Les cryptoportiques d’Arles
Rappelons que, lorsque nous avons commencé à écrire les
pages de ce site, nous avons d’emblée exclu les monuments
romains car nous pensions que, concernant ces monuments,
tout semblait avoir été dit jusqu’à présent et qu’il n’y
avait plus rien à ajouter.
Si nous revenons sur cette position, c’est parce que nous
sommes confrontés à des contradictions que nous n’arrivons
pas à résoudre.
Notre position tient de la logique. Si une innovation se
produit en un lieu donné d’un territoire homogène, elle se
répand presque immédiatement à tous les lieux de ce
territoire. Ce doit être en particulier le cas en
architecture.
Dans le cas présent, la question est la suivante : nous
sommes en présence d’une construction très évoluée qui
serait datée des premiers siècles de notre ère. Comment se
fait-il que l’on ne trouve pas trace de cette évolution dans
les siècles suivants ?
Selon le site Internet « Arles
Patrimoine » : « Les
cryptoportiques forment la base, la partie cachée du
forum, place publique centrale d’une ville romaine.
Quelques éléments seulement (décoration, aménagement)
permettent d’en dater le début des travaux, quelques
années après la fondation de la colonie (précision un peu
plus loin : en 46 av. J. C.) …
… En 1951, le déblaiement des galeries permettra de mettre
au jour un dépôt de marbre contenant divers fragments
statuaires et d’inscriptions dont l’une à l’adresse de
l’empereur Auguste.
Ces découvertes apportèrent la preuve de l’identité réelle
des cryptoportiques et de l’importance du culte impérial
lié au forum romain ».
Nous nous permettons cette réflexion amusée en rapport avec
les deux derniers paragraphes : nous avons visité il y a un
an le Musée d’Arles Antique. Nous y avons découvert un grand
nombre de sarcophages paléochrétiens. Est ce que ces
découvertes apportent la preuve de l’identité réelle du
Musée d’Arles Antique (qui aurait donc été construit au IVesiècle
de notre ère) et l’importance du culte chrétien à cet
emplacement ? Il s’agit là bien sûr d’une plaisanterie
destinée à montrer qu’un dépôt de pierres ne prouve rien.
Ces pierres, dont on ne savait sans doute que faire, ont
peut-être été déposées là quelques années auparavant.
Ces cryptoportiques nous posent
question. Il semblerait d’ailleurs que nous ne soyons pas
les seuls. D’autres historiens s’interrogent de même sur
leur fonction. D’autres cryptoportiques existent dans le
monde romain, mais les plans sont différents. Et les
descriptions par Pline le Jeune de cryptoportiques dotés de
fenêtres ne correspondent pas au plan de ceux d’Arles. Il
est donc possible que la construction d’Arles ait une
fonction différente des autres constructions. Dans tous les
cas, nous ne pensons pas que ce type de construction soit
une sorte de grand vide sanitaire destiné à isoler du sol
les bâtiments supérieurs comme nous l’a expliqué la guide de
ce monument. Il nous semble que, même pour les romains, un
tel espace est trop grand pour avoir été construit en vue de
rester vide. Il devait y avoir quelque chose dans ce
bâtiment.
Ce bâtiment était doté d’une seule entrée. Ce qui le rend
peu opérationnel si on voulait en faire un marché doté de
boutiques. Nous pensons (mais sans grande certitude) que ce
pourrait être une armurerie. Une de ces armureries a été
conservée à Graz , en Autriche. Plusieurs milliers d’armes
datées du XVIeou XVIIesiècle ont
été conservées. De nombreuses villes étaient autrefois
dotées d’armureries analogues. Les armes étaient déposées là
en temps de paix. Il était très rapide de les sortir en
temps de guerre. Une seule porte suffisait pour l’occasion.
Il n’est pas exclu que de telles armureries aient existé
durant l’Antiquité. On sait en effet que chaque grande ville
s’est repliée sur elle-même, les citoyens devenant les
défenseurs de la cité.
Venons en maintenant à la datation de ces cryptoportiques.
Les images 1 et 2 nous
montrent une construction très évoluée (du moins à notre
sens) . Les voûtes sont en plein cintre sans doubleau.
Cependant, l’arc de cercle du plan sécant n’est pas à 180°,
mais plutôt à 120°. Et il en est de même pour les arcs entre
piliers. Ces voûtes font beaucoup plus penser à des voûtes
du XVIIesiècle qu’à des voûtes romaines. Et
immédiatement se pose la question suivante : puisqu’elles
sont si évoluées, comment se fait-il qu’on n’en trouve pas
ailleurs dans d’autres monuments romains ? On nous explique
que ces cryptoportiques ont été construits peu d’années
après l’an 46 avant
J. C. C’est à dire vers l’an 1 de notre ère, avant que la
plupart des grands monuments romains aient été construits.
Des monuments qui ne contiendraient pas ce type très évolué
de voûte. Nous ne pouvons être que très dubitatifs.
Notre opinion : Les cryptoportiques sont d’origine romaine.
En témoigneraient, les grandes corniches, en arrière-plan,
des images 3 et 5,
ainsi que les architraves surmontant la porte de l'image
6. À remarquer que ces linteaux en pierre doivent
supporter un poids très important. D’autant que la pierre
est un matériau peu résistant à la flexion. Ils auraient dû,
en toute logique, être remplacés par des arcs à 120 °
analogues à ceux des images
1 et 2, beaucoup plus solides.
Que s’est-il donc passé concernant les voûtes? L’hypothèse
que nous allons formuler va sembler complètement farfelue :
ces voûtes auraient pu avoir été réalisées en sous-œuvre,
très tardivement, au XVIIIesiècle. C’est en tout
cas ce que nous avons constaté à la cathédrale de Béziers :
des arcs du même type que ceux-ci (à 120°) ont été
construits sous un cloître du XVesiècle. Mais
pour être sûr de cette hypothèse, il faudrait effectuer un
plan très précis des étages supérieurs, voire des sondages.