Le site des Alyscamps à Arles
Le site des Alyscamps est situé dans la commune d’Arles à
l’extérieur de la ville ancienne, à proximité des remparts.
A l’époque romaine, les cimetières étaient situés le long
des voies principales. Les tombes étaient disposées
parallèlement à ces voies de manière que les passants
puissent les voir. Beaucoup plus tard, au XIXesiècle,
le site a été aménagé en promenade. Beaucoup de tombes
avaient disparu, vendues ou détruites. Les tombes restantes
et d’autres récupérées en d’autres endroits ont été
réalignées pour constituer cette promenade. La beauté du
paysage a séduit les peintres impressionnistes (Gauguin,
Vallotton, et, bien sûr, Van Gogh, qui a effectué de longs
séjours à Arles et Saint-Rémy-de-Provence, où il a réalisé
la plupart de ses œuvres majeures).
Nous allons montrer ci-dessous successivement les restes
d’un porche placé à coté de la chapelle Saint-Accurse
(chapelle des Porcelets ?), l’église Saint-Honorat, les
restes sculptés installés dans cette chapelle, les autres
restes situés à l’extérieur.
La chapelle Saint-Accurse et le porche
Le panneau placé sur les murs de la chapelle (images
1, 2 et 4) semblait très évocateur : « L’église
Saint-Césaire-le-Vieux, élevée au XIIesiècle
sur l’emplacement du premier monastère de religieuses créé
par Saint Césaire vers 507 ». En consultant divers
sites Internet, nous n’avons pas vu ici d ‘église
Saint-Césaire, mais une chapelle Saint-Accurse, voire une
chapelle des Porcelets.
Nous espérions découvrir dans ces vestiges des restes du
premier monastère, mais cela n’a pas été le cas. La pierre
d’angle de corniche du toit de l'image
3 semble reproduire des modèles anciens.
Cependant, l’iconographie (hybride à corps humain et queue
de serpent) est plutôt représentative de la Renaissance.
Nous ne connaissons pas la destination du porche qui
s’appuie sur cette chapelle (image
4). Était-ce l’entrée du monastère ? L’entrée d’une
église ? L’examen des chapiteaux (images
5 et 6), ainsi que celui des masques grimaçants (images 7 et 8) fait
envisager un art roman tardif (fin du XIIesiècle).
L’église
Saint-Honorat
Ici encore nous pensions que, en visitant cet édifice (images 10 et 11), nous
trouverions des vestiges du premier monastère du VIesiècle.
Il n’en a rien été. Bien que partiellement en ruines (il
manque une bonne partie de la nef), cette église ne peut
être antérieure à l’an mille. La coupe de la nef, apparente
sur l'image 13 ,
montre qu’elle comportait trois vaisseaux. Si les bas-côtés
étaient voûtés en berceau plein cintre sur doubleaux plein
cintre, le vaisseau central était voûté en berceau brisé
(sur doubleaux brisés). Une telle disposition fait envisager
un art roman tardif (deuxième moitié du XIIesiècle).
Il en est de même pour le transept et les absides. La
construction de la très belle coupole de croisée pourrait
être plus tardive. En effet, pour l’édifier, il a fallu
renforcer les piliers préexistants en les englobant dans de
massifs et inesthétiques piliers cylindriques (images
14 et 15).
Les sarcophages ou autels situés à l’intérieur de l’église
Saint-Honorat
Il n’existe pas de différences de styles entre les
sarcophages situés à l’intérieur de l’église et ceux situés
à l’extérieur. Très probablement, on a placé à l’intérieur
les plus intéressants ou les plus fragiles. Et bien sûr, les
plus intéressants de tous ont été déposés dans des musées
comme le Musée Antique d’Arles ou dans la cathédrale
Saint-Trophime. Voici la description de quelques uns :
Image 16 : Cuve
de sarcophage à cartouche rectangulaire. Les spécialistes
datent ce type de sarcophage du IIeou du IIIesiècle.
L’intérêt est le texte épigraphique du cartouche. On y
trouve le nom du défunt ainsi que des précisions qui peuvent
permettre de dater le sarcophage. Malheureusement, il faut
avoir une bonne expérience de paléographe pour arriver à
lire et traduire ces inscriptions. Ce qui n’est pas notre
cas.
Image 17 : Autre
cuve de sarcophage à cartouche rectangulaire.
Image 18 : Autre
cuve de sarcophage à cartouche rectangulaire. Le couvercle
placé sur la cuve n’a pas les mêmes dimensions que la cuve.
En conséquence, les deux pièces ne devaient pas faire partie
du même sarcophage. Le couvercle est très intéressant. Il a
la forme d’un toit romain formé de tuiles plates (tegulae)
et de tuiles rondes (imbrices). Remarquer que les acrotères
en bout des tuiles du milieu sont nettement plus petits que
ceux des bords, qui d’ailleurs recouvrent l’acrotère
immédiatement voisin. Ceux-ci sont ornés d’une tête humaine.
Voir ci-dessous.
Image 19 :
L’importance plus grande donnée à cet acrotère d’angle doit
avoir une signification symbolique. La tête représentée ici
est une tête masculine. La coiffure qui couvre cette tête
semble être égyptienne, voire levantine.
Image 20 : La
tête au visage poupin pourrait représenter Mercure. Ou bien
une représentation personnifiée du soleil. Le soleil qui
naît le matin et meurt le soir est symbolique de la
résurrection. On sait que Héliogabale, empereur romain,
avait voulu introduire le culte du soleil.
Les images 21 à 24 représentent
des pierres sculptées utilisées comme autels. Lorsque les
photographies ont été prises, il y a maintenant onze ans,
nous n’avions pas songé à vérifier si ces pierres étaient
des sarcophages. Et quelle était la forme de ces sarcophages
?
Image 21 : Les
motifs de larges feuilles étalées et de rosaces font penser
à des motifs wisigothiques (ou, plus simplement, gothiques).
Image
22 : La rosace est aussi un motif gothique. Par
contre, nous n’avons aucun modèle de référence sut la croix
qui est située au-dessus.
Image 23 :
L’arbre ici représenté est l’Arbre de Vie, mais nous ne
connaissons pas de modèle exactement semblable.
Image 24 : Cette
cuve de sarcophage présente un petit problème : la partie
centrale est ornée de deux arcs séparés par un pilier à
chapiteau. Ceci fait penser à une fenêtre géminée
typiquement romane. L’ensemble a été creusé en fort relief.
De part et d’autre, ont été gravés des motifs circulaires en
faible relief : une spirale à gauche, une rosace à droite
(difficilement apparentes sur cette photo). Les deux types
de sculptures sont très différents. Notre explication : la
cuve était primitivement gravée de motifs circulaires à
faible relief (gothiques ?). Elle aurait été récupérée au
Moyen-Âge pour une nouvelle inhumation. À ce moment là, on
aurait sur-creusé la pierre en forme de fenêtre, effaçant
les motifs creusés précédemment. Ultérieurement, des
pilleurs de sépultures auraient percé des trous dans la cuve
aux endroits les moins épais, donc les moins résistants.
Image 25 : Cuve
de sarcophage à cartouche rectangulaire.
Sarcophages déposés à
l’extérieur
Image 26 : Cuve
de sarcophage décorée d’un chrisme. Nous recensons dans ce
site le maximum de chrismes pour en faire une étude
chronologique. On sait que le chrisme est le monogramme du
Christ formé des lettres grecques « khi », X, et « rho », P.
Il serait directement extrait du « labarum » de Constantin.
Cette forme pourrait donc dater de la seconde moitié du IVesiècle
ou Vesiècle. Nous pensons qu’il pourrait
être, dans une certaine mesure, lié à l’hérésie arienne. En
effet, Constantin a été proche des idées véhiculées par
cette hérésie.
Image 27 : Cuve
de sarcophage décorée d’une croix pattée. La croix pattée
serait « gothique ».
Image
28 : Couvercle de sarcophage en forme de toit
romain et à acrotères. On retrouve le même type de couvercle
sur l'image 18 avec
des détails sur les images
19 et 20. Quelques différences cependant : le
masque sculpté sur l’acrotère n’est pas imperturbable, mais
grimaçant de frayeur, et sur le pignon, ce n’est pas une
tête qui est représentée, mais un disque confirmant
l’hypothèse d’un soleil.
Image 29 :
Couvercle de sarcophage en forme de toit romain et à
acrotères.
Image 30 :
Couvercle de sarcophage en forme de toit et à acrotères.
Remarquer les différences : le toit n’est pas en tuiles
romaines usuelles, mais formé de plaques en formes de
feuilles. Il est difficile de savoir quelle est la nature
des plaques du toit qu’il est censé imiter : vraies feuilles
? plaques de bois ? ardoises ? briquettes ?
Image 31 :
Acrotère du couvercle précédent. Remarquer d’autres
différences : l’acrotère est plus petit que celui des images 18 et 28, le
visage de l’homme est plus réaliste et plus serein, et
surtout, il est tourné vers l’intérieur et non vers
l’extérieur. Comme s’il avait une plus grande confiance dans
l’avenir.
Image 32 : On a
ici un mélange assez surprenant : le cartouche qui daterait
du IIesiècle et la croix pattée qui pourrait
dater du IVesiècle. Remarquer à la base de la
croix pattée ce qui semble être des « racines » semblables à
celles qu’on trouve en Arménie.
Image 33 : Cuve
de sarcophage décorée d’une croix pattée. Mais la croix
pattée est tout à fait différente de celle de l'image
27. Il y a bien le « rho » mais pas le « khi ». La
croix est verticale. De plus, il y a inversion entre les
lettres grecques « alpha » et « omega ». Cette inversion est
incompréhensible. Sauf si le peuple qui a utilisé ce motif
avait une écriture de droite à gauche.
Image
34 : Couvercle de sarcophage décorée d’une croix
pattée hampée. Ici, le couvercle et la cuve sont de
dimensions analogues. Nous appelons croix pattée hampée un
type de croix analogue à une croix de procession dans
laquelle trois branches sont évasées et une étroite. Ce type
de croix pourrait être postérieur aux croix pattées à
branches évasées égales.
Image 35 : Cuve
de sarcophage décorée d’une croix à six branches. On peut
voir la croix sur le petit côté. Ce type de croix est plus
rare que les croix pattées ou les chrismes.
Image 36 : Cuve de
sarcophage décorée d’une croix pattée.
Image 37 : Motifs
décoratifs non datés.
Image 38 : On
pourrait penser que ces pierres ont été gravées dans
l’antiquité. Nous pensons que c’est beaucoup plus récent,
attribuable à l’époque moderne. Des compagnons maçons ont dû
graver ces motifs pour laisser une trace de leur passage
dans la région. On voit ici de gauche à droite, en forme de
« A », un niveau de maçon antérieur au niveau à bulle, un
pic de tailleur de pierres, et une fiole (fiole à acide ?).
Il en est de même pour l'image
39 : sur une cuve à cartouche dont les dessins
sont presque effacés, le contour du cartouche a été
approfondi et sur l’acrotère du couvercle, un niveau de
maçon a été tracé.