Le Musée de Picardie à Amiens 

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Introduction à l'étude des monuments de la Somme

Par rapport à d'autres départements français, le nombre d'édifices que nous avons recensés pour la Somme est faible, 5 édifices seulement : Airaines, Ham, Lucheux, Mareuil-Caubert, Naours. Nous avons étudié deux autres monuments. Mais le premier est un musée (Amiens). Quant au second, l'abbatiale originelle de Saint-Riquier, connu seulement par la documentation, il n'existe plus. Et, comme nous le verrons en les étudiant, les cinq édifices ne nous apportent que peu d'informations. Cette carence n'est d'ailleurs pas spécifique à la Somme. On la retrouve dans d'autres départements des Hauts-de-France : l'Aisne, le Nord, le Pas-de-Calais, et, dans une moindre mesure, l'Oise. Il y a, selon nous, plusieurs raisons à cela. La première d'entre elles est que ces départements ont subi des conflits très destructeurs. On connaît bien sûr la bataille de la Somme en 1916 ou le bombardement d'Abbeville en 1940. Mais de nombreux autres lieux des Hauts-de-France ont été détruits. Les églises dont les clochers pouvaient constituer d'excellentes tours de guet ont souvent fait les frais de bombardements.
Mais il existe peut-être une autre raison à cette carence. Au cours de notre voyage dans l'Oise et la Somme en octobre 2021, nous avons constaté que la plupart des églises étaient fermées. Donc il n'y avait pas possibilité de photographier l'intérieur … pour nous, bien sûr ! … mais aussi pour tout autre visiteur éventuel. En conséquence, dans bien des cas, nous n'avons pas disposé sur Internet d'image de l'intérieur. Le plus souvent, ce sont ces images de l'intérieur qui permettent d'envisager une ancienneté.



Le Musée de Picardie à Amiens

Nous avons effectué une visite rapide de ce musée et la totalité des images de cette page a été réalisée à cette occasion.

Ce riche musée contient un grand nombre d'objets d'époques diverses. Nous avons voulu seulement représenter ceux en rapport avec le thème abordé : le premier millénaire. Nous rappelons cependant que pour les besoins de notre recherche, la période étudiée peut dépasser la barre de l'an mil. C'est le cas en ce qui concerne les dernières images de cette page (à partir de l'image 51).

Pour certaines des œuvres, nous recopions ici le texte explicatif qui leur est associé dans ce musée sans pour autant confirmer l'exactitude de ces textes, en particulier les datations, surtout lorsqu'elles sont trop précises. Pour des raisons de simplicité pédagogique, les panneaux explicatifs des musées ne sont pas accompagnés des éléments de preuve. Dans certains cas, lorsqu'une datation est établie sur des bases scientifiques ou par un texte épigraphique, elle est crédible. Dans d'autres cas, elle ne l'est pas. Et nous avons parfois de la difficulté à accepter une datation dont nous ne connaissons pas la méthode d'évaluation et les marges d'erreur. En dehors des renseignements qu'elles nous apportent, ces pièces nous émerveillent par la minutie des détails et le talent des artistes que les ont créées.

Image 1. Texte explicatif : « Sarcophage en pierre avec couvercle. Fin du IIe siècle - début du IIIe siècle après J. C.. Provenance : Amiens, rue Émile Lessot (1953). [...] ». Le texte se poursuit avec un luxe de détails concernant la fouille de ce sarcophage avec la découverte d'un squelette d'homme. Cette précision fait envisager que la fouille a été réalisée par des méthodes scientifiques rendant la datation crédible.

Image 2. Texte explicatif : « Sarcophage en plomb d'une femme “aisée”. Fin du IVe siècle après J. C.. Provenance : Amiens, nécropole Nord. Décor : deux croix de Saint André encadrent un griffon (deux fois). Ceux-ci sont représentés renversés, regardant chacun vers l'extrémité du couvercle (symbole de protection). [...] ». Mêmes remarques que pour l'image 1. À ajouter cependant : il est possible que le griffon, plus que symbolique de protection, soit en rapport avec l'immortalité. Remarquons que dans d'autres scènes de sarcophages, le griffon est associé au lion ou à la panthère.

Image 4. Texte explicatif : « Sarcophage en plomb. Fin du IIe siècle - IIIe siècle après J. C.. Provenance : Salleux (1854), Somme. [...] Le décor était obtenu au moyen d'un moule : ici, croix de saint André, quadriges au galop (images 5 et 6), et, au milieu, deux panthères assises et adossées, séparées par un canthare d'où jaillissent des feuilles d'acanthe en fleur (image 7). Les panthères qui tiraient le char triomphal de Dionysos ont certainement un rôle de protection : quant au vase à boire, on reconnaît là un attribut du dieu ». Remarque : nous ignorions que le char de Dionysos était tiré par des panthères. Il est difficile de savoir si l'attelage de l'image 6 est tiré par des panthères ou par des chevaux. Cela étant, nous trouvons que le texte ci-dessus est un peu trop descriptif et insuffisamment imaginatif. À titre de comparaison, imaginez que, visitant un cimetière en compagnie d'un guide, celui-ci vous fasse découvrir avec un luxe de détail les différentes formes de croix, d'étoiles à 5 branches, de croissants, de colonnes brisées et, pour terminer, vous apprenne que chacun de ces symboles a « certainement un rôle de protection », sans envisager que chacun d'entre eux pourrait être lié à une croyance ou à une religion (dans ce cas-là, le christianisme, le judaïsme, l'islam, l'athéisme). Bien sûr, dans le cas de ce sarcophage, nous ne savons pas exactement quel est le type de croyance ou de religion qui est associé à ces représentations. Mais il nous faut envisager la question. Il nous faut tout d'abord affirmer que le quadrige est un symbole fort. Il représente le char solaire qui entraîne le soleil dans son cycle de mort et de résurrection. Il est présent en plusieurs endroits de notre site, conduit par des amours ailés ou des enfants en bas-âge, eux-mêmes symboles de vie. De même, le canthare entouré de deux animaux symétriques (le plus souvent des oiseaux) est omniprésent sur notre site. Avec une plante jaillissant du canthare, on retrouve l'arbre de Vie.


Image 8. Texte explicatif : « Sépulture d'un chef franc dans son sarcophage. Début du VIIe siècle après J. C.. Provenance : Noroy(1875), Oise. [...] ». Le texte se poursuit avec l'inventaire des armes de ce chef franc. Le sarcophage, à cuve de forme trapézoïdale, daterait-il aussi du VIIe siècle ? Nous ne pouvons en être sûrs à cause d'une possible réutilisation d'un sarcophage plus ancien.

Image 9. Texte explicatif : « Sarcophage.. VIIe siècle après J. C.. Provenance : Saint Sauveur, Somme. Contenait entre autre une boucle de ceinture avec un chrisme. »
La présence d'un chrisme dans une tombe attribuée – peut-être à tort – au VIIe siècle, constitue un indice en vue d'une datation des chrismes.

Image 10. Texte explicatif :  « Sarcophage d'enfant (moins d'un an) en plomb. IIIe-IVe siècle après J. C.. Provenance : Flesselle, (Somme), près d'une villa romaine. ». L'existence de ce sarcophage d'un enfant de moins d'un an vient contrebalancer l'idée selon laquelle, pour les romains, la vie commençait deux ans au moins à partir de la naissance. Cependant, si on se situe bien au IIIe ou IVe siècle, on peut penser que les conceptions avaient pu évoluer. À cela il faut ajouter l'instinct de la mère. Celle-ci, portant immédiatement son affection sur le nouveau-né, est peu influencée par les grandes conceptions philosophiques sur la vie et la mort.

Image 11. Texte explicatif : « Sarcophage en plomb d'un enfant. Début du IVe siècle après J. C.. Provenance : Amiens, Nécropole Nord, Citadelle. ».

Image 12. Texte explicatif :  « Fragment de mosaïque polychrome en plomb d'un enfant. IIe siècle après J. C.. Provenance : Amiens, Cour de la gendarmerie nationale (1856)». La datation du IIe siècle peut se révéler intéressante en vue de dater des mosaïques de même style.


Concernant les pièces d'orfèvrerie en bronze (images de 13 à 49), nous n'avons pas relevé toutes les explications. D'ailleurs, bon nombre d'entre elles n'étaient pas datées. Pour les datations qui ont été récoltées, ellesconcernent la deuxième moitié du VIe siècle, la première moitié du VIIe siècle, ou le VIIe siècle dans son ensemble.

Image 14 : Plaque-boucle de ceinturon. Sur l'ardillon, probable représentation d'une tête humaine très stylisée. Sur la plaque, représentation aussi stylisée d'un quadrupède : cheval ou taureau.

Image 15 : plaque-boucle de ceinturon. Sur l'ardillon, représentation d'une tête humaine stylisée.

Image 17 : Plaque-boucle de ceinturon. Sur la plaque, entrelacs imitant la vannerie. Au bout des brins, des têtes de serpent.

Image 18 : Plaque-boucle de ceinturon. Sur l’ardillon, une croix grecque. Sur la plaque, des entrelacs imitant la vannerie.


Image 19 : Fibule en émail cloisonné. Un rapace est représenté dressé. Son bec, aussi gros que le reste est, lui aussi dressé et recourbé. Ce type de représentation se retrouve dans les trois aiguilles ou fibules de l'image 24.

Les objets des images de 20 à 22 ne présentent pas un décor qui les caractérisent.

Image 23. On reconnaît sur cette broche l'image d'un sphinx : aile au dessus du corps de lion et bec d'oiseau.

Image 26. On reconnaît sur cette broche deux lézards ou serpents placés tête-bêche.


Les objets des images 27, 28, 29, 31, 32, 33 ne présentent pas un décor qui les caractérisent.

Image 30 : Petit disque orné de cabochons. On reconnaît, au centre, la croix latine. Nous ne sommes pas pour autant certains que, dans le cas présent, la croix représente un symbole chrétien.

Image 34 : Sur l'ardillon, on identifie la figure appelée « sceau de Salomon », figure que l'on retrouve sur la plaque, à gauche. Toujours sur la plaque, on repère, au centre, et à droite, la même figure d'un quadrupède (un lion ?) au corps enroulé occupant tout l'espace rectangulaire qui lui est réservé.

Image 35 : Au centre de la bande du milieu, une croix latine. Elle est encadrée par deux croix pattées. De part et d'autre de cette bande médiane, des entrelacs avec, à l'extérieur, des têtes de loups.

Image 36 : Décor énigmatique.

Images 37 et 38 : Ardillons décorés de têtes humaines stylisées.

Image 39 : Les plaques sont décorées d'entrelacs. L'ardillon (image 40) est orné de deux têtes de loups.

Image 41 : Le décor est ici géométrique.


Image 44 : Sur l'ardillon, on peut voir une tête humaine très stylisée qui n'a rien à envier avec l'art moderne ou l'art africain.

Image 45 : Au centre de la plaque, une croix. Elle est entourée d'un disque, lui-même sur fond de croix. Ce disque pourrait symboliser le monde avec ses points cardinaux. La lecture serait donc : la croix au centre du monde.

Images 46 et 47 : Deux plaques-boucles très détériorées.

Image 48 : Sur l'ardillon, un entrelacs en forme de croix. Sur les plaques, à gauche et à droite, des serpents. On remarque sur certains d'entre eux que la queue s'épanouit aussi en tête de serpent.

Image 49 : Les deux plaques sont décorées d'entrelacs.


Image 50. Texte explicatif : « Stèle funéraire dite “aux trois personnages”. IIe siècle - début du IIIe siècle après J. C.. Provenance : stèle découverte en réemploi à Amiens au marché au Feurre (1882). La scène représente le défunt entouré de ses parents. La mère, dans un geste affectueux, l'enserre par les épaules tandis que le père lui présente une corbeille contenant des fruits et du pain. Le jeune homme tient un gobelet et porte au niveau de la ceinture un élément de balance l'assimilant à un marchand. Le tympan de la niche est orné à gauche d'une axcia (herminette) consacrant la tombe et lui assurant l'inviolabilité et à droite un long ciseau de sculpteur. Sur le côté droit, des palmettes (feuilles d'acanthe) complètent le décor. »

Images 51, 52, 53, 54. Texte explicatif : « Cuve Baptismale. Provenance : Picardie vers 1145-1150. Provient de l'abbaye Saint-Pierre de Sélincourt (Somme). Utilisée lors de la liturgie du baptême, cette cuve représente une iconographie savante en lien avec ce sacrement du christianisme. Les faces opposées se répondent : deux d'entre elles montrent des anges sortant de nuées et portant des couronnes pour les nouveaux élus (images 51 et 53). Les deux autres illustrent des épisodes de la Vie du Christ. On voit la présentation au Temple sur une face (image 52), le baptême dans le Jourdain et le Christ trônant entre l'Église et la Synagogue sur l'autre (image 54). Toutes ces scènes évoquent la purification et l'affirmation de la foi. L'iconographie du Christ couronnant l'Église et dévoilant la Synagogue est très rare ; elle symbolise le triomphe de la foi et le dévoilement du sens caché de l'Ancien Testament. ». Nous avons plusieurs observations à faire au sujet de ce texte. D'abord au sujet de la date (vers 1145-1150). Il faut comprendre qu'une estimation de datation n'a de sens que si on fournit une marge d'erreur. Si on donne la date (vers 1150) il n'y a pas d'indication précise sur la marge d'erreur qui peut être de 20 ans, de 50 ans ou de 100 ans. Mais lorsque l'auteur donne les deux dates de 1145 et 1150, il introduit une marge d'erreur de 5 ans et il est normal de penser que l'auteur situe l’œuvre entre 1140 et 1155 : une précision qui nous semble risquée et mériterait des explications.

En ce qui concerne les deux scènes de l'image 52, nous pensons que ce n'est pas la présentation au Temple, mais, à gauche, l'ange montrant le tombeau (du Christ) vide et, à droite, les Saintes Femmes au tombeau. En ce qui concerne le baptême de l'image 54 il s'agit bien du baptême du Christ, car il est représenté non dans les flots, mais au-dessus et entouré par les flots. Les trois scènes sont bien rapport avec le symbolisme du baptême. Nous avons de na difficulté à comprendre quel est le rapport entre le couronnement de l'Église et le dévoilement de la Synagogue et le symbolisme du baptême. Il est possible que cette scène soit conjoncturelle : par exemple que les moines de l'abbaye Saint-Pierre de Sélincourt se soient donné pour mission de convertir des juifs. (Mais il ne s'agit là que d'une hypothèse. D'autres sont envisageables.)

Images 55, 56, 57, 58. Texte explicatif : « Plaque de reliure de Saint Rémi. Provenance : Reims vers 880 – Ivoire d'éléphant, incrustations de bronze dore. Cette plaque est divisée en trois registres représentant chacun un miracle de l'évêque de Reims, Saint Rémi. En haut (image 56), le saint ressuscite une jeune fille. En dessous (image 57), il obtient que Dieu, dont on voit la main sortir des nuées, remplisse deux flacons de Saint-Chrême pour administrer le baptême à un mourant. En bas (image 58), une colombe apporte à Saint Rémi l'ampoule nécessaire au baptême du roi des Francs Clovis, représenté dans une cuve baptismale. Il s'agit de la plus ancienne représentation connue du baptême de Clovis. Cette plaque a peut-être orné le manuscrit de la Vie de Saint Rémi écrite par l'archevêque de Reims Hincmar vers 876-878. »

Images 59, 60, 61, 62 : Châsses en émaux limousins. Nous n'avons pas recueilli les informations données par les panneaux explicatifs. Ces châsses dateraient pour la plupart de la première moitié du XIIIe siècle. Nous les exposons ici, tant pour leur qualité artistique, que pour les renseignements qu'elles peuvent fournir sur l'iconographie de cette période.


Images 63 et 64 : Deux pyxides en cuivre émaillé. Elles sont elles aussi datées de la première moitié du XIIIe siècle.

Image 65. Texte explicatif : « Colombe eucharistique. Limoges vers 1210-1220. Cuivre champlevé émaillé et doré. Provient de l'église de Raincheval (Somme), puis trésor de l'ancienne abbaye royale de Corbie (Somme). ». L'invention du tabernacle dans les églises est relativement récente. Au Moyen-Âge, de telles colombes étaient utilisées pour porter les hosties sacrées. Elles étaient suspendues au-dessus de l'autel et, grâce à un système de poulies, on pouvait les faire descendre.

Image 66 : Croix processionnelle datant, probablement aussi, du XIIIe siècle.

Image 67. Texte explicatif : « Crosse épiscopale. Limoges vers 1210-1220. Cuivre champlevé gravé, ciselé, émaillé et doré. Provient de la cathédrale où elle aurait été trouvée dans le tombeau de Guillaume de Mâcon, évêque à Amiens de 1278 à 1308. [...] ».

Image 68. Texte explicatif : « Chapiteaux de l'abbaye Saint-Martin-aux-Jumeaux à Amiens. ». Les deux chapiteaux sont datés du deuxième quart du XIIe siècle. Mais ce, sans justification, ce qui diminue la portée de l'information.

Image 69. Texte explicatif : « Chapiteaux à décor de feuillages. Nord de la France vers 1153-1163. Proviennent de l'abbaye Saint-Josse de Dommartin (Pas-de-Calais). ». Même remarque que pour le paragraphe précédent.