Les croix pattées
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Tout comme les chrismes, les croix pattées (croix aux
branches évasées) ont été très répandues dans le pourtour de
la Méditerranée à partir du IVesiècle.
Cependant, à la différence des chrismes, leur origine
chrétienne est loin d’être assurée. Rappelons en effet que
le chrisme est directement inspiré du monogramme du Christ.
C’est donc bien un symbole chrétien. Concernant les croix
pattées, nous sommes moins catégoriques. En effet, en
examinant des mosaïques romaines, nous avons envisagé que
les chrétiens des premiers siècles (IIe et IIIe)
cachaient leur appartenance à la foi chrétienne. Nous avons
identifié divers types de croix : svastikas, croix tressées,
croix entrelacées (appelées, « sceaux de Salomon »), etc. Et
nous sommes obligés de poser la question : « Comment se
fait-il que, parmi toutes ces formes de croix, la croix
pattée ait pris une plus grande importance que les autres ?
». D’où l’idée qu’il ait pu y avoir convergence entre des
religions ou des cultures : d’un côté, les chrétiens
vénérant la croix du Christ, de l’autre des peuplades ayant
adopté le symbole de la croix pattée avant même leur
rencontre avec les chrétiens. Il faut en effet noter que la
croix pattée à une forte valeur symbolique : expansion dans
toutes les directions.
La croix pattée est présente jusqu’au
sud de Louksor, en Égypte (images
1 et 2). À remarquer que l'image
2 réalise une sorte de conjonction entre chrisme
et croix pattée : on y voit la boucle du « rho » de «
ki-rho », monogramme du Christ. Par ailleurs, les lettres
du chrisme, « alpha » et « oméga » , sont gravées
au-dessus de la croix.
Les plus anciennes représentations de croix pattées se
retrouvent sur des sarcophages du IVe ou Vesiècle
(images 3, 4, 6).
Mais on a vu qu’il pouvait en exister sur des autels (image 1) ou sur des
décorations de conques (image
2). On peut en voir aussi sur des impostes ou
des tailloirs (image 5
). Par ses décors, cette imposte nous apparaît
wisigothique.
La croix pattée est-elle d’origine
gothique (c’est-à-dire inventée par les goths) ? En tous
cas, elle semble avoir été répandue chez les wisigoths. En
témoigne le décor de l’église wisigothique de San Juan de
Baños (images 7 et 8).
En témoigne aussi le décor du portail de Sant Pau del Camp
de Barcelone (images 9
et 10). Cette église est réputée comme étant
romane. Cependant, son portai présente des
caractéristiques wisigothiques (image
9) : large imposte pénétrant profondément dans
la paroi, une partie de cette imposte portée par
l’intermédiaire d’un chapiteau par un pilier cylindrique,
imposte gravée de motifs wisigothiques (rosaces, croix).
Le tympan de l’église Sainte-Marie-de-Roubignac (image
12), portant une croix pattée, permet
d’envisager que cette église n’est pas romane mais
wisigothique.
Avec les images
14, 15 et 16, on aborde une période un peu plus
tardive. Mais toujours antérieure à l’an mille. De même l'image 17 de
Saint-Paul-lès-Dax présente une crucifixion sur une croix
pattée. La crucifixion avec les soldats perçant le corps
du Christ est représentée sur des miniatures du Xesiècle.
Remarquons au passage que l’on ne retrouve plus sur ces
images la croix pattée aux branches rigoureusement égales.
Sur le chapiteau de l'image
18, les
branches sont égales mais la croix est montée sur une
hampe.
Cette croix montée sur une hampe
existait déjà sur un sarcophage de l’antiquité tardive (image 20). Mais
dans ce cas, on envisage plutôt une croix processionnelle.
Il en est de même en ce qui concerne l'image
22.
Sur l'image 23, on voit ce que nous
appelons une croix pattée hampée. La hampe réduite ne
permet pas de penser qu’on est en présence d’une croix
processionnelle.
Très souvent la croix pattée hampée est associée à
l’agneau pascal. Cet agneau pascal est représenté sur une
mosaïque de Ravenne datée du VIIesiècle.
Carte interactive des monuments de France et d'Espagne
comportant un décor de croix pattées