L'église Saint-Laurent de Palluau-sur-Indre
Nous recommandons au lecteur occasionnel de notre site de lire cet avis, le
lecteur assidu étant quant à lui habitué à nos prises de
position.
La page du site Internet Wikipedia relative à cette église
est fort peu prolixe. En voici un extrait : « L'église
fut construite entre le XIeet le
XVesiècle. L'édifice est classé au titre
des monuments historiques, le 7 mars 1945, pour les
parties de l'église correspondantes au chœur, à l'abside
et à la crypte (parcelle BD 308). Le reste de l'église est
inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du
11 juin 2013. [...] »
Nous avons effectué une visite rapide de ce monument et la
majorité des images de cette page a été réalisée lors de
cette visite.
Lors de cette visite, nous n'avons pu accéder qu'à une
partie de l'édifice, la partie contenant les salles du plan
de l'image 3 intitulées
«croisée», «chœur», «abside». Mais pas aux bas-côtés Nord et
Sud, la nef et la crypte. Par ailleurs, cette visite a été
effectuée en août 2009, c'est-à-dire bien avant que nous
ayons relevé les principaux traits caractéristiques
permettant de mettre en œuvre un processus de datation.
L'étude des photographies que nous avons prises à ce
moment-là est néanmoins révélatrice de diverses
modifications dans le programme des constructions.
La toute première lecture de ces images concerne le plan de
l'image 3. Il
apparaît immédiatement que c'est le plan d'une église à nef
à trois vaisseaux. Mais une église très profondément
modifiée au cours du temps. Il manque le croisillon Sud du
transept et il ne resterait que le tiers des collatéraux
Nord et Sud de la nef. En ce qui concerne les piliers de la
nef et du transept, il n'en existe pas deux de semblables.
On peut néanmoins dégager un profil type. : le type R0001.
C'est à dire un pilier à plan rectangulaire avec une saillie
à plan rectangulaire située vers l'intérieur du vaisseau
central. Trois piliers sur six s'apparentent à ce modèle.
Deux autres piliers sont plus massifs, mais cela vient du
fait qu'ils ont été renforcés pour supporter la croisée du
transept. Il en reste un au Sud, de type
R0101 (ou R1111
?). Mais cette différence vient du fait que la saillie
tournée vers le collatéral était destinée à porter un arc
doubleau qui à son tour devait porter une voûte couvrant la
salle intitulée «bas-côté Sud».
Notre hypothèse est la suivante : la nef primitive était
charpentée. Le vaisseau central était porté par des piliers
rectangulaires de type R0000.
Plus tard, il a été décidé de voûter le seul vaisseau
central. Des pilastres ont été adossés aux piliers côté
vaisseau central. Ces pilastres ont servi à porter des
doubleaux qui, à leur tour, ont porté la voûte. Si cette
hypothèse est la bonne, cette nef serait de haute ancienneté
(an 650 avec un écart de 150 ans).
L'image
10 fait découvrir d'autres anomalies de
construction. On constate tout d'abord que les fenêtres ne
sont pas disposées au centre des grandes arcades qui les
surmontent. D'où l'idée que ces arcades ont été installées
postérieurement aux fenêtres. Les fresques de couleur ocre
ont été peintes après ces transformations, soit
immédiatement après, soit plus tard. Il resterait peut être
des traces d'anciennes fresques qui devaient être cachées
derrière la colonne supportant le chapiteau actuellement
dépourvu de soutien. Pourquoi ces transformations ont-elles
été faites ? Très probablement dans le but de voûter le
chœur (plus exactement l’avant-chœur) auparavant charpenté.
Notre hypothèse est la suivante : le mur Nord de
l’avant-chœur primitif devait ëtre percé de deux fenêtres
identiques dont le modèle est celle de gauche. Cet
avant-chœur étant charpenté, on a décidé de le voûter d'une
voûte en plein cintre sur doubleaux plein cintre. Mais le
faîte des murs latéraux n'était pas suffisamment épais pour
supporter une voûte. On a décidé de l'épaissir en le
doublant côté intérieur. Mais pour éviter que cette
opération vienne obturer les fenêtres, on a élevé au dessus
et autour de ces fenêtres les arcades qui permettent de
soutenir le pan de mur adossé à l'ancien mur.
Autre modification : la fenêtre de droite a été en partie
occultée pour laisser un peu de place à une niche située
au-dessous. Il s'agit là probablement d'un armarium destiné
à accueillir les objets de culte.
L'image 12 se
révèle aussi intéressante. Elle révèle la partie de mur
située entre deux fenêtres de l'abside (en bas, à gauche,
sous la fresque représentant la Vierge en gloire de l'image 4). On constate
que la corniche horizontale a été endommagée des deux côtés.
Très probablement cette destruction est due, soit au
percement des deux fenêtres voisines, soit à l'élargissement
de fenêtres préexistantes.
Les fresques de cette église méritent une attention
particulière. On distingue un Christ en Gloire entouré d'une
mandorle et du tétramorphe (image
6), une Vierge en Majesté (images
8 et 9), un saint et des pampres de vigne (images 10 et 11).
Malgré leur apparence romane, ces fresques pourraient dater
d'une période un peu plus récente que la période romane (XIIIesiècle ?).
Datation
envisagée
Nous avons ci-dessus envisagé que la nef pourrait remonter
au Haut Moyen-Âge ou à l'Antiquité Tardive. Cependant, nous
ne disposons d'aucune preuve. Par contre, les observations
effectuées sur le mur Nord du chœur ainsi que sur l'abside
permettent de conclure à une succession d'au moins deux
étapes de travaux, séparées par une période de carence de
travaux. Nous évaluons ce temps d'arrêt à au moins un siècle
(c'est ce qui se passe à l'heure actuelle pour bon nombre de
constructions qui subissent des changements minimes tous les
10 ans et des changements radicaux tous les 100 ans ou
plus). La dernière des constructions observées est romane.
Elle daterait du douzième siècle. La construction précédente
lui serait antérieure d'un siècle. En conséquence, la
datation envisagée pour l'église Saint-Laurent de
Palluau-sur-Indre est l'an 1050 avec un écart de plus de 100
ans.