Diverses églises du Puy-de-Dôme (page 1/5)
Introduction
aux églises de Puy-de-Dôme susceptibles de dater du
premier millénaire
Il nous faut tout d’abord constater que le département du
Puy-de-Dôme est, des douze départements de la région
Auvergne-Rhône-Alpes, celui qui détient le plus grand nombre
de monuments romans ou préromans. Nous en décrivons 31 sur
l’actuel site Internet et il en existe d’autres encore que
nous n’avons pas étudiés. À titre de comparaison, le second
sur la liste, l’Isère, en détient 24 édifices et le
troisième, l’Allier, 22.
Il faut ajouter à cela que le Puy-de-Dôme contient les 5 «
églises majeures d’art roman auvergnat », à savoir :
Notre-Dame-du-Port de Clermont-Ferrand, Issoire, Orcival,
Saint- Nectaire, Saint-Saturnin. Nous aurons l’occasion de
remettre en question ces deux notions « d’églises majeures »
et « d’art roman auvergnat » dans les pages suivantes. Cela
étant, il nous faut bien admettre que ces 5 églises, plus
quelques autres que nous aurons l’occasion d’étudier,
constituent des témoignages importants de l’art du
Moyen-Âge.
D’où vient cette importance plus particulière du département
du Puy-de-Dôme en ce qui concerne l’art roman ou préroman ?
Nous n’avons pas à ce sujet de réponse prédéfinie. C’est
d’ailleurs une question que nous nous posons.. D’une part,
nous devons tenir compte du fait que de nombreuses églises
ont disparu. Il est possible que le Puy-de-Dôme ait moins
souffert que d’autres départements. Mais ce n’est pas du
tout certain. Certaines conditions très particulières
peuvent favoriser l’essor d’une région. Ou au contraire le
bloquer. Ainsi, nous trouvons normal que les départements
alpins de Savoie et de Haute-Savoie soient dépourvus
d’églises romanes. Mise à part la chaine des Puys qui
bordent le territoire à l’Ouest, le département du
Puy-de-Dôme ne peut-être considéré comme une région
hautement montagneuse. À l’inverse, il n’est pas situé sur
les grandes voies naturelles de communication, comme le sont
les zones côtières ou les fleuves navigables.
On peut donc se demander d’où vient cette profusion
d’églises romanes. La réponse proviendrait selon nous de la
richesse du terrain d’origine volcanique.
Cette région était occupée avant la période romaine. Elle
était même sans doute densément occupée. On sait que Jules
César a été mis en échec à Gergovie, près de
Clermont-Ferrand. Cette ville même de Clermont-Ferrand pose
un petit problème. Tout d’abord, par son nom formé par la
fusion de deux agglomérations distinctes, Clermont et
Montferrand. Mais pas seulement cela ! Il y a quelques
années, des archéologues ont estimé que la ville de Gergovie
n’était pas située sur le plateau dit de Gergovie, à
plusieurs kilomètres de Clermont-Ferrand, mais sur la
commune même de Clermont-Ferrand. Il faut aussi noter que
des communes relativement importantes comme Chamalières font
partie de l’agglomération clermontoise. Grégoire de Tours,
qui vivait dans la seconde moitié du VIesiècle,
ne parle pas de Clermont-Ferrand mais d’Arverne, Le nom
d’Arverne désigne aussi la tribu des Arvernes qui a donné
son nom à l’Auvergne. Nous n’en sommes pas certains, mais il
est possible que la ville d’Arverne n’ait pas été une cité
proprement dite, mais un conglomérat de villages ayant donné
naissance à des petites agglomérations comme Gergovie,
Clermont, Montferrand, Chamalières, Royat. Et il est
possible qu’il en ait été de même pour d’autres villes de
France dont le périmètre urbain antique n’a pas été
clairement déterminé. Et ce, à la différence d’autres villes
de l’Antiquité, comme Orange ou Autun.
Mais revenons à la question initiale concernant l’importance
d’Arverne et de son territoire. Cette importance nous est
révélée grâce à Grégoire, évêque de Tours, qui a vécu dans
la seconde moitié du VIesiècle. Cet évêque, très
prolixe, a eu l’occasion de rencontrer un grand nombre de
personnes, tant sur le plan local qu’à l’échelle du monde
issu des romains. Bien sûr, les lieux qu’il désigne sont en
premier situés à Tours et le territoire qui l’entoure,
actuellement département de l’Indre-et-Loire. Mais
immédiatement après viennent, en excellente position,
Arverne et le Puy-de-Dôme.
Certains des édifices étudiés dans cette
page ainsi que dans quatre autres pages analogues
intitulées, « Diverses églises du Puy-de-Dôme (page X/5) »
dans le même chapitre concernant le Puy-de-Dôme, n’ont pas
été visités. Leurs images, en général des copies d’écran
Internet, servent à expliquer et à justifier les datations.
Pour d’autres, la visite n’a été que partielle. Elle n’a
concerné le plus souvent que l’extérieur. Pour d’autres
enfin, la visite a été plus complète, mais l’édifice en
question ne rentre pas tout à fait dans le cadre de notre
étude qui concerne le seul premier millénaire. Bien que la
plupart de ces derniers soient d’époque romane (XIe
ou
XIIesiècle), ils ont été introduits dans notre
site car des détails architecturaux, des scènes historiées,
des objets sculptés peuvent être mis en relation avec le
premier millénaire.
Les trois édifices étudiés dans cette page sont : l’église
Saint-Pierre d’Arlanc, l’abbatiale
Notre-Dame de Bellaigue, l’église
Saint-André de Besse-en-Chandesse.
L’église
Saint-Pierre d’Arlanc
Nous n’avons pas eu l’occasion de visiter cette église. Les
images de 1 à 7 que
nous en avons recueillies sont issues d’Internet. Sur les images 1 et 2,
les trois absides accolées sont pour nous signes
d’ancienneté dans l’art roman. Les grandes ouvertures de ces
absides témoignent en sens inverse. Il faut cependant noter
qu’il arrive fréquemment que des baies soient percées
longtemps après la construction initiale. Il nous est
difficile de dater la façade Ouest (image
3). Le pignon au dessus de la fenêtre trilobée de
l'image 4 pourrait
être le reste d’un ancien pignon du vaisseau central de la
nef.
Les images 5 et 6 font
apparaître une nef voûtée en berceau plein cintre sur
doubleaux plein cintre. Les piliers sont de type R1111
et les arcs entre les piliers sont doubles. Ce qui serait
caractéristique d’une nef romane (postérieure à l’an mille).
Il faut néanmoins remarquer l’absence de fenêtres
supérieures. La voûte, trop basse, a empêché la construction
de ces fenêtres. Une telle observation remet en question
l’estimation de datation. Il est en effet possible que
l’église d’origine ait été charpentée (du moins le vaisseau
principal). Les piliers étant de type R1010
ou R1110,
elle aurait été voûtée ultérieurement. La construction de
voûte, à un niveau plus bas que la charpente primitive,
aurait entraîné l’obstruction des fenêtres supérieures.
Datation envisagée
pour l’église Saint-Pierre d’Arlanc : an 1025 avec un écart
de 75 ans.
L’abbatiale
Notre-Dame de Bellaigue
Nous n’avons pas visité cette église. La page du site
Internet Wikipedia consacrée à cet édifice nous apprend ceci
: «
Abbaye Notre-Dame de
Bellaigue : En1136, l'évêque de Clermont tranche
en faveur du prieuré de Bellaigue dans un litige
l'opposant à l'abbaye-mère sur les possessions. Bellaigue
devient une abbaye à part entière. L'année suivante
(1137), des moines de Montpeyroux viennent placer le
monastère sous la règle de Citeaux. Il s'agit de l’époque
de l'expansion cistercienne, expliquée par l'impulsion de
Saint Bernard, 1111-1115. Commence la construction de
l’église, contemporaine de celles de Clairvaux (1135),
Fontenay ou Citeaux (1140) ... ».
Par la suite, cette page décrit l’église avec une grande
précision en indiquant les traces des travaux de réfection.
Nous n’avons malheureusement pas pu vérifier ces
informations à partir des quelques images
de 7 à 12, dont nous disposons. Par contre, nous
remettons en question la partie du commentaire ci-dessus
concernant la construction de l’église abbatiale à la suite
de l’expansion cistercienne au alentours de 1135. Il est
certes possible que cette église ait été construite après
1135, mais cela doit être vérifié à partir des données
architecturales, et non à partir de simples documents
écrits. Ce que nous critiquons, c’est le caractère
systématique du raisonnement suivant : toute église ayant
appartenu à une communauté cistercienne a été construite
après la prédication du fondateur de l’ordre cistercien,
Saint Bernard de Clairvaux. Si on suit ce raisonnement là,
toute église d’un monastère mauriste daterait de la
fondation de cette communauté mauriste. C’est-à-dire du
XVIIIesiècle. Ce qui ferait décaler de 5 siècles
la datation de prestigieuses églises romanes comme Jumièges,
Saint-Guilhem-le-Désert ou même Cluny. Saint Bernard de
Clairvaux n’a pas été un constructeur d’églises, mais le
réformateur des Clunisiens, eux-mêmes appartenant à l’ordre
des Bénédictins. Certes, à la suite de cette réforme, des
églises nouvelles ont été construites. Mais bon nombre de
communautés ont adhéré à l’ordre des cisterciens ou calqué
leurs règles de vie sur le modèle cistercien sans pour
autant détruire leurs anciennes églises.
Passons à l’étude des images de cette église. La façade (image 8) est analogue à
celle d’Arlanc. À l’intérieur (images
9, 10, 11 et 12), le vaisseau central apparait en
berceau brisé. Cette particularité pourrait faire croire que
l’église a été construite dans la première moitié du XIIesiècle.
Mais le fait que les piliers soient de type R1110
fait envisager que le voûtement du vaisseau central
n’était pas prévu dès l’origine. Par contre, il est possible
que le voûtement des collatéraux ait été prévu dès
l’origine. Nous estimons que, d’une façon générale, le
voûtement complet des nefs a été réalisé après l’an 1000
(avec une grande marge d’incertitude sur cette date).
L’église pourrait donc être antérieure à l’an 1000. Il
existe une autre caractéristique permettant d’envisager une
date plus antérieure encore : les arcs reliant les piliers
sont en berceau simple. Et non doubles. Les arcs doubles
reposent généralement sur des piliers de type R1010
(ou les perfectionnements de ces piliers R1110
et R1111). Nous
avons cependant eu l’occasion de rencontrer des arcs simples
reposant sur des piliers R1010. De tels types de
configurations seraient antérieurs à ceux avec arcs doubles.
Datation envisagée
pour l’abbatiale Notre-Dame de Bellaigue : an 950 avec un
écart de 75 ans.
L’église
Saint-André de Besse-en-Chandesse
Nous n’avons pas non plus eu l’occasion de visiter cette
église. Les renseignements obtenus sur Internet sont
lacunaires : « Église Saint-André de
Besse-en-Chandesse : de style roman et gothique .
La construction initiale date du XIIe siècle.
Le chœur date de 1555 et fut restauré au XIX e
siècle. Un incendie détruit en 2007 une partie des stalles
sculptées du chœur. Un travail de restauration et de
reconstitution, basé notamment sur des cartes postales des
stalles, conduit en 2013 au remplacement des parties
détruites. »
Le plan de l'image 13 fait
apparaître trois parties. À gauche, précédant le chœur, une
première partie qui daterait du XVesiècle. Les
voûtes sur croisée d’ogives sont portées par des piliers
cylindriques. La seconde partie, à droite, est portée elle
aussi portée par des piliers cylindriques. Ce serait la
partie romane représentée sur les images
15 et 16. Entre les deux, le transept pourrait
avoir été construit à partir des restes d’une travée de la
partie romane.
Le chapiteau de l'image 17
pourrait être un des chapiteaux de piliers du
transept (le pilier étant visible en arrière-plan). Il
représente probablement l’avare, la bourse autour du cou,
emporté par des démons.
Celui de l'image 18 est
plus énigmatique.
Le chapiteau de l'image 19
représente l’âme (représentée sous la forme d’un
petit bonhomme suspendu par les pieds) d’un mort (corps
allongé), emportée par trois démons.
Sur l'image 20, des centaures
saisissent des pampres de vigne. Le thème du centaure est
récurrent dans l’art roman. Nous n’en saisissons pas très
bien l’origine et la signification profonde.
L’aigle aux ailes déployées (image
21) est assez répandu dans les représentations
romaines. Il l’est beaucoup moins dans les représentations
romanes. En tout cas, c’est la première fois que nous le
rencontrons. Celui-ci pourrait être préroman.
Nous pensons que la nef, à piliers cylindriques, doit être
comparée à d’autres nefs, elles aussi à piliers cylindriques
comme Orcival, Chauvigny, Saint-Savin-sur-Gartempe. Cette
nef nous semble, à première vue, un peu plus ancienne que
les autres.
Datation envisagée
pour l’église Saint-André de Besse-en-Chandesse : an 1025
avec un écart de 75 ans.
Ajout du 8 janvier
2025
Nous avons pu visiter cette église début juin 2024, en
compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang. Les 18 images
suivantes de 22 à 39 ont
été prises lors de cette visite. Elles viennent compléter
les images précédentes.
Image 22 : La
façade Ouest. Elle est peu décorée. Nous pensons qu'elle a
été fortement restaurée au XIXe siècle.
Image 23 : Le
portail Ouest. Nous avons là un plan classique de portail
préroman. Les piédroits de ce portail portent un linteau en
bâtière qui est protégé par un arc de décharge prenant appui
sur les côtés du linteau. Entre le sommet du linteau et
l'arc, il y a un espace vide, la lunette. Cette lunette
pouvait être décorée d'une fresque, d'une mosaïque ou d'une
marquèterie de pierres. Nous pensons cependant, au vu de
l'apparence neuve de l'ensemble, que ce portail est une
œuvre récente, peut-être en copie de l’œuvre ancienne plus
endommagée.
Images 24 et 25 :
Les collatéraux Nord et Sud. On voit que ces collatéraux
sont voûtés en quart-de-rond. Nous n'avons pas pu vérifier
si, à l'origine, le vaisseau central (image
26) et les collatéraux étaient voûtés ou
charpentés.
Les images 26, 27, 28 et
29 représentent les quatre faces d'un même
chapiteau. Les quatre scènes décrivent la parabole du
Mauvais Riche et du pauvre Lazare.
Image 26 (c'est
aussi l'image 18).
C'est la première face représentant le repas du mauvais
riche.
Image 27. À gauche,
la première face, à droite la deuxième face : le pauvre
Lazare tendant la main pour l'aumône est suivi par un ange.
Image 28 (c'est
aussi l'image 18).
À gauche, la deuxième face, à droite, la troisième face :
l'âme du pauvre Lazare est extraite du tombeau par deux
anges qui l'amènent au Ciel, tête en haut.
Image 29 (c'est
aussi l'image 19).
À ;gauche, la troisième face, à droite, la quatrième face :
l'âme du mauvais riche est extraite du tombeau par deux
anges qui la plongent en Enfer, tête en bas.
Image 31. Chapiteau de gauche : masque crachant des entrelacs de feuillage. Chapiteau de droite : ange encadrant la scène de mise en croix.
Image 32. Chapiteau de droite : ange encadrant la scène de mise en croix. Il ne s'agit très probablement pas de la Crucifixion de jésus car les bras et jambes du crucifié sont attachés par des cordes et non cloués. L'église étant dédiée à Saint André, il est probable que cette scène représente le martyre de Saint André qui, selon la tradition, a été crucifié.
Image 33. Sur ce chapiteau, les scènes sont symétriques. Chacune représente un homme portant un mouton. C'est peut-être la scène dite du Bon Pasteur. Mais dans l'Antiquité, il y avait une autre scène d'homme portant un agneau : Hermès.
Image 35. Autre scène d'homme portant un animal : ici, c'est un taureau.
Image 36, 37, 38, 39 : Divers chapiteaux à feuillages ou entrelacs de feuillages.
Datation
Après cette visite et l'examen des nouvelles images, nous devons effectuer un nouvel examen des datations. La datation envisagée auparavant était la suivante : an 1025 avec un écart de 75 ans. Nous avions proposé cette datation parce que nous pensions qu'il avait pu y avoir une succession de travaux (nef d'abord charpentée, puis voûtée). Mes nous ne pouvons pas prouver cela. À l'inverse, nous estimons que les représentations de scènes historiées bibliques sur des chapiteaux ont été développées au cours d'un deuxième âge roman. C'est le cas ici. Nous proposons donc la datation suivante : an 1150 avec un écart de 50 ans.