L'église Saint-Pierre de Bougneau  

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Petite introduction à l'étude de ce monument de Saintonge

Cher ami lecteur attaché au patrimoine de la Saintonge, ce petit préambule s'adresse à vous. Notre site Internet a été créé dans le but d'identifier et de dater des édifices principalement antérieurs à l'an mille. Ayant étudié des édifices du Gers, comme ceux de Saramon ou Peyrusse-Grande, nous avons appris qu'il pouvait y avoir une ressemblance entre ces édifices et d'autres situés en Charente-Maritime. En conséquence, nous avons effectué un séjour de trois jours dans ce département pour récolter des informations sur quelques unes de ces églises. La moisson s'est révélée abondante et nous avons découvert que des édifices tels que ceux de Bougneau, Consac, Fenioux, Gutinières, Mosnac, Petit-Niort, Saint-Thomas-de-Conac, Semillac et Thaims, pouvaient contenir de substantiels restes antérieurs à l'an mille. Qui plus est, l'hypothèse d'une architecture préromane spécifique à l'Aquitaine, que nous avions envisagée dans le Gers, se trouve confortée.

Le passage que nous avons effectué en Saintonge s'est révélé ultrarapide : pas plus d'une heure pour chaque monument. L'élaboration d'une page de notre site sur chacun de ces monuments visités est quant à elle nettement plus longue, car il faut étudier de plus près les images prises. L'ensemble se révèle néanmoins insuffisant. Car l'étude d'un monument nécessite de nombreux allers-retours : il y a toujours un point de détail à vérifier. Cette vérification, nous ne pouvons pas la faire. Plus que cela : nous ne devons pas la faire. Nous devons passer à autre chose. L'étude que nous avons entamée est étendue à toute l'Europe. Certaines questions soulevées à un endroit peuvent trouver leurs solutions à des centaines de kilomètres de cet endroit. En près de six ans, nous avons étudié (souvent très superficiellement) environ 1700 monuments sur plus de 2000 identifiés et il en resterait au moins 2000 autres non encore identifiés. Et le temps nous est compté. Nous cherchons à passer des relais, tant au niveau global que nous avons initié, qu'au niveau local. Alors, ami lecteur de Saintonge (ou d'ailleurs), saisissez-vous de ce relais. N'hésitez pas à visiter les églises de cette région, à examiner les moindres détails, à vous en imprégner et à essayer de reconstituer leur histoire. Ne vous imaginez pas que tout a été dit. Il s'agit d'un terrain encore en friches.



L'église Saint-Pierre de Bougneau


Nous avons effectué une courte visite de ce monument. La majorité des images de cette page est issue de cette visite.

Les historiens de l'art du Moyen-Âge sont parfaitement capables d'identifier dans un bâtiment antérieur à l'an 1200 les structures ou les décors les plus anciens. Mais la plupart d'entre eux considérent ces parties anciennes comme « archaïsantes » et non « archaïques ». Grosso modo, nous définirons comme « archaïque » une forme antérieure à l'an mille et comme « archaïsante » une forme postérieure à l'an mille imitant une forme « archaïque ». En termes clairs, ces historiens n'acceptent pas l'idée qu'une forme susceptible d'être antérieure à l'an mille le soit réellement. Pour eux, aucun monument n'existait avant l'an mille. Mais comment ont-ils fait pour identifier des formes antérieures à l'an mille si elles n'existent pas ? Tout simplement parce qu'ils les ont vues dans des musées. On accepte qu'une pièce de décor soit datée du VIIe siècle si le monument qui la portait a été détruit. La même pièce est datée du XIe siècle si elle est en place dans un monument subsistant.

François Eygun, auteur du livre Saintonge Romane de la collection Zodiaque, est un peu plus circonspect. Il semble ne pas trop se prononcer sur la datation d'éléments « archaïsants » ou « archaïques ». Ainsi, le chapitre de son livre décrivant les édifices considérés comme les plus anciens est intitulé « Du romain au roman », avec cependant une partie sous-titrée « Du romain au roman et l'imprégnation carolingienne ». De plus, le plan qu'il produit de Bougneau (image 2) ne contient pas de légende de datation. Il a bien su identifier les parties les plus anciennes. Nous ne sommes cependant pas d'accord avec certaines de ses conclusions. Nous détaillerons cela ci-dessous.


Commençons par étudier la vue aérienne de l'image 1. L'église Saint-Pierre est constituée de quatre corps de bâtiments. On distingue de gauche à droite (ou d'Ouest en Est) tout d'abord la nef (A). Une chapelle est accolée à cette nef côté Sud. Puis le transept (B) formé lui-même de trois parties : le croisillon Nord, à une travée, le croisillon Sud, à une travée et entre les deux, la croisée du transept. Vient ensuite le clocher couvert d'un toit à 4 pentes (C). Et enfin le chevet couvert d'un toit à deux pentes (D). Une petite construction à plan rectangulaire est accolée au chevet. Il s'agit d'un puissant contrefort.

La dissymétrie du plan apparaît immédiatement. Cette dissymétrie est en général révélatrice de transformations. En effet, durant toute la période chrétienne jusqu'à une date relativement récente, la symétrie par rapport à l'axe Ouest-Est était la caractéristique de toute construction d'église nouvelle. Les architectes de cette période voulaient construire quelque chose de parfait et cette perfection se manifestait dans la symétrie des bâtiments.

Nous constatons que cette dissymétrie est présente dans la partie A. Mais aussi, grâce au plan de l'image 2, dans la partie B. Par contre, les parties C et D respectent la symétrie d'axe Est-Ouest.

Poursuivons notre visite en faisant le tour de l'église (images 3, 4, 5). On constate sur l'image 6 que l'arc de gauche est recouvert par un pan de mur. Et en revenant sur l'image 5, on identifie ce pan de mur. Il appartient à une tourelle d'escalier permettant d'accéder à chaque étage du clocher. L'installation de cet escalier est donc postérieure à celle du clocher.


Concernant ce clocher, voici ce qu'écrit François Eygun : « Au rez-de-chaussée, faces Nord (image 14) et Sud (images 5 et 6), trois contreforts terminés par des tailloirs (images 7, 8 et 15) supportent des arcs soutenant une muraille, ce qui produit un relief latéral et encadre deux fenêtres simples. Trois ouvertures plein cintre au premier étage, sauf à l'Ouest, jadis masqué par la toiture, aèrent le palier. Le sommet en possède aussi trois à l'Est et à l'Ouest, deux seulement très espacées sur les autres faces. À ce niveau, les arcs sont à double rouleau. »

Il faudrait reprendre l'étude de ce clocher. François Eygun en a fait ci-dessus une lecture détaillée. Néanmoins, cette lecture est insuffisante car le lien n'a pas été fait entre l'intérieur et l'extérieur (remarque : nous ne l'avons pas fait non plus, c'est la raison pour laquelle nous insistons sur la nécessité de reprendre le tout). La phrase relevée par François Eygun, « À ce niveau, les arcs sont à double rouleau. » est selon nous importante. En fait, plutôt que de parler d'« arc à double rouleau », nous préférons dans ce cas l'expression « baie à un ressaut ». Mais cette dernière remarque n'est pas importante. Nous avons constaté que les baies à ressaut étaient probablement antérieures aux baies encadrées par des colonnettes. En conséquence, si les secondes datent probablement du XIIe siècle, les premières dateraient grosso modo du XIe siècle. Et comme ces fenêtres à ressaut sont situées au dernier étage du clocher, elles sont antérieures à celles des étages inférieurs … qui sont d'un style différent. On peut donc imaginer que les étages inférieurs du clocher soient antérieurs à l'an mille. Toujours en ce qui concerne les étages inférieurs de ce clocher, on constate sur l'image 14 un point de détail qui n'apparaît pas sur l'image 5, car il est caché par la tourelle d'escalier. Les trois pilastres (François Eygun parle de contreforts) qui soutiennent les deux grands arcs par l'intermédiaire d'impostes (François Eygun parle de tailloirs) engendrent une surface verticale dont la largeur est plus petite que celle de l'étage du clocher qui surplombe le tout. D’ailleurs, si toujours à partir de l'image 14, on trace l’axe de symétrie de la partie inférieure (qui passe entre les deux fenêtres), et l'axe de symétrie de la partie supérieure (qui passe au milieu de la fenêtre au centre), les deux axes sont différents. L'interprétation de cette anomalie est la suivante : comme nous l'avions suggéré précédemment, la construction du clocher s'est effectuée en au moins deux temps. Au cours du deuxième temps, la construction s'est appuyée non seulement sur les structures, mais aussi sur des murs de soutien côté transept.

Les impostes simplement moulurées situées sur les faces Nord et Sud du clocher (exemples sur les images 7 et 8) pourraient être selon nous préromanes (nous pensons que le système de l'imposte précède le système chapiteau-tailloir).


Passons maintenant à la partie D, le chevet (images 9, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 18, 19, 20).

François Eygun et d'autres spécialistes avec lui, ont constaté que les deux fenêtres de ce chevet (images 10 et 16) étaient insérées dans des pilastres. Et ils ont effectué une comparaison avec d'autres fenêtres situées dans le Gers, à Peyrusse-Grande et Belloc-Saint-Clamens. La comparaison n'est pas totalement identique ! Ici les fenêtres sont larges et la fenêtre est située au sommet du pilastre tandis qu'à Peyrusse-Grande, les fenêtres sont très étroites, semblables à des meurtrières et placées au milieu du pilastre. Cependant, au vu de la rareté de ce modèle, sa compréhension est nécessaire. D'autant que nous ne sommes pas certains qu'il n'y ait pas eu à Bougneau des travaux modifiant l'état initial des fenêtres. Il est fort possible, en effet, qu'à l'origine, il y ait eu des fenêtres-meurtrières comme à Peyrusse-Grande. Les indices de telles opérations ne manquent pas. Sur les images 10 et 16, on constate pour chacune des fenêtres trois corniches. Une première constitue l'entablement. Une seconde, en deux parties, se situe au-dessus des piédroits et sous l'arc. Une troisième, formant sourcil, est située au-dessus de l'arc. Les images 10, 11, 17 et 19 font apparaître l'identité des décors pour les deux fenêtres. Si les deux premières corniches sont agrémentées de motifs archaïques, la troisième ne l'est pas. D'où l'idée que cette troisième corniche de sourcil soit postérieure aux précédentes. Autre remarque : considérons la deuxième corniche située sur les piédroits. Sur l'image 10, elle déborde largement des piédroits de la fenêtre (environ 50 cm) jusqu'à atteindre à gauche le mur du clocher. Sur les images 16 et 18, elle ne déborde que de 25 cm et n'atteint pas à droite le mur du clocher. D'où l'idée que, primitivement, cette corniche ait continué tout le long du mur. L'image 12 est une vue détaillée de l'image 9. Elle fait apparaître une rupture entre, d'une part, la corniche qui surplombe le mur Sud (à gauche) et, d'autre part, la corniche à décor de billettes située à la base du pignon (à droite). Le fait que cette dernière corniche continue côté Sud, juste au dessus de l'autre, rend la rupture apparente. On retrouve cette anomalie de l'autre côté (image 20). Là encore, nous repérons deux étapes de travaux. Selon nous, c'est le pignon qui est le plus ancien.


Pourtant, les cercles entrelacés, éléments constitutifs des corniches Sud (image 13) et Nord (image 19) nous semblent plus archaïques. Ils ont été peut-être été récupérés de la corniche antérieure qui devait fatalement exister.

Pénétrons à présent dans l'église en commençant par la nef (images de 21 à 28). La dissymétrie apparaît immédiatement. Côté Nord, de gros piliers à section rectangulaires supportent la toiture (image 21). On devine en arrière la présence d'un collatéral (image 26). Toujours côté Nord, on note à l'Ouest de ce collatéral l'existence d'une travée (non visible sur l'image 21) contenant une arcade (images 23 et 25) supportée par des chapiteaux d'art roman tardif (image 24). L'arc, légèrement brisé, est à double rouleau. Côté Est, il reste un pilier (image 27) porteur d'un chapiteau d'art roman tardif.

Côté Sud, on est en présence d'un mur plein sous-tendu par des arcs gothiques (image 22).

Voilà ce qu'écrit François Eygun au sujet de cette nef : « [...] À première vue, c'est le type des petites églises romanes des Charentes, disposées comme un jeu de constructions : un clocher carré, contre lequel on a élevé à l'Est, actuellement rectangulaire à l'extérieur, à l'Ouest une nef primitivement simple. [...] Lorsqu'on pénètre dans l'édifice, on s'aperçoit qu'il possédait à l'époque romane un transept dont subsiste le croisillon Nord et que de ce même côté, le mur simple avait été remplacé par un collatéral dont ne restent plus que les piliers extrêmes ; tout le reste, mur et pilastres, probablement détruits aux guerres anglaises, fut remonté tardivement. »

François Eygun nous dit en substance que, primitivement, la nef était unique et que, par la suite, à partir du croisillon Nord d'un transept (il ne parle pas d'un croisillon Sud) aurait été construit le collatéral Nord (il ne parle pas d'un collatéral Sud, probablement parce qu'il n'y croit pas). Nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette analyse. Nous estimons en effet que ce raisonnement ignore l'impératif de symétrie qui devait se manifester durant tout le Moyen-Âge. La construction de l'église Saint- Pierre se serait effectuée en plusieurs étapes. À l'origine, cette église était selon nous (mais cela semble faire consensus) constituée des parties Cet D, avec pour la partie C (le clocher), seulement la partie inférieure. On aurait, par la suite décidé de surélever la partie C puis, plus tard, de prolonger cette partie C en direction de l'Ouest, en construisant une nef. Il est probable, mais pour en être assuré, il faudrait effectuer un plan précis, que le transept et les croisillons aient été édifiés après la nef et à l'emplacement d'une travée de celle-ci. Toujours est-il que la nef qui a été ainsi construite devait respecter une symétrie. Et l'axe de symétrie devait être celui des corps de bâtiments C et D. Cet axe de symétrie, on le voit apparaître dans l'alignement des faîtes de toits de l'image 1. En conséquence, il faut imaginer la construction de la nef en tenant compte de cette symétrie. Et la solution apparaît évidente : la nef était à trois vaisseaux. Il ne reste de cette nef primitive (mais du XIIe siècle) que des éléments de la première travée, côté Nord Ouest (images 23, 25 et 26) ou de l'unique pilier de la travée Nord-Est (images 27 et 28).


Nous passons ensuite à l’avant-chœur, rez-de-chaussée du clocher. Sur les images 31 et 32, on peut voir trois pilastres cannelés soutenant des arcades par l'intermédiaire d'impostes moulurées (images 35 et 38). Ce décor de pilastres cannelés n'est pas typiquement roman. À la base de ces pilastres, un motif de croix à entrelacs analogue au « Sceau de Salomon » (image 34) fait envisager une influence dite « carolingienne » (aux alentours du IXe siècle). Dans la partie supérieure, les chapiteaux à feuilles stylisées semblent être des copies conformes de chapiteaux anciens (images 36 et 39). Nous pensons, mais sans certitude avérée, que cet ensemble a été érigé en deux temps. Dans un premier temps, la partie inférieure formée des pilastres, impostes et arcs. Dans un second temps, la partie supérieure formée des colonnes cylindriques, chapiteaux, tailloirs et arcs. Ce qui nous fait penser à cela : la différence des systèmes (pilastres cannelés <> colonnes cylindriques, impostes <> chapiteaux+tailloirs).


Nous remarquons aussi sur les images 31 et 37 que la partie supérieure n'est pas directement implantée sur la partie inférieure : les colonnes cylindriques devaient être situées à la verticale des pilastres. De plus, on constate dans la partie supérieure une absence d'arcade à gauche sur l'image 31 et à droite sur l'image 37. Toute cette incohérence fait penser que l'ensemble n'a pas été imaginé dans un plan unique.

Aux quatre angles de cette structure (image 37), sont plaqués des piliers quart-cylindriques servant à soutenir la croisée d'ogives. Nous pensons que ces piliers ont été ajoutés postérieurement à la construction des faces Nord et Sud.

Un problème se pose au sujet de la fenêtre supérieure de la façade Ouest de cette salle (images 40 et 41). À quoi servait-elle ? Une hypothèse : cette partie supérieure a été aménagée comme espace d'habitation (ou comme tribune).

Examinons à présent l'image 42. Sur le pilier situé à droite, séparant l’avant-chœur et le transept, on devine une pierre moins lisse que les autres. C'est celle de l'image 43. C'est l'imposte de l'arc triomphal. Elle est de facture préromane. L'autre imposte (image 44) est moins identifiable.


Passons à présent à l'étude du chœur (images de 45 à 54). On constate tout d'abord que le mur du fond d'abside est recouvert d'arcades disposées sur deux étages (image 45). Tout comme l'était l’avant-chœur. Mais à la différence de l’avant-chœur pour lequel les deux étages étaient nettement différenciés, ici les deux étages sont à peu près semblables : mêmes colonnes cylindriques, mêmes chapiteaux, mêmes tailloirs. La seule différence apparente est dans l'entrecolonnement : régulier dans l'étage inférieur, irrégulier avec alternance des distances entre colonnes dans l'étage supérieur. Mais dans ce dernier cas, cette alternance est très probablement causée par la présence des fenêtres : pour une meilleure luminosité, on a écarté les colonnes qui encadraient les fenêtres. On déduit de la similitude entre ces deux étages que l'ensemble a fait partie d'une seule campagne de travaux.

Ce chœur a subi diverses restaurations destinées à l'embellir. Mais elles ont fait disparaître les traces d'ancienneté. Les murs ont été recouverts d'enduit et des chapiteaux ont été remplacés par d'autres fabriqués pour l'occasion. Il semblerait cependant que les copies aient été réalisées à l'identique. Nous pensons que le chapiteau et le tailloir de l'image 46 sont d'origine. Il en serait de même pour le chapiteau et le tailloir de l'image 47. Par contre, pour l'image 48, seul le tailloir à entrelacs serait d'origine.


La base des colonnes de la partie haute est décorée de stries horizontales donnant une impression d'anneaux empilés (images 49 et 50). Ce détail nous aurait paru dépourvu d'importance si nous n’avions pas vu le même type de décor, mais à une échelle relativement plus grande, dans l'église de Saramon, dans le Gers. Là encore, on effectue un rapprochement entre les monuments de Charente-Maritime et du Gers.

Le chapiteau de l'image 51 représente deux lions à queue feuillue. Le thème est selon nous d'origine préromane. Le modèle est très caractéristique : la queue du lion passe entre les pattes pour remonter le long du corps et s'épanouir au dessus.

Nous avons déjà parlé de la colonnade supérieure du chœur (image 52). Les piliers sont surmontés alternativement d'arcs en plein cintre et d'arcs en mitres. Durant un temps, nous avons envisagé que ce type de décor pouvait être assimilé à un triplet (deux arcs en plein cintre encadrant un arc en mitre ; décor utilisé à l'époque romaine auquel pourrait être attachée une valeur symbolique). Nous pensons à présent que ce ne doit pas être le cas. Seul l'arc en mitre est orné de palmettes et de cercles entrelacés (images 53 et 54). Si l'ensemble devait être associé à des triplets, tous les arcs devraient être décorés. Nous pensons plutôt que lors de la construction, seuls les arcs en plein cintre ont été érigés. Ce n'est que plus tard qu'ont été ajoutés les arcs en mitre (qui n'ont pas de fonction portante) dans un seul but d'ornementation. Il est possible que les pierres rectilignes constituant le triangle de la mitre aient été récupérées de corniches anciennes.

Concernant ce chœur, à plan rectangulaire à l'extérieur et semi-circulaire à l'intérieur, voici ce qu'en dit F. Eygun : « L'opposition de l'abside carrée et du chœur circulaire s'explique aisément lorsque nous savons par les restaurations de 1913 que le mur intérieur peu solide était fait de moellons aujourd'hui regrettablement masqués par un crépissage abusivement lissé au lieu d'en avoir cerné les éléments. Cette maçonnerie est incompatible avec le massif rectangulaire de moyen appareil si régulier qui englobe l'hémicycle. Une telle chemise extérieure, procédé connu ailleurs pour étayer par le poids des angles et raidir une abside défaillante, a, de plus été contrebutée à l'Est par un épais contrefort qui a bouché la fenêtre absidale. » En termes clairs, ce que nous dit M. Eygun, c'est que, primitivement, l'abside était semi-circulaire, et, sous-entendu, le chœur voûté en cul-de-four. Mais, toujours selon lui, l'ensemble étant fragile, on l'a renforcé en construisant autour de cette abside des murs formant un chevet carré et en plus un puissant contrefort. C'est complètement stupide! Ce n'est pas de vous que je parle, M . Eygun, mais des constructeurs de l'époque. Il leur suffisait en effet de placer quelques contreforts de faible épaisseur autour de la paroi semi-cylindrique en plaquant éventuellement contre elle un mur soigneusement appareillé pour
« cacher la misère ».

En fait, dans la pratique, c'est le contraire qu'on observe. Le chevet a (en général) un plan semi-circulaire. À l'intérieur, l'abside a elle aussi un plan semi-circulaire mais n'est pas voûtée en cul-de-four. Pour des raisons purement symboliques, on décide de la voûter en cul-de-four. En conséquence, on construit à l'intérieur de l'abside une structure permettant de porter le cul-de-four. Mais si cette structure est un mur, ce mur risque d'obturer les fenêtres. Donc, soit en construisant ce mur, on place des ouvertures en face des ouvertures existantes, soit, au lieu d'un mur, on construit une colonnade pour porter le cul-de-four. C'est ce qui se passe dans de nombreux cas. C'est, selon nous, ce qui se serait passé ici. On aurait construit à l'intérieur d'un édifice à plan carré, une structure à plan semi-circulaire afin de porter une voûte en cul-de-four. C'est la même opération qui aurait été effectuée à Peyrusse-Grande, dans le Gers.

Il reste cependant un autre problème : le contrefort situé à l'Est (images 2 et 9). Il est selon nous trop dimensionné par rapport à un chevet relativement petit. Il doit y avoir une autre utilisation que celle d'un contrefort. Peut-être est-il positionné sur un sarcophage faisant office de reliquaire ?



Datation(s) envisagée(s) pour l'église Saint-Pierre de Bougneau


Comme nous l'avons écrit plus haut, cette étude est incomplète et beaucoup de questions restent encore sans réponses satisfaisantes.

On peut cependant envisager le cheminement suivant :

Un premier édifice constitué par les parties C et D : nef unique carrée et chevet carré, non tous deux voûtés ; an 700 avec un écart de 200 ans.

Des travaux à l'époque dite « carolingienne » : rehaussement de la partie C avec les pilastres ; an 900 avec un écart de 150 ans.

Des travaux à l'époque « romane » : colonnade supérieure de partie C, colonnades et cul-de four de la partie D ; an 1050 avec un écart de 100 ans.

Construction de la partie A : nef à 3 vaisseaux ; an 1150 avec un écart de 100 ans.

Au XIVe siècle, destruction de la nef suivie au XVe siècle d'une reconstruction des parties A et B.