caractérisée par le « hiératisme byzantin ». Seul le personnage central est auréolé.

Dans les scènes suivantes (images de 13 à 18), les personnages ne sont pas auréolés (hormis l’ange de l'image 18). C’est un peu surprenant. En effet, si certaines scènes comme celles de l'image 14 (possession par le diable) ne sont pas censées représenter des saints, il nous semble que d’autres en détiennent. Il nous semble ainsi que l'image 13 pourrait représenter le Christ accomplissant des miracles.

On voit plutôt ce type de scène avec des personnages non auréolés sur des sarcophages romains du IVesiècle (voir ceux du musée archéologique d’Arles insérés prochainement sur ce site).

Par ailleurs, il faut observer qu'au Moyen-Âge, les reliquaires étaient enrichis par toutes sortes d’objets de valeur : pierreries, émaux, or filigrané. On trouve parfois même des camées ou des intailles décorés de scènes païennes. Les plaques d’ivoire étaient des objets de valeur. Il est donc fort possible que certaines de ces plaques aient été récupérées sur des pièces plus anciennes.

Datation envisagée : an 800 avec un écart de plus de 200 ans (il faut tenir compte du fait que si certaines plaques peuvent dater du Vesiècle, d’autres ont pu être réalisées au XIesiècle).




Santa Coloma : Église paroissiale de la Asunción

Le plan de cette petite église accolée à une autre de dimensions plus importantes s’apparente à celui d'au moins deux autres églises : San Miguel de Cellanova en Galice, Santiago de Peñalba en Castille-León. Probablement aussi São Frutuoso de Montélios à Braga (Portugal) et Santo Tomás de Las Ollas en Castille-León.

Proposition de datation : an 750 avec un écart estimé de 150 ans.




Torrecilla en Cameros : Ermitage de San Andrés

Peu de choses à dire sur cette église qui devait être à l’origine réduite à son chœur de plan circulaire.

Datation : Par comparaison avec d’autres églises à plan circulaire que nous estimons antérieures à l’an 1000, par le fait que cette église est dotée de fenêtres étroites, nous pensons qu’on peut la dater de l’an 900 avec un écart de 200 ans. Mais ceci sous toute réserve, les éléments susceptibles de la dater avec une meilleure précision étant totalement absents.




Tricio : Basilique paléochrétienne Santa María de Los Arcos

Le mot « basilique paléochrétienne » n’est pas de nous. Cependant, nous l’avons adopté dans un premier temps. Il est pour nous difficile de définir une période paléochrétienne. En effet, à la différence de certains historiens de l’art, nous considérons qu’il y a eu une production chrétienne relativement importante avant même les édits de Constantin vers l’an 330. Et cette production ne s’est pas subitement arrêtée à la prise de Rome vers l’an 410. Alors qu’est-ce que l’art paléochrétien ? On devine son commencement, à la mort de Jésus (bien qu’il ne semble pas s’être révélé avant de IIesiècle). Mais il est plus difficile de déterminer sa fin.

L’église de Santa María de Los Arcos est une basilique installée dans une ancienne cité romaine. On constate que les piliers sont formés de sections de colonnes à cannelures antiques (images 26, 27, 28, 29). L'image 27 montre que les colonnes qu’ils forment ne sont pas régulières, mais qu’elles ont obéi à un schéma strict : les blocs de la base sont plus larges que ceux du sommet. Par ailleurs, les chapiteaux corinthiens du sommet sont plus étroits que les sommets des piliers. Tout permet de penser que ces piliers et chapiteaux ont été récupérés sur un ou plusieurs monuments romains. En conséquence, cette basilique peut être qualifiée de « post-romaine ». Si on observe à présent les arcs surmontant ces piliers, ils sont simples, formés de gros blocs, analogues à ceux de Saint-Aphrodise de Béziers. Comme pour cette église, la nef de Santa María de Los Arcos pourrait dater des alentours de l’an 500. Des tombes trouvées à l’intérieur de l’église, à coffre de pierre, correspondraient à cette datation (il faut néanmoins attendre une confirmation : actuellement de nombreuses fouilles de nécropoles devraient permettre de fixer une chronologie en matière d’inhumations).

Autre élément intéressant : l’abside visible sur l'image 27 et, mieux encore, sur l'image 32. Plusieurs éléments militent en faveur d’une datation de peu antérieure à l’an 1000. Le chevet est plat, percé d’un seule petite ouverture (obstruée pour servir de niche à une statue de la Vierge). Ce chevet devait être primitivement charpenté. Tout comme l’était la nef recouverte par la suite par une voûte en croisée d’ogives.

Un autre indice de datation apparaît sur l'image 33. En effet, les scènes de Crucifixion sont rares dans l’art roman du XIesiècle. Par contre, on en voit dans des manuscrits du Xesiècle. Les scènes sont identiques à celle-ci : le Christ est toujours représenté avec au-dessus de lui les images du soleil et de la lune. Et en dessous, les deux soldats dont l’un perce son flan. Et de part et d’autre, la Vierge et Saint Jean. Il est cependant possible que cette fresque ait été reprise au XIVesiècle.

Datation :

Nous proposons les datations suivantes : pour la nef, l’an 500 avec un écart de 150 ans. 

Pour le chœur : an 950 avec un écart de 100 ans.