Béziers : Chapelle Saint-Félix de Bayssan
La chapelle Saint-Félix se trouve dans
le domaine de Bayssan, propriété du Conseil Général de
l’Hérault située à proximité de la Sortie Béziers-Ouest de
l’autoroute A9.
L’extérieur (images de 1
à 5) n’apparaît pas très engageant. La façade
Ouest semble avoir été refaite au XIXesiècle,
ce que confirme André Burgos dans le petit fascicule qu’il a
érigé sur cette église (image
6).
Il existe cependant des indices permettant d’envisager une
ancienneté. Il y a d’abord sur l'image
3 le changement de maçonnerie au niveau du sommet
des piliers (ou pilastres) adossés. Mais il y a plus. On
constate que ces piliers sont surmontés d’impostes. Ce ne
sont pas de simples contreforts ajoutés après coup : ils
font partie de l’ouvrage primitif. Lors de notre première
visite, nous n’avions pas attaché d’importance à ces
impostes. En conséquence, elles n’ont pas été étudiées comme
nous aurions dû la faire. Mais ce n’est que partie remise.
Nous aurons sans nul doute l’occasion d’y revenir.
Autres indices à prendre en compte : l’existence d’un chevet
polygonal et le petit nombre d’ouvertures. Il y a trois
grandes fenêtres au chevet, mais d’inégales dimensions, et
elles ne semblent pas centrées au milieu des panneaux. Il
est fort possible que les fenêtres initiales aient été plus
étroites et qu’elles aient été élargies et agrandies à une
date postérieure.
L’intérieur de la nef (images
8, 9 et 10) apparaît beaucoup plus intéressant à
cause de la présence de deux grands arcs en « anse de panier
» portés par quatre chapiteaux. La présence de ces arcs en
anse de panier est surprenante (inconnus à l’époque romane)
et révèle de très probables réfections ou restaurations.
C’est ce que confirme le livre d’André Burgos. Les voûtes on
été refaites au XIXesiècle car les précédentes
menaçaient ruine. Celles-ci auraient été construites en
1633. M Burgos émet l’hypothèse que l’édifice primitif
n’était pas voûté mais charpenté. Car, selon lui les murs ne
pouvaient pas supporter des voûtes. Nous sommes tout à fait
d’accord avec ce point de vue. Si les voûtes ont été faites
en anse de panier au XIXesiècle, c’est en vue
de minimiser les poussées latérales. Cela n’a pas empêché
qu’elles menacent de nouveau ruine au XXesiècle,
ce qui a nécessité l’ajout de tirants pour consolider
l’ensemble.
Examinons à présent les chapiteaux.
André Burgos les compare à des chapiteaux de Saint-Jacques
de Béziers (pour le chapiteau n° 1 : image
11). Nous voyons aussi des ressemblances avec
d’autres sculptures de Saint-Pierre de Lespignan et
Saint-Julien de Baillargues dans l’Hérault, Goudargues et
Saint-Thirse à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard. En ce qui
concerne les autres chapiteaux, et surtout le n°4, nous
voyons des ressemblances avec des chapiteaux d’églises des
Pyrénées (Ariège et Haute-Garonne).
Le chapiteau n° 1 situé coté Nord (image 11) est décoré
d’un entrelacs de feuillages (voir sur ce site Saint-Jacques
de Béziers).
Les chapiteaux 2 et 3 (images
12 et 13) nous ont un peu surpris. Nous les
avions dans un premier temps écartés de l’étude, car nous
pensions qu’ils étaient d’époque baroque (XVIIe–
XVIIIesiècle). Et, effectivement, il y a des «
choses qui ne collent pas ». Surtout pour le chapiteau n° 2
! Cet empilage de cylindres disposés en oblique au milieu du
chapiteau semble n’appartenir à aucune époque. Hormis
l’époque baroque. Avant de donner une explication, observons
le chapiteau n°4 (image
14) : il est très travaillé. Son décor est formé
de grandes feuilles très sur-creusées. Petite remarque au
passage : à sa base (sur l’astragale), on devine un décor
d’oves imité de l’antique. On retrouve ce même décor sur le
chapiteau n° 3 ainsi qu’à Saint-Pierre de Lespignan.
Mais revenons à ces grandes feuilles très sur-creusées : le
travail est si fin qu’elles pourraient casser. Imaginons que
l’une casse et que l’on veuille restaurer le chapiteau ou du
moins le remettre en état. On ne pourrait pas le rétablir
dans son état d’origine mais par contre on pourrait le
rendre un peu plus acceptable en scellant diverses pièces
comme des petits cylindres ou des feuilles dressées. Et
c’est ce qui semble s’être passé pour les chapiteaux 2 et 3.
Sur l'image 13 du
chapiteau n° 3, la restauration semble plus apparente (mais
il faudrait vérifier cela sur place).
Image
16 : observez la finesse et la variété des
feuillages qui ornent ce chapiteau.
Sur l'image 17 ,
constatez que le tailloir situé au dessus du chapiteau 1 a
un décor différent diffèrent de celui des corniches qui
l’encadrent (ce sont tous les deux des décors de « billettes
» ou de « damier » mais les profils sont différents). Or,
pour des raisons d’esthétique, il devrait y avoir continuité
des décors. Notre opinion est qu’à l’origine, le tailloir
situé sur le chapiteau n° 1 n’existait pas. Nous pensons
qu’une poutre portée par le chapiteau devait s’insérer dans
l’intervalle.
Sur l'image 18 ,
on a essayé de reconstituer la couverture de l’église telle
qu’elle devait être faite initialement. Toute la nef était
charpentée : de grandes poutres de bois étaient posées sur
les chapiteaux des piliers adossés. Y compris les chapiteaux
1 et 4. Par contre les chapiteaux 2 et 3 portaient l’arc
triomphal, peut être outrepassé, séparant la nef du chœur.
Datation
La ressemblance des chapiteaux avec ceux de
Saint-Jacques de Béziers ou ceux de Saint-Pierre de
Lespignan nous inciterait à penser que ces édifices
pourraient être contemporains. Néanmoins, cette ressemblance
pourrait être due à une simultanéité de culture. Ceci
signifie que ces édifices auraient pu avoir été bâtis à des
siècles différents, mais par un même peuple. Et on songe ici
au peuple wisigoth. Quoiqu’il en soit, on peut envisager
pour cet édifice une datation du premier millénaire : an 850
avec un écart estimé de 200 ans.