L’abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Cluny 

• France    • Bourgogne - Franche-Comté    • Article précédent    • Article suivant    

   

La page du site Internet Bourgogne romane concernant cette abbaye est très détaillée. Nous n’en donnons que ces extraits : « L’abbaye de Cluny, fondée en 910, se développa très rapidement, dirigée par ses illustres abbés. ... À son apogée, l’abbaye régnait sur quelques 1500 monastères partout en Europe. Après les destructions du XVIIIe et du XIX e siècle, il ne reste de l’ensemble merveilleux que quelques bâtiments et une partie de sa troisième abbatiale, bâtie par l’illustre abbé Saint Hugues entre 1088 et 1130, pour remplacer une église préromane du X esiècle déjà très importante (Cluny II) . Ce troisième édifice, dit Cluny III, était la plus vaste église du monde jusqu’à la construction de Saint-Pierre de Rome. L'église se composait d’une grande nef de 11 travées à double bas-côtés, deux transepts couronnés par 4 clochers, et un chœur à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Cet ensemble majestueux a été complété au cours du XIIe siècle par la construction du narthex à deux tours de façade, dans lequel se trouvait le grand portail Ouest avec son célèbre tympan sculpté. De la splendide abbatiale, ne nous reste aujourd’hui qu'une partie mineure : le bras Sud du grand transept et son très beau clocher dit de l’Eau Bénite, les vestiges du bras Sud du petit transept, quelques ruines du narthex et les étages inférieurs de ses deux tours. Le croisillon conservé montre la puissance de l'architecture de l'abbatiale : une élévation à trois étages sous voûtes en berceau brisé sur une hauteur inhabituelle.

On ne peut que regretter la perte de Cluny III, église qui a influencé largement la Bourgogne romane, en particulier la basilique de Paray, la cathédrale d’Autun, Notre-Dame de Beaune, Saint-Andoche de Saulieu, l’abbatiale de La Charité et la collégiale de Semur , mais aussi un grand nombre d'églises prieurales plus modestes dans la région qui dépendaient de l’illustre abbaye-mère. Vers la fin du XIe siècle et le début du XIIe siècle, un important atelier de sculpteurs travaillait à l’abbaye. C’est ici que la grande sculpture romane de Bourgogne a atteint la perfection.

Histoire de l'abbaye

L’histoire de la ville commence avec la fondation de l’abbaye le 11 septembre de l’an 910 (ou peut-être était-ce l’an 909 ?). L’abbaye a été fondée par Bernon, l’abbé des monastères de Baume et de Gigny, et par Guillaume le Pieux, Duc d’Aquitaine et Comte d’Auvergne et de Mâcon, sur des terres où se trouvait une villa ancienne appartenant à Guillaume depuis 888. L’abbaye fut placée sous le patronage de Saint-Pierre et Saint-Paul et adopta la règle bénédictine. Très important : c’était une abbaye immunitaire, placée directement sous l’autorité du pape, alors indépendante de l’évêque et des seigneurs de la région. Bernon fut le premier abbé (910-927) du monastère comptant seulement douze moines au début. Il construisit un premier petit oratoire en 910, appelé Cluny A par les archéologues, et ensuite la première abbatiale, Cluny I, consacrée en 926. Cluny devient un monastère important déjà au Xesiècle, adoptant strictement la règle bénédictine et guidé par des abbés qui étaient de grands hommes dans le monde religieux. Sous l’abbé Odon (927-942), Cluny est reconnue comme chef d’ordre par le pape Jean XI en 931 et l’abbaye reçoit des reliques des saints Pierre et Paul provenant de Rome en 941. Sous l’abbé Aymard (942-954), le monastère fut agrandi et une nouvelle église abbatiale, Cluny II, fut commencée. Sous le long règne du grand abbé Mayeul (954-994), le pouvoir de l’abbaye s’accroît considérablement et on entre dans l’âge d’or de l’abbaye qui durera jusqu’au XIIe siècle. Beaucoup de monastères en Bourgogne et ailleurs furent annexés. Cluny II, qui était l’une des plus importantes églises de l’époque, fut consacrée le 14 février de l’an 981. L’abbé suivant, Odilon de Mercœur (994-1049), fut l’un des plus grands hommes dans l’histoire de Cluny. Il agrandit l’abbatiale et le monastère de Cluny II. En 998 et 1024 les papes reconfirment l’indépendance vis-à-vis de l’évêque de Mâcon. Cluny était alors un pouvoir autonome dont le rayonnement ne cessait pas de s’accroître. C’est sous le fameux abbé Hugues de Semur (1049-1109) que Cluny a connu son plus grand essor. L’abbaye reçoit le privilège monétaire du pape en 1058. Hugues décide de construire une église abbatiale énorme, Cluny III, qui devait être la plus grande église de la chrétienté. La première pierre de La Maior Ecclesia fut posée en 1088 et le pape Urbain II consacra le maître-autel dès 1095. La construction s’est poursuivie sous les abbés Pons de Melgueil (1109-1122) et Pierre le Vénérable (1122-1156), considéré comme le dernier des grands abbés clunisiens. Le chœur, le transept et la nef avaient été érigés quand l’église fut consacrée le 18 janvier 1130 par le pape Innocent II. »

Certaines images de cette page, ou d'autres pages concernant la Bourgogne, peuvent provenir de cet excellent site Internet.


Ces textes sont très intéressants par tous les renseignements qu’ils fournissent. Cependant, nous sommes obligés d’apporter quelques réserves. La première de ces réserves concerne la succession des trois églises, Cluny I, Cluny II et Cluny III commentée dans ces textes. Non qu’une telle succession n’a pas existé. Très probablement, les restes de ces églises ont été trouvés lors de fouilles. D’ailleurs, un plan très précis (trop précis ?) du site est reproduit dans le livre « Bourgogne
Romane
» de la collection Zodiaque. Les plans de quatre églises y sont représentés : la Chapelle du Cimetière, la Chapelle de l’infirmerie, Cluny II et Cluny III. Mieux que ça ! des datations sont proposées pour chaque bâtiment, voire partie de bâtiment :

Pour la Chapelle du Cimetière (1064 ?).

Pour la Chapelle de l’infirmerie : 1085.

Pour le chevet et le transept de Cluny II : env. 955-965.

Pour la nef de Cluny II : env. 965-975.

Pour le narthex de Cluny II : fin 981 ?

Mais les datations les plus nombreuses concernent Cluny III :

Pour le chevet et les deux transepts de Cluny III : env. 1086-1097.

Pour la première partie de la nef de Cluny III : env. 1095-1108.

Pour la deuxième partie de la nef de Cluny III : env. 1107-1110.

Pour la première partie du narthex de Cluny III : env. 1122-1125.

Pour la deuxième partie du narthex de Cluny III : env. 1135-1147.

À remarquer que sur cette page du livre « Bourgogne Romane », le plan de Cluny I n’est pas indiqué.


Nous avons plusieurs observations à faire sur ces divers renseignements. Nous estimons en effet que la « mariée est trop belle ». Prenons par exemple les datations des plans du livre « Bourgogne Romane ». Concernant Cluny III, cinq étapes de travaux datées avec une grande précision. Ainsi, pour l’étape de construction de la deuxième partie de la nef : (environ 1107, 1110) : une construction en 4 ans ! Comment font les spécialistes en histoire de l’art pour avancer de tels nombres ? Disposent-ils de renseignements que nous n’avons pas ?

Nous pensons qu’en fait ces datations ont été imaginées à partir des textes : reprenons ceux concernant Cluny II : « Sous l’abbé Aymard (942-954) le monastère fut agrandi et une nouvelle église abbatiale, Cluny II, fut commencée. ... Cluny II, qui était l’une des plus importantes églises de l’époque, fut consacrée le 14 février de l’an 981 ». La logique est la suivante : l’abbatiale est commencée juste après la mort de l’Abbé Aymard en 1955. Et achevée lors de sa consécration en 981. Comme peut-on penser que cette abbatiale a été commencée par l’Est ? Cela donne les datations du plan de Bourgogne Romane : chevet et le transept de Cluny II : env. 955-965 ; la nef de Cluny II : env. 965-975 ; le narthex de Cluny II : fin 981 ?

Nous pourrions faire une analyse analogue en ce qui concerne Cluny III.

En conséquence, nous pensons que ces datations n’ont pas été faites à partir de données architecturales certifiées, mais à partir d’une déduction apparemment logique de la lecture des textes. Mais nous savons depuis que nous étudions les monuments du Moyen-Âge que la logique n’est pas tout à fait au rendez-vous. Ainsi, la logique consistant à dire que la construction d’une église s’effectue d’Est en Ouest. Elle est très probablement vraie pour le monument primitif. Mais ce monument primitif subit des modifications au cours du temps et une des premières modifications est le chevet, qui, en conséquence, se trouve être plus récent que la nef de l’église..

Une autre erreur liée à la lecture d’un texte consiste à s’imaginer qu’une date de consécration correspond à l’achèvement des travaux. Ce qui n’est bien souvent pas le cas. Souvent aussi il arrive qu’une donation à destination de l'« opus Sancti Petri » soit interprétée comme une donation pour le début de construction d’une église Saint-Pierre alors que cela peut être pour une autre raison.

En conséquence, nous aimerions en savoir un peu plus sur ces divers textes et leurs traductions.


Les images que nous avons prises de cette église en avril 2004 ne nous permettent pas de nous faire une idée précise. Prenons par exemple le transept Sud vu sur l'image 7. En examinant le mur de droite, on s’aperçoit qu’il y a trois travées différentes. En fait, ces différences sont peut être dûes au fait que la travée du milieu ne peut être que différente des deux autres, étant donné qu’elle correspond au clocher de l’Eau Bénite.

Sur l'image 11, la corniche située juste en dessous des trois baies contourne la demi-colonne adossée verticale de droite puis s’interrompt brusquement. Nous pensons qu’on peut ainsi interpréter ces anomalies. Tout d’abord, le fait que la corniche contourne la demi-colonne signifie pour nous que ce contournement était prévu dès l’origine. C’est à dire que, dès l’origine, l’architecte avait prévu qu’il y aurait en cet emplacement une demi-colonne adossée. Que l’on construirait une corniche supportant les trois fenêtres et que, pour des raisons esthétiques, cette corniche contournerait la demi-colonne. Donc, dès l’origine, la demi-colonne verticale était prévue. Elle était prévue pour soutenir les doubleaux soutenant la voûte. Et donc dès le premier plan de construction, on avait prévu que cette travée aux trois baies devait être voûtée sur doubleaux.

Maintenant, il y a autre chose : la corniche s’interrompt brusquement. Et elle s’interrompt au niveau de l’autre travée correspondant au clocher de l’Eau Bénite. D’où la conclusion : le clocher de l’Eau Bénite a été construit après en contradiction avec le premier plan de construction qui devait prévoir deux travées identiques.

Les autres images n’apportent pas de détail intéressant.

Notons seulement les images 17 et 18 d’un autel à cupules. Ce type d’autel est rare dans la région (il existe un à Besançon) mais plus fréquent dans le Sud de la France. Nous estimons que ces autels sont préromans (an 700 avec un écart de 200 ans).

Compte tenu des réserves que nous avons données concernant les datations, il nous est difficile d’en proposer une qui emporte l’adhésion de tous. Néanmoins, les diverses observations que nous avons effectuées concernant les grandes églises de Bourgogne nous permettent d’envisager que la datation correspondant au début des travaux de Cluny III correspond à l’épiscopat de Hugues de Semur, la première pierre étant posée en 1088 (information très importante qui devrait faire l’objet d’une vérification).

Datation envisagée pour l’abbatiale de Cluny III : an 1100 avec un écart de 50 ans.