Autres églises du Val d'Aran susceptibles de dater du premier millénaire 

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Lors d'un court séjour en Ariège, nous avons profité d'un bref passage au Val d'Aran pour essayer de visiter des églises de cette région. Celles de cette page étaient fermées au moment de la visite mais pour deux d'entre elles, Santa Maria d'Arties et Santa Maria de Vilamòs, nous avons pu récupérer des images de l'intérieur. Les photographies de l'extérieur ont été prises lors de cette visite.

.La présente page étudie les édifices suivants : l'église Santa Maria d'Arties, l'église Sant Péir d'Escunhau, 'église Santa Maria de Vilamòs.



L'église Santa Maria d'Arties

Le plan de l'édifice (image 2) est très caractéristique. Nous le définissons ainsi : nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement des vaisseaux et absence de transept. Ce type de plan est très fréquent. Il aurait été utilisé sur une période de plusieurs siècles et aurait précédé des plans plus élaborés (avec présence d'un transept, chevet à absides disjointes, chevet à déambulatoire). En conséquence, il existe une forte probabilité pour qu'un nombre important d'églises dotées de ce type de plan soient antérieurs à l'an mille. C'est probablement le cas de celle-ci.

Les églises ayant ce type de plan sont en général charpentées. Lorsqu'elles sont voûtées, dans la plupart des cas, on peut montrer que le voûtement est postérieur à la construction initiale. Là encore, c'est le cas de celle_ci : la voûte est en anse de panier, ce qui est caractéristique du XVIe-XVIIe siècle, les doubleaux porteurs de la voûte reposent sur des consoles insérées dans le mur (images 10 et 11). Enfin, les belles fresques qui ornent le plafond de la nef sont relativement récentes (image 12). La voûte qui serait de trop grande portée pour une église romane est très probablement légère, en stuc (technique du XVIIe-XVIIIe siècle).

Commentaires de quelques images.

Image 5 : Arcatures lombardes. Il s'agit ici de « vraies » arcatures, même si la facture apparaît un peu malhabile. Sur chaque modillon, est posé un bloc monolithe dont la base a été sculptée de part et d'autre en forme d'arc. Deux de ces blocs sont reliés entre eux par une pierre horizontale dont la partie inférieure est sculptée en forme d'arc. L'ensemble forme bien un arc.

Image 6 : Linteau échancré à décor de feuillages. Nous pensons – mais sans preuve avérée – que ce type de décor est préroman.

Image 7 : Linteau échancré. On retrouve à droite le même type de décor que précédemment. À gauche, le décor est plus intéressant encore car on y distingue une rouelle à sept branches et un agnus dei (agneau portant une croix de procession). Le caractère préroman est ici confirmé.

Image 8 : Cette baie est manifestement romane. Elle présente des traits à la fois archaïques (décor de billettes) et modernes (arc brisé).

Image 9 : Les fenêtres jumelles situées à l'intérieur de la baie précédente sont probablement le résultat d'une restauration récente. Par contre, l'oculus situé au-dessus est certainement d'origine. Il s'agit d'une œuvre presque totalement monolithe (elle l'était peut-être à l'origine). Il s'agit d'une vraie claustra (la claustra est devenue plus tard, à époque romane, la rosace et le vitrail).

Datation envisagée pour l'église Santa Maria d'Arties : an 800 avec un écart de 200 ans.




L'église Sant Péir d'Escunhau

Il semblerait que pour cette église Sant Péir d'Escunhau, seul le portail situé sur la façade Nord ait été jugé digne d'intérêt (images 14 et 15). Nous n'avons pas en effet trouvé d'image de l'intérieur.

Dans la partie supérieure, au-dessus de l'archivolte, sont placées 3 plaques rectangulaires (image 16). Les deux extrêmes sont décorées d'une croix potencée. Un chrisme est inscrit au centre de la plaque du milieu. Il est encadré par deux rosaces à huit pétales. Cet ensemble nous apparaît trop « neuf ». On a ici des sculptures censées être vieilles de plus de huit siècles qui auraient été exposées à des intempéries. Leur authenticité nous semble donc discutable. Et cette œuvre est probablement le résultat d'une restauration récente. Il reste à savoir si cette restauration est proche ou éloignée de la création d'origine.

Le tympan, quant à lui, ne semble pas avoir fait l'objet d'une restauration. C'est une œuvre surprenante. Il s'agit en effet d'un linteau-tympan : une seule pièce regroupant les décors d'un linteau rectangulaire et d'un tympan semi-circulaire. Les deux pièces, linteau et tympan, sont en générai séparées et bien différenciées. Pour chacune d'elles, le contour définit le cadre de la scène représentée. Ceci signifie que dans le cas concret de ce décor, on devrait avoir, dans le demi disque supérieur, le Christ représenté dans sa totalité, et, dans le rectangle inférieur, le décor régulier d'alvéoles, représenté lui aussi dans sa totalité. Or ce n'est pas ce que l'on voit : le bas du corps du Christ empiète sur le cadre inférieur. Cette représentation apparaît très moderne. Mais faut-il la considérer comme vraiment « moderne » dans le sens que l'on donne à une œuvre d'art moderne, qui ne serait que le pur produit de l'imagination de l'artiste qui l'a réalisée ? Dans le cas présent, il est possible que cette scène soit symbolique de la double nature du Christ, à la fois Homme et Dieu : Homme, il a les pieds sur terre (le linteau rectangulaire) ; Dieu, il a la tête dans le ciel (tympan semi-circulaire). Concernant la datation de cette œuvre, la croix, semblable à une croix pattée, l'attitude hiératique du Christ, l'usage d'un pagne pour recouvrir son corps font envisager les alentours de l'an mille.

Les images 18 et 19 révèlent des détails intéressants mais peu explicites. Ainsi les corniches, à décor de rameaux ou feuilles stylisés, qui se prolongent profondément de part et d'autre du portail, font penser à des modèles wisigothiques. Trois chapiteaux sur quatre sont décorés de masques humains. Le quatrième est décoré d'arcatures.

On retrouve le décor d'arcatures sur les quatre bases de colonnes. Avec, pour l'une d'entre elles, un défilé de quadrupèdes (images 20 et 21).

Datation envisagée pour le portail de l'église Sant Péir d'Escunhau : an 1000 avec un écart de 100 ans.




L'église Santa Maria de Vilamòs

La vue par satellite de l'église Santa Maria de Vilamòs (image 22) permet de repérer sous un toit à deux pentes une nef (on verra plus loin que c'est une nef à trois vaisseaux) flanquée d'un clocher situé au Sud. Cette église est terminée à l'Est par un transept haut et un chevet plat très étroit (image 28). Les parements des murs au Sud (image 23), à l'Ouest (image 25), au Nord (image 27) et à l'Est (image 28) ne permettent pas de repérer les traces d'une évolution de construction. On peut seulement évoquer deux bas-reliefs insérés dans la maçonnerie : une croix pattée (image 24) et un chrisme (image 26).

L'intérieur nous est révélé par les images 29 à 32 récupérées sur Internet. On y devine l'existence d'une nef à quatre travées et trois vaisseaux, le vaisseau central étant porté par des piliers cylindriques. Ce vaisseau central est voûté en berceau plein cintre. Cependant, nous pensons que le voûtement est postérieur à la construction primitive et qu'il s'est fait en plusieurs étapes. Les raisons de penser cela sont les suivantes :

Si on numérote les groupes de deux piliers à partir de l'entrée Ouest de la façon suivante :

groupe 1 de deux piliers (entre les deux premières travées, groupe visible sur l'image 30) : piliers cylindriques.

groupe 2 de deux piliers (entre la deuxième et la troisième travée, groupe visible sur les images 30 et 29) : piliers cylindriques.

groupe 3 de deux piliers (entre la troisième et la quatrième travée, groupe visible sur les images 29 et 31 : piliers cylindriques encadrés par des colonnes demi-cylindriques.

Les trois arcs doubleaux qui supportent la voûte s'appuient sur les groupes de piliers 1, 2 et 3, mais différemment. Concernant les groupes 1 et 2, ces arcs doubleaux sont portés par des consoles insérées dans le mur au-dessus des piliers. Pour le groupe 3, les arcs doubleaux s'appuient sur les demi-colonnes adossées aux piliers (image 31). Nous pensons que, des deux méthodes, cette dernière est la plus ancienne. En conséquence, cette observation induit à penser, non seulement que la nef primitive était charpentée mais que le voûtement postérieur a été effectué en deux étapes successives.

Le chevet plat (image 32) pose problème. Il est possible qu'il y ait eu auparavant un chœur à plan semi-circulaire, chœur qui aurait disparu et dont il ne resterait que l'avant-chœur de faible épaisseur.

Un panonceau situé près de la porte signale la présence de stèles funéraires d'époque romaine du IIIe au Ve siècle. Nous pensons que l'image 33, trouvée sur Internet représente une de ces stèles. Elle doit être comparée à d'autres stèles des départements français de l'Ariège ou de la Haute-Garonne.

Datation envisagée pour l'église Santa Maria de Vilamòs : an 750 avec un écart de 200 ans.