L'église Saint-Martin-de-Vic à Nohant-Vic 

• France    • Centre - Val de Loire    • Article précédent    • Article suivant    


Nous recommandons au lecteur occasionnel de notre site de lire cet avis, le lecteur assidu étant quant à lui habitué à nos prises de position.

Cette église rurale Saint-Martin-de-Vic a fait l'objet de nombreuses études qui portent principalement sur un ensemble de fresques parmi les mieux conservés de France. La page que nous proposons ici n'est qu'un reflet de ces études. Elle est surtout destinée à rechercher une datation de l'église et de ses fresques.

Voici des extraits du texte de l'encyclopédie en ligne Wikipedia relatif à cet édifice :

« ... Tout à la fin du XIe siècle, entre 1092 et 1099, l'église de Vic est donnée à l'abbaye de Déols. C'est la première trace de l'existence de l'église, mais il ne s'agit probablement pas du bâtiment actuel dont la partie la plus ancienne est le chœur non voûté, sans doute antérieur au XIIesiècle. En 1485, la charpente est lambrissée à neuf, suivant une inscription peinte sur un des entraits. [...]

En 1929, l'entrée de l'abside est reprise. Les fresques sont alors déposées, transférées sur toile, puis marouflées sur le mur consolidé. L'étude faite à cette occasion par
M. Jean Hubert a permis d'éclairer l'historique de la construction. Elle a montré que l'abside en hémicycle est postérieure au chœur, mais antérieure à la réalisation des fresques, et que la chapelle méridionale a été construite après la réalisation des fresques. La partie la plus ancienne, le chœur, a dû être édifiée avant le rattachement de l'église à l'abbaye de Déols. Les fresques ont été réalisées après le rattachement de l'église à l'abbaye. La chapelle sud a été construite peu après.
[...] »

Nous conseillons au lecteur de consulter une autre page de Wikipedia décrivant plus particulièrement les fresques de cette église.

Nous avons effectué une visite rapide de ce monument et la majorité des images de cette page a été réalisée lors de cette visite.

Remarquons tout d'abord la présence d'une cuve de sarcophage à proximité immédiate de l'église (images 2 et 3). Ce sarcophage, de forme trapézoïdale, à logette céphalique, est datable de l'Antiquité tardive ou du Haut-Moyen-Âge (an 600 avec un écart supérieur à 100 ans). À proximité aussi a été déposée une cuve baptismale probablement taillée dans un fût de colonne cannelée antique (images 3 et 4).

Le plan de l'église (image 1), ainsi que les commentaires ci-dessus, permettent d'envisager le déroulement suivant : l'édifice primitif était une chapelle à nef unique et chevet carré. Subsisterait de cet édifice l'actuelle nef à l'exception de la partie Ouest, restaurée au XIXesiècle, et l'actuel chœur. Par son plan, cet édifice s'apparenterait aux nombreuses églises préromanes du Sud de la France. L'abside à plan semi-circulaire et voûtée en cul-de four aurait été ajoutée plus tard.

Selon Jean Hubert, cité ci-dessus, les fresques couvrant la nef, le chœur et l'abside, seraient contemporaines ou postérieures à la création de l'abside. Nous confirmons ce point de vue. Le style de peinture, bien différent de ce que l'on voit ailleurs, est le même partout sauf peut-être sur le mur Sud de la nef (image 13) ou dans l'intrados de l'arc triomphal (image 14).

Comme il a été dit auparavant, le chœur serait antérieur à l'abside, devenue un nouveau chœur pour l'église. Antérieur ! Mais de combien de temps ? Si on cherche à ramener toutes les constructions au XIIesiècle, on a tendance à compresser le temps. Mais il faut bien comprendre qu'en architecture, les bouleversements s'effectuent dans la durée. Changer l'emplacement du chœur nécessite de la réflexion. Et sans doute de longs débats avec les paroissiens. Avec des oppositions du style : « Mon grand-père a assisté à la construction de ce chœur et c'est son père qui avait payé une partie des frais ». On peut estimer l'écart entre deux constructions majeures sur un même monument à au moins un siècle.

La grande fenêtre de l'abside a été probablement percée ultérieurement à la construction de cette abside. Ce percement a endommagé la fresque. Il devait y avoir primitivement une fenêtre axiale petite et étroite. Nous estimons que ce type d'abside peu éclairée est antérieur à l'an 1100. Ce qui entraîne donc que l'église primitive a très probablement été construite avant l'an mille.

Une autre évaluation peut être basée sur les impostes de l'arc triomphal (images 25 et 26). Nous les estimons aussi préromanes, antérieures à l'an mille : dans l'art roman (après l'an mille), l'arc triomphal est porté par le système pilastre adossé (ou colonne demi-cylindrique adossée)-chapiteau-tailloir.


Image 5. Murs Est et Sud de la nef : vue d'ensemble.

Image 6. Détail du mur Est de la nef : les apôtres.

Image 7. Détail du mur Est de la nef : l'Adoration des Mages.

Image 8. Détail du mur Est de la nef : la Présentation au Temple.

Image 9. Détail du mur Est de la nef : le Christ en Gloire.

Image 10. Détail du mur Est de la nef : l'Agnus Dei avec en arrière-plan une croix pattée.

Image 11. Détail du mur Est de la nef : l'accusation de la Vierge et l'Annonciation. En-dessous, les images du soleil et de la lune.

Image 12. Détail du mur Est de la nef : la Descente de Croix.


Image 13. Détail du mur Sud de la nef.

Image 14. Détail de la fresque de l'intrados de l'arc triomphal : le combat du vice et des vertus.

Image 15. Le mur Nord du chœur.

Image 16. Détail de la fresque du mur Nord du chœur : l'enlèvement du corps de Saint Martin de Tours. Il faut lire cette image-ci et la suivante comme une bande dessinée dotée de bulles. L'image d'arrière-plan représente la ville de Candes ou de Poitiers où était conservé le corps de Saint Martin. En avant-plan, sous une bulle en forme de demi-ellipse, on voit un intérieur de cette ville (cimetière ? église ?). Quand les Poitevins sont endormis (à gauche), les Tourangeaux (à droite) s'emparent du corps du saint et le font sortir de la bulle (remarquer l'expression dynamique de la scène).

Image 17. Détail de la fresque du mur Nord du chœur : l'enlèvement du corps de Saint Martin de Tours. C'est la scène suivante. On retrouve le drapé qui enveloppait le corps du saint, sortant d'une bulle située dans une église. Le linceul est tiré par les Tourangeaux restés à l'extérieur de la ville.

Image 18. Détail de la fresque du mur Nord du chœur : le Lavement des pieds et Saint Pierre s'apprêtant à trancher l'oreille d'un serviteur.


Image 19. Détail de la fresque du mur Nord du chœur : l'ensemble de la scène de l'Arrestation du Christ avec Simon de Cyrène portant la Croix (fresque en partie endommagée). En apparence anachronique (Simon de Cyrène n'intervient qu'après d'autres scènes de la Passion), la scène se révèle hautement symbolique. Le Christ, qui a humblement lavé les pieds de ses disciples, est obligé de les quitter pour suivre son Destin. Remarquer la volonté de donner une impression de mouvement : corps tendus en direction de la droite, Christ retourné vers les siens qui s'agrippent à lui pour l'empêcher de partir. Au-dessous, des vagues symbolisent la tempête.

Image 20. Le mur Sud du chœur avec en haut, à gauche, la purification des lèvres d'Isaïe et, à droite, l'entrée du Christ dans Jérusalem.

Image 21. Détail du mur Sud du chœur : le Paradis.

Image 22. Détail du mur Sud du chœur : Adam et Ėve, menacés par un démon, sont protégés par un ange.

Image 23. Détail du mur Ouest du chœur : La Sainte Cène.

Image 24. Détail du mur Ouest du chœur : suite de l'entrée du Christ dans Jérusalem (voir l'image 20). On remarque sur ces deux images que les deux parties de cette composition ne sont pas dans le même alignement.


Image 25. Détail du mur Ouest du chœur : David en prophète.

Image 26. Détail du mur Ouest du chœur : Moïse en prophète.

Image 27. Détail de la fresque de l'abside : Christ en Majesté inscrit dans une mandorle soutenue par deux anges et encadré par les symboles des Évangélistes (Tétramorphe).

Image 28. Détail de la fresque de l'abside : La Visitation et le martyre de Saint Pierre, crucifié la tête en bas.

Image 29. Détail de la fresque de l'abside : Jésus devant Hérode.

Image 30. Le mur Est du chœur : trois prophètes.


Des détails un peu surprenants

Nous avons déjà remarqué l'impression de mouvement que l'artiste a voulu donner à diverses scènes. Une telle pratique est presque inexistante dans l'art byzantin, qui a inspiré de nombreuses mosaïques ou fresques, et rare dans l'art roman.

Nous notons une autre particularité : le « kilt ». En fait, il ne s'agit pas tout à fait d'un kilt écossais (une jupe plissée) mais d'une robe évasée à la base que l'on peut voir sur certains personnages : Nicodème déclouant le Christ (image 12), soldat traînant le Christ et Simon de Cyrène (image 19), habitants de Jérusalem accueillant le Christ
(image 20). L'existence de personnages portant un kilt ou une robe évasée a été détectée sur plusieurs œuvres principalement préromanes. Cela n'implique pas cependant que ces fresques sont aussi préromanes. Les robes évasées qui habillent ces personnages ont pu caractériser certains groupes d'hommes durant les périodes romanes. Après tout, le kilt écossais a survécu jusqu'au XXesiècle !

Dernière observation (il y en a sûrement beaucoup d'autres à faire). Nous avons examiné des représentations de monuments :

Image 7 : édifice à plan circulaire avec noyau central.

Image 8 : trois édifices à plan circulaire avec noyau central encadrant deux corps de bâtiment à plan rectangulaire.

Images 16 et 17 : une ville (Poitiers ?) avec à gauche trois tours, dont deux à plan circulaire avec noyau central. Ces trois tours encadrent deux corps de bâtiment à plan rectangulaire. À droite, une église à trois absides dont l'une où se trouve le corps du saint.

Image 18 : On retrouve en haut les trois édifices à plan circulaire avec noyau central encadrant deux corps de bâtiment à plan rectangulaire de l'image 8.

Image 23 : On retrouve en haut les trois édifices à plan circulaire avec noyau central encadrant deux corps de bâtiment à plan rectangulaire des images 8 et 18. Avec en plus, à gauche, une étroite tour cylindrique (mais qui peut appartenir à l'autre scène : entrée de Jésus dans Jérusalem).

Conclusions que nous tirons de ces images :

D'une part, les édifices à plan circulaire avec noyau central que nous avons désigné sous le nom de « parlements », pourraient avoir été plus fréquents que ce que l'on croyait auparavant. D'autre part, les monuments représentés sur les images 8, 18 et 23 se ressemblent à tel point que l'on peut imaginer qu'il s'agit d'une seul monument qui a servi de modèle. Un monument qui a donc probablement existé.



Datation

Datation envisagée pour l'église primitive de Saint-Martin-de-Vic à Nohant-Vic : an 925 avec un écart de 150 ans.

Datation envisagée pour les fresques de l'église Saint-Martin-de-Vic : an 1025 avec un écart de 100 ans.