L'église Saint-Pierre de Consac 

• France    • Nouvelle Aquitaine    • Article précédent    • Article suivant    


Petite introduction à l'étude de ce monument de Saintonge

Cher ami lecteur attaché au patrimoine de la Saintonge, ce petit préambule s'adresse à vous. Notre site Internet a été créé dans le but d'identifier et de dater des édifices principalement antérieurs à l'an mille. Lire la suite...



L'église Saint-Pierre de Consac

Nous avons effectué une courte visite de ce monument. En majorité, les images de cette page sont issues de cette visite.

Sur la page du site Internet Wikipédia consacrée à la commune de Consac, il est simplement écrit : « L'église paroissiale Saint-Pierre est une église romane des XIIe et XIIIe siècles, remaniée au XVIe siècle. Elle est inscrite pour sa totalité monument historique par arrêté du 23 juillet 2003. Cette église était environnée d'un cimetière définitivement fermé en 1876. »

Dans son livre Saintonge Romane de la collection Zodiaque, François Eygun propose une datation antérieure, du XIe siècle. La datation que nous proposerons sera encore antérieure.


Le milliaire romain

Commençons par la visite de l'ancien cimetière attenant à l'église. Une colonne de pierre est fichée dans le sol (image 1). Mais en contournant la pierre, on s'aperçoit qu'elle est creuse (image 2). Un panneau explicatif nous apprend que cette pierre est une borne milliaire qui a été sciée en long et creusée pour servir de sarcophage. La datation de cette opération se situerait entre Ve et le VIIIe siècle.

La borne milliaire aurait été placée sur la voie romaine reliant Saintes à Bordeaux et qui passait par Consac. Le texte épigraphique qui y était écrit serait à présent illisible mais il aurait été relevé et traduit au XVIIIe siècle. « À l'empereur César divinisé, fils d'Hadrien divinisé, petit-fils de Trajan le Parthique divinisé, arrière-petit-fils de Nerva divinisé, Titus, Aelius Hadrianus Antoninus, Auguste le Pieux, souverain pontife, en sa ... puissance tribunitienne, consul, père de la patrie – Depuis Memorandum ??? »
La dernière partie de phrase aurait indiqué la distance en milles depuis Saintes (Mediolanum Santonum).

La découverte d'un sarcophage du Haut-Moyen-Âge à proximité d'une église témoigne de l'ancienneté de l 'emplacement et donc d'une possible ancienneté de l’église.

Les images suivantes 3, 4 et 5 ne sont pas, quant à elles, révélatrices d'une telle ancienneté. On observe seulement sur la photographie de l'image 5 que les deux fenêtres de gauche portent un linteau échancré. Celui de l'image 6 ressemble fortement à un arc dont on voit les claveaux. Mais il s'agit bien d'un linteau monolithe : de minces traits incisés dans la pierre imitent les joints. Ce linteau ressemble fortement à un linteau en bâtière destiné à surplomber, non de simples fenêtres comme ici, mais de vraies portes. D'ailleurs la largeur de celui-ci, nettement plus importante que la largeur de la baie, fait envisager qu’on est en présence d'un linteau de porte. Il en est d'ailleurs de même du linteau échancré voisin. Nous tirons de cette constatation deux conclusions. La première consiste à dire que ces deux linteaux de fenêtres sont des linteaux récupérés sur des portes d'un monument plus ancien, probablement préroman. La deuxième conclusion découle du fait que, jusqu'à présent, nous n'avons pas rencontré de linteau de porte échancré (la partie inférieure est plate). Ceci signifie que le linteau qui était plat a été échancré ultérieurement, peut-être au moment de la pose sur la fenêtre.


L'intérêt principal de cette église Saint-Pierre réside dans les chapiteaux de croisée du transept (images de 10 à 18). Voici ce qu'écrit M. Eygun à ce sujet : « Le décor méplat s'est trouvé employé en Saintonge, plus amplement, au moins dans l'église de Consac, si rarement citée. [...] Le carré du transept est délimité par les quatre piliers primitifs soutenant la coupole sur pendentifs, lancée sur les arcs à double rouleau reposant sur de hautes colonnes à curieux chapiteaux, épannelés avec un sentiment tout géométrique. [...] Les astragales sont de formes très variées, billettes, cordelières simples ou doubles, encadrant des successions de losanges ou de motifs divers. Les tailloirs qui débordent sur les pilastres s'ornent là aussi d'anneaux enlacés, avec ou sans axe central, entrelacs, échiquiers, demi-cercles contrariés ou triangles superposés, voire un cheval méplat lui aussi. La même grammaire décorative sera répandue sur les autres faces de la corbeille avec des étoiles, des roues dentées, des lignes ondées. C'est une sorte de compromis entre le dessin d'une marquèterie mauresque et la fantaisie des entrelacs mérovingiens. [...] L'invention des motifs reste incontestable. »

Il suffit de regarder ces images pour constater la profusion des formes et leur interpénétration. Il s'agit là pour nous de quelque chose de tout à fait nouveau. Nous avons eu l'occasion de mesurer la grande variété de représentations iconographiques au sein d'un même établissement moyenâgeux, mais chacun des thèmes iconographiques était isolé des autres (par exemple on avait le chapiteau du Péché Originel, puis à côté, un chapiteau à feuillages, plus loin un chapiteau à entrelacs et ainsi de suite : le tout dans le désordre). Mais ici, c'est différent : sur le même chapiteau, on a des cercles entrelacés, des billettes, des entrelacs, un cheval. Existe-il un fil directeur ? Nous l'ignorons. Mais une chose nous semble à peu près sûre : on ne peut pas effectuer de comparaison avec l'art moderne dans lequel l’œuvre est le résultat de l'imagination d'un seul individu, l'artiste. L'art du Moyen-Âge apparaît, au premier abord, désordonné ... et créatif. Mais en analysant plus profondément, on s'aperçoit que ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent. Les représentations diffèrent de peu. Existe-t-il une symbolique associée aux cercles entrelacés ? Au décor de billettes ? Au cheval courant (face gauche du chapiteau de l'image 17) ? Il nous est difficile de répondre à chacune de ces questions. On peut cependant envisager que certaines représentations comme celle d'un loup poursuivant un cerf a une explication symbolique. Et par suite la représentation d'un cheval courant (voir aussi l'image 28 de la page précédente consacrée à Bougneau) pourrait avoir un contenu symbolique. Inversement, il y a peu de chances que les billettes aient été sculptées pour d'autres raisons que décoratives.

Sur l'image 10 (détail sur l'image 21), le chapiteau et le tailloir présentent de façon un peu pêle-mêle des images souvent assimilées à des symboles : le chevron (onde), la croix, l'étoile, la croix entrelacée (sceau de Salomon). La réunion de ces images symboliques résulte-t-elle d'un arbitraire ? Cette question reste pour le moment sans réponse. Notons cependant que certains artistes aborigènes d'Australie réalisent des productions qui nous apparaissent énigmatiques mais qui, pour eux, ont un sens.

L'image 19 a été prise à partir du croisillon Nord du transept. Il n'y a pas de croisillon Sud car le côté Sud du transept est fermé par un mur. On note cependant, en bas de l'image, la présence d'un arc en plein cintre. L'image 20 révèle cet arc et le mur Sud. On constate que l'arc est recouvert à gauche par le pilier Sud-Est du transept. Nous avons pu constater que l'imposte symétrique de celle de droite est encore présente, cachée derrière le pilier. On déduit de cette observation que l'arc est antérieur au pilier. Cet arc devait protéger une grande baie ouverte vers le Sud. Ce serait peut-être le seul reste d'une nef primitive à trois vaisseaux.



Datation envisagée pour l'église Saint-Pierre de Consac


Malgré l'observation que nous venons de faire sur la présence d'un arc antérieur au transept, nous baserons notre estimation de datation sur la seule analyse des chapiteaux. Ces chapiteaux n'ont, selon nous, rien de roman.

D'abord par leur forme. Ils semblent comme taillés à la hache, découpés en surfaces presque planes à contour triangulaire ou trapézoïdal. Pour observer en Europe des chapiteaux presque semblables, il faut aller en Espagne à San Pedro de la Nave (Castille-León), à Santa Cristina de Lena (Asturies) et à Santa Maria del Naranco (Oviedo/Asturies). Tous ces chapiteaux ont été attribués au Premier Millénaire. Parfois bien avant l'an mille. Cependant, dans le cas présent, ces chapiteaux ont été utilisés pour porter des arcs à double rouleau. En conséquence, nous estimons qu'ils sont de peu antérieurs à l'an mille : an 950 avec un écart de 100 ans.