L'église Notre-Dame de l'Assomption de Fenioux 

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Petite introduction à l'étude de ce monument de Saintonge

Cher ami lecteur attaché au patrimoine de la Saintonge, ce petit préambule s'adresse à vous. Notre site Internet a été créé dans le but d'identifier et de dater des édifices principalement antérieurs à l'an mille. Lire la suite...



L'église Notre-Dame de l'Assomption de Fenioux

Nous avons effectué une courte visite de ce monument (un peu plus d'une heure). La plupart des images de cette page sont issues de cette visite.

François Eygun a classé cette église dans le chapitre « Vertus et Vices » de son livre Saintonge Romane. Le groupe des Vices et des Vertus occupe en effet toute une voussure du magnifique portail de la façade Ouest. Et M. Eygun consacre beaucoup d'attention et d'enthousiasme à cette œuvre ainsi qu'à l'ensemble du portail. Sensible à l'esthétique romane, il est un peu moins prolixe en ce qui concerne les parties préromanes qu'il décrit cependant assez succinctement. Voici ce qu'il en dit :
« Ce vaisseau simple, à quatre travées, révèle plusieurs étapes et remaniements à l'examen de sa maçonnerie. Un premier édifice carolingien ou début XIe siècle est visible à l'extérieur, vers la base, formé de petit appareil gallo-romain remployé d'un édifice voisin détruit, avec des moellons, certains plus allongés pour les angles, d'autres carrés lisses ou diversement taillés, selon des modes antiques connus, et, par endroits, des arases bien typiques (image 27). Cette première construction, étayée de contreforts extérieurs légers, avait sans doute une travée occidentale de moins que l'église actuelle (d'après les observations du chanoine Tonnelier lors de tranchées longeant les fondations), mais ces murailles minces, reconnaissables aussi à l'intérieur, n'étaient destinées qu'à soutenir des charpentes. Cette nef simple, de petit appareil, était égayée par des ouvertures de taille modeste, comme il convient à cette époque ; terminées en plein cintre au sommet, elles étaient closes par des dalles de calcaire ou fenestrelles (images 29, 32 et 33), découpées fort gracieusement d'entrelacs, motifs courants à l'époque et qu'on peut comparer aux tablettes à cire d'Angers (?), motifs de vannerie ou rosaces. […] Ce mode de clôture, fréquent à l'époque préromane, se retrouve à Petit-Niort et dans quelques églises de l'Ouest. Il a été relayé par les vitraux qui assuraient une clôture plus commode et plus efficace. »


Remarquons tout d'abord qu'il est rare de lire dans un texte des commentaires invitant à penser qu'un édifice (ou une partie d'édifice) puisse être antérieur à l'an mille. Ainsi on a l'allusion suivante : « Un premier édifice carolingien ou début XIe siècle est visible à l'extérieur ». Et de plus, la légende du plan de l'image 1 donne l'indication « préroman » pour les tracés de murs en traits noirs (on sait, d'après le dictionnaire Petit Larousse, que l'art roman doit être daté des XIe et XIIe siècles. En conséquence, l'art désigné comme préroman devrait être antérieur à l'an mille).

Toujours sur le plan de l'image 1, on remarque qu'à l'Ouest, toute une partie de l'édifice est considérée comme romane. Nous l'estimons effectivement romane, d'un art roman plutôt tardif. Notre site étant consacré au Premier Millénaire, nous nous intéresserons beaucoup moins à cette partie. Néanmoins, concernant cette partie, des questions restent en suspens . Regardons d'abord la façade Nord (image 4). On distingue nettement, de gauche à droite, un pilastre en grande partie caché par un massif contrefort, puis 3 pilastres à plan rectangulaire. Puis encore, un groupe de trois colonnettes demi-cylindriques engagées, le portail Nord, et enfin un autre groupe de trois colonnettes demi-cylindriques engagées. Le portail Nord (image 5), ses voussures (image 6), ainsi que les chapiteaux des piédroits (images 7 et 8) ne soulèvent pas de problème particulier. On note cependant que le chapiteau central de l'image 8 est décoré d'un masque couvrant toute la superficie du chapiteau. Ce type de représentation que l'on retrouve à l'intérieur (image 25) est peu fréquent dans l'art roman.


Les deux groupes de trois colonnettes demi-cylindriques engagées déjà vues sur la façade Nord se retrouvent presque à l'identique sur la façade Sud (image 15). Et peut-être même sur la façade Ouest (image 11). Ces groupes de trois colonnettes posent problème. Observons ce qui se passe au sommet de celles de la façade Nord (images 9 et 10). Les colonnettes (la diamètre de celle du milieu est nettement plus grand que celui des deux autres) sont couronnées de chapiteaux. Le style de ces chapiteaux est tout à fait différent de celui des modillons voisins. Cette anomalie fait envisager qu'il y a eu deux périodes de travaux. Pour la première, les trois colonnettes et les chapiteaux. Pour la seconde, les modillons et la corniche qui a été assise à la fois sur les chapiteaux et les modillons. Une telle disposition pose problème, car si les colonnettes et les chapiteaux existaient avant la corniche, on peut se demander à quoi ils servaient ou auraient dû servir (dans le cas où un projet initial n'aurait pas été réalisé). Une chose nous semble sûre, c'est que ce système de trois demi-colonnes accolées devait avoir une fonction différente de celle des pilastres voisins. Ceux-ci sont régulièrement espacés. Dans l'église primitive, ils devaient servir à la fois de contreforts et de supports pour les poutres maîtresses de la charpente du toit. On constate sur l'image 9 que le pilastre et la tri-colonne sont trop proches l'un de l'autre. On peut donc envisager une continuité de la construction. Les tri-colonnes avaient-elles, pour le nouveau corps de bâtiment, la même fonction de support de poutres que les pilastres, pour le bâtiment ancien ? Il nous est difficile de le concevoir : pourquoi dans ce cas aurait-on construit trois colonnes et trois chapiteaux, alors qu'une seule colonne et un seul chapiteau suffisaient ? En raisonnant d'une façon inverse, on constate que de tels systèmes de piliers en faisceau de colonnes existe en fin de période romane et en période gothique. On le voit sur des piliers qui soutiennent des voûtes en croisée d'ogives (le chapiteau central supporte le doubleau porteur, les chapiteaux secondaires supportent les ogives). Mais pour un tel cas, la voûte est située du côté de l'observateur. D'où la question : serait-il possible que les concepteurs du corps de bâtiment côté Ouest aient construit ou envisagé de construire (sans que leur projet ait été réalisé) des ailes à corps de bâtiment sur les côtés Nord et Sud ?


Avant cette visite, nous avions estimé en voyant une image du clocher que celui-ci datait du XIXe siècle. Nous avions tort. Mais seulement en partie. Car si le clocher est bien roman dans les étages inférieurs, il a été restauré au XIXe siècle et les étages supérieurs témoignent de cette restauration. On note sur l'image 17 la présence d'une fenêtre étroite et à simple ressaut qui caractériserait selon nous un premier art roman (XIe siècle ?).

Sur le plan de l'image 1, il est indiqué que le chevet est « fin gothique ». Nous ne distinguons pas cela sur l'image 18. Entendons-nous bien, il est possible que ce gros cube à allure de forteresse date du XVe siècle mais nous ne voyons là rien de ce qui pourrait ressembler à un chevet d'église gothique doté de grandes fenêtres lancéolées. Ce chevet fait plutôt penser aux chevets carrés des églises préromanes. Néanmoins, il est peu probable qu'il soit lui-même préroman car, comme on le verra plus loin, il a très probablement remplacé un chevet plus ancien.

Venons en à l'intérieur de cette église (image 19). On y distingue deux parties. La partie située à l'Ouest (à gauche sur les images 20 et 24, à droite sur l'image 21, au fond sur l'image 22) est reconnaissable à ses colonnes basses portant des chapiteaux romans. Ces chapiteaux devaient supporter un plancher par l'intermédiaire d'une voûte. Il y avait probablement des piliers centraux qui ont disparu lors de la suppression de cette voûte. Parlant de cette disposition, François Eygun utilise le mot « tribune ». Nous ne sommes pas certains que l'on puisse utiliser ce mot dans la signification actuelle : un emplacement réservé à une certaine catégorie de personnes participant au culte dominical (exemples : la chorale, les hommes du village, etc). L'image 22 fait en effet apparaître que la superficie à l'étage (et par suite au rez-de-chaussée) est nettement supérieure à celle des églises actuelles. Ce qui invite à penser que cette « tribune » n'était pas destinée à l'assistance aux célébrations. Nous pensons plutôt à ce que nous avons appelé un « ouvrage Ouest », appellation qui recouvre les diverses expressions : atrium, galilée, narthex.

La deuxième partie de cette nef est située à l'Est (image 23). L'appareil des murs de cette partie est fait de petits moellons mal équarris noyés dans un mortier. L'image 24 permet de voir la différence entre les murs de la partie Ouest et ceux de la partie Est. En revenant à l'image 23, on remarque que les murs de cette partie Est, en petit appareil, sont recouverts par de grands arcs portés par des pilastres formés de blocs soigneusement équarris. L'explication est la suivante : cette partie Est était la nef primitive préromane. Elle était primitivement charpentée. À l'époque romane, on a décidé de la voûter. Mais les murs étaient trop minces pour supporter une voûte. On a donc décidé de doubler les murs du côté intérieur, ces nouveaux murs devant supporter la voûte. Mais ce faisant, on obturait les anciennes fenêtres. On a donc pensé à réaliser les grands arcs, on a muré les anciennes fenêtres et on en a percé de nouvelles au milieu des arcades.

L'arc triomphal, visible sur l'image 23, est en anse de panier, forme qui caractériserait le XVIIe siècle. Cet arc triomphal est porté par les chapiteaux des images 25 et 26. Nous avouons notre méconnaissance de ces chapiteaux qui nous semblent postérieurs (mais de combien ?) à la période romane. Le masque du premier est connu à l'époque romane, mais pas dans ces dimensions et cet aspect grimaçant. Le thème du second (animal dévorant un humain) est lui aussi connu mais là encore, pas sous cet aspect.


À l'extérieur de cette église, on retrouve à la base du mur Sud (image 27), le petit appareil caractéristique de l'église primitive. Au dessus de cette partie (image 28), le percement d'une fenêtre, à l'époque romane, a provoqué un changement d'appareil. À un autre emplacement (image 30), on voit que la fenêtre du bas a été percée sous une autre fenêtre plus ancienne. De celle-ci, il ne reste que le linteau échancré (image 31). Fort heureusement, il existe une baie restée intacte ayant appartenu à l'édifice préroman. On retrouve le linteau échancré qui protège la fenêtre. Il s'agit bien d'un linteau et non d'un arc : des stries ont été tracées dans la pierre afin d'imiter un arc. Il est possible que ces stries aient été faites à une date relativement récente. La fenêtre est obturée par une claustra, formée de deux plaques monolithes sculptées et creusée d'alvéoles. Le décor est d'entrelacs dits « carolingiens ». M. Eygun nous dit que ce « mode de clôture, fréquent à l'époque préromane ...  a été relayé par les vitraux qui assuraient une clôture plus commode et plus efficace. ». Nous pensons qu'il a raison mais une question subsiste : comment est-on passé de la claustra au vitrail ? En effet, les claustras qui laissent librement passer l'air frais sont fréquentes dans les pays chauds. Mais pourquoi les avoir installées dans des contrées plus froides ? Serait-il possible que les « trous » de ces claustras aient été primitivement obturés par des matériaux translucides, minces plaques d’albâtre, papier huilé, morceaux de verre ? En effet, bien qu'il y ait eu une probable filiation entre la claustra et le vitrail, on devrait être à la recherche du chaînon manquant.

L'image 32 nous fait voir une autre claustra en partie recouverte par un contrefort. En ce qui concerne l'image 33, si la fenêtre est intacte, il ne reste qu'un fragment de claustra.


L'image 34 est une vue détaillée de l'image 3. Elle fait apparaître la jonction entre le chevet à gauche et la nef à droite. On distingue bien le mur de cette nef, en petit appareil irrégulier caractéristique de la nef préromane. Côté chevet, on repère tout en bas le sommet d'un arc en plein cintre. L'ensemble de cet arc est visible sur l'image 35. Il protège une porte qui, selon nous, serait plus romane que gothique. Revenant à l'image 34, on remarque, au centre de cette image et à gauche du pilastre, une pierre horizontale en saillie. On retrouve cette pierre sur l'image 36. C'est un élément de corniche qui s'arrête brusquement à gauche. Presque à la verticale de cet arrêt, on constate une rupture verticale dans la maçonnerie, un « coup de sabre », ceci signifie qu'en cet endroit il y a eu modification de la construction. Or cette partie se situe dans le chevet. Ceci devrait signifier qu'il y avait un autre chevet avant le chevet actuel.


Datation

La datation envisagée pour la première église Notre-Dame de l'Assomption de Fenioux est l'an 925 avec un écart de 100 ans.

La datation envisagée pour l'ouvrage Ouest de Notre-Dame de l'Assomption de Fenioux est l'an 1175 avec un écart de 75 ans.



La Lanterne des Morts (images de 37 à 39)


On ne peut visiter Fenioux sans effectuer un petit passage du côté de la Lanterne des Morts. Ce monument, un des plus beaux de ce type en France, était placé au centre d'un cimetière. Lors d'un décès, une lanterne était placée à son sommet. Il en reste très peu en France. Tous seraient localisés dans cette région du Poitou-Charentes. Ailleurs en Europe, on en trouve en Irlande. Celle-ci est datée du XIIIe siècle.