La basilique Saint-Sernin de Toulouse 

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La plupart des toulousains seraient surpris d’apprendre que, très probablement, Charlemagne a résidé dans leur ville. On ne peut en être sûr pour lui, mais on le sait pour certains de ses successeurs. Ceux-ci ont confirmé des donations faites par lui à des habitants de Béziers ou de sa région. Ils l’ont fait à partir de l’abbaye de Saint-Sernin de Toulouse.

En fait, les rois de France n’avaient pas de lieu de résidence privilégié mais des palais qu’ils occupaient épisodiquement. On connaît le palais d’Aix-la-Chapelle de Charlemagne. Mais ce n’était pas son seul palais. Lorsque Charlemagne ou ses successeurs se déplaçaient dans une région du royaume, ils occupaient un lieu de résidence central de cette région. En ce qui concerne le Midi de la France, ce devait être l’abbaye de Saint-Sernin de Toulouse. Pas seulement d’ailleurs pour le Midi de la France. Pour le Nord de l’Espagne aussi. On réalise de plus en plus que les affrontements qui se sont produits à cette époque ne doivent pas se résumer à la seule défaite bien connue de Roncevaux. Et Saint-Sernin devait être un centre logistique en vue de lancer des opérations hardies sur des villes comme Saragosse ou Pampelune.

En conséquence, l’abbaye de Saint-Sernin a dûe être largement dotée par Charlemagne et ses successeurs. On le sait pour l’abbaye voisine Saint-Jacques de Toulouse.

Qu’en est-il à présent de l’abbatiale ? Soyons certains qu’une église existait au même emplacement au temps de Charlemagne. Peut-on penser qu’il ne reste absolument rien de cette église ?

Nous avons visité l’actuelle abbatiale il y a fort longtemps et n’avons pas eu l’occasion d’y revenir depuis. Nous avions à ce moment-là éprouvé une certaine surprise en la voyant, car elle ne ressemblait à aucune des églises romanes que nous avions l’habitude de voir.

Nous comprenons à présent les raisons de cette surprise. En effet, cette église s’apparente beaucoup plus aux grandes basiliques rhénanes comme Mayence, Worms ou Spire, qu’à nos traditionnelles églises romanes. Hormis l’abbatiale de Conques aussi apparentée aux basiliques rhénanes.

Les caractéristiques de ces églises sont les suivantes : ce sont des églises à nef triple (nef quintuple pour Saint-Sernin). Ces nefs étaient primitivement charpentées. Leurs murs extérieurs sont percés de grandes fenêtres peu décorées. Les collatéraux très élevés sont dotés de tribunes dotées de grandes baies. Cette disposition permet d’éclairer le vaisseau principal sans avoir nécessité de percer des baies dans les murs gouttereaux du vaisseau principal.

Les grandes églises allemandes sont dites « ottoniennes » car leur construction est attribuée aux empereurs Othon (Othon I, II et III) qui vivaient aux alentours de l’an 1000. Néanmoins, il est possible que certaines de ces constructions soient antérieures aux empereurs Othon.

En conséquence de toutes ces observations, l’abbatiale Saint-Sernin de Toulouse pourrait bien remonter au IXesiècle. Tout l’édifice ne serait pas concerné par cette datation. Seulement la nef et peut-être le transept. Nous pensons que, comme à Conques, le chevet est postérieur, du XIIesiècle.

C’est en tout cas ce que nous envisageons de vérifier prochainement lors d’une visite approfondie de l’édifice. La page Internet qui devrait en résulter risque d’être nettement plus documentée que l’actuelle page.


Sur l'image 1 représentant la nef, le croisillon du transept et le clocher de croisée, on distingue les différences d’appareillages de pierre et de décor des fenêtres.
Question : quelle est dans cette image la partie qui pourrait dater du IXesiècle ?

L'image 2 est celle de l’intérieur de la nef. Celle-ci aurait été voûtée au XIIesiècle. Comment cette opération s’est-elle passée ?

La porte Miègeville (image 3) est bien connue des toulousains. Et ses sculptures constituent un chef d’œuvre de l’art roman. Cependant, observons les voussures du portail. Est-ce un hasard si les arcs semblent outrepassés ?


Ajour d'images et de commentaires

À la date du 11 janvier 2020, nous avons ajouté les images de 4 à 24, ainsi que les commentaires ci-dessous. Ceci afin de permettre au lecteur de mieux connaître cette église. Cependant, nous estimons que son étude n'est pas encore terminée. Il y a encore beaucoup de zones d'ombre et nous espérons pouvoir reprendre son étude prochainement.

Nous avons visité cette église en juillet 2019. Il s'agissait d'une visite rapide qui ne nous a pas permis de tout voir. De plus, l'accès au chœur est interdit aux visiteurs occasionnels. Or, de nombreux éléments sculptées se trouvent dans des parties actuellement non accessibles au public (déambulatoire, galeries supérieures). Nous espérons pouvoir un jour effectuer cette visite.


Le plan de l'image 9 fait état d'une nef à 5 vaisseaux. Est-ce une illusion de notre part, mais il nous semble que les deux vaisseaux extrêmes sont plus récents ? L'édifice primitif devait être à trois vaisseaux. Nous pensons aussi que, bien que le plan de l'édifice soit parfaitement symétrique et qu'il fasse envisager l'absence de modifications au cours du temps, il a dû être profondément remanié. En particulier, le très beau clocher visible sur l'image 5 n'est pas le clocher d'origine.

À présent, comparons les structures architecturales d'un collatéral et du vaisseau central. Dans un collatéral, ici le collatéral Nord (image 15), les voûtes d'arêtes reposent sur des arcs doubleaux qui sont soutenus par des impostes portées par des pilastres à section rectangulaire.

La voûte en plein cintre,repose elle aussi sur des doubleaux. Mais ceux-ci sont soutenus par le système chapiteau-tailloir porté par des colonnes demi-cylindriques adossées aux piliers (image 12). La structure architecturale est donc toute différente. D'où l'idée que les deux constructions ont pu être séparées dans le temps, l'aménagement (ou plutôt le réaménagement) du vaisseau central étant postérieur. Les images 14 et 16 confirment cette idée. À savoir que les colonnes demi-cylindriques ont été ajoutées à des piliers déjà construits. Les constructeurs de ces colonnes les ont posées sur un socle. Ce socle formé de blocs quadrangulaires est bien visible à la base des piliers. Alors que le socle des piliers n'est pas visible, caché sous le niveau du sol (image 14). L'image 16, quant à elle, fait apparaître inesthétique un détail. La demi-colonne verticale interrompt brutalement une frise ouvragée. En fait, les constructeurs n'ont pas pu faire autrement. Primitivement, la frise courait sur toute la largeur du pilier. Lorsque les maçons ont ajouté aux piliers les demi-colonnes, ils ont été obligés de casser la frise pour laisser le passage à la demi-colonne. Si la frise avait été construite en même temps que la demi-colonne, les maçons lui auraient fait contourner la demi-colonne. Il s'agit là d'une observation effectuée dans plusieurs églises. Nous avons même pu observer les deux dispositions (frise interrompue ; frise contournée) à l'église de Til-Châtel (Côte d'Or) et avons pu en déduire les transformations effectuées.


Reprenons notre raisonnement. : la nef primitive devait être à trois vaisseaux, le vaisseau central étant charpenté. Ultérieurement, cette nef primitive aurait été voûtée grâce à la pose de colonnes semi-cylindriques contre les piliers. Élevons à présent notre regard vers les voûtes (image 12). Les colonnes adossées aux piliers sont terminées par des chapiteaux porteurs des arcs doubleaux. Rappelons que ces chapiteaux sont tout à fait différents des impostes des collatéraux (image 15), impostes ou corniches qui font le tour des piliers et que l'on retrouve du côté du vaisseau central (image 12). À une exception près toutefois : l'arc situé à droite (contre le transept) est porté à gauche par une imposte et à droite par un chapiteau. Cette particularité fait envisager que le transept a été construit ou au moins consolidé durant la deuxième campagne de travaux. De même, on observe que les tribunes (images 17, 18 et 19) sont dotées de chapiteaux semblables à ceux de la nef. Elles aussi pourraient avoir été construites lors de cette deuxième campagne de travaux.

Une très belle fresque datée probablement du XIVesiècle (nous n'avons pas de précision là-dessus) orne le croisillon Nord du transept (image 20).

Venons-en à présent au très bel autel à cupules (images 21, 22, 23 et 24). D'après une inscription, il serait daté du XIIesiècle. Notre opinion personnelle est que cet autel pourrait être bien antérieur au XIIesiècle. L'inscription a pu être établie au XIIesiècle lors d'une consécration (ou reconsécration) de cet autel. Les vêtements des personnages (toges), leurs attitudes (portraits en buste), la présence d'une croix pattée hampée et d'un cartouche (image 24), font plus penser à une œuvre romaine qu'à une œuvre romane. Nous estimons que cet autel remonte à l'antiquité tardive (an 500 avec un écart de plus de 100 ans).


Datation envisagée pour la basilique Saint-Sernin

Nous estimons qu'il y a eu au moins deux grandes étapes de construction. L'église primitive aurait été construite durant la période carolingienne (Nous n'aimons pas ce mot « carolingien ». Il laisse penser qu'une réalisation peut avoir été le fait d'un souverain ou d'une dynastie de souverains - J'habite une maison construite durant la présidence de Giscard d'Estaing. Dois-je dire qu'il s'agit d'une maison giscardienne ? - Cependant, dans ce cas particulier, le mot semble adapté à la situation. L'abbaye Saint-Sernin de Toulouse a été le lieu de résidence des empereurs carolingiens lors de leurs séjours dans cette région de France).

La datation envisagée pour cette première construction est l'an 850 avec un écart de plus de 50 ans.

Pour la deuxième étape de constructions (parties hautes de la nef, transept et chevet), la datation envisagée est l'an 1125 avec un écart de 50 ans.