Évolution des ouvrages Ouest
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Les nefs à plan circulaire
: de faux ouvrages Ouest
Nous avons déjà étudié ce type de nef dans certaines pages
précédentes concernant les nefs à plan centré. On a tendance
à considérer que ce sont des ouvrages Ouest
(images 2 et 3)
mais il s'agit bien de nefs. D'ailleurs, dans le cas de
l'église de Ottmarsheim (image
1), il y a bien un ouvrage Ouest différent de la
nef.
Les tours à plan
rectangulaire
L'ouvrage Ouest de l'église d'Évaux-les-Bains (images
4, 5, 6) est une tour présentant les
caractéristiques suivantes : elle est à plan de base carré.
On distingue deux parties dans cette tour : la partie
inférieure à plan carré, la partie supérieure à plan
octogonal. Cette dernière, à deux étages surmontés d'une
flèche, est de style différent de la partie inférieure.
Celle-ci comporte deux étages, peut-être trois (il y a en
façade au-dessus des fenêtres supérieures une hauteur de mur
suffisante pour la création d'un étage intermédiaire). Le
rez-de-chaussée constitue un étage ouvert vers l'extérieur.
La façade Ouest de ce rez-de-chaussée, de style classique, a
probablement remplacé une façade romane identique aux trois
autres. Ce rez-de-chaussée est un porche. On constate que
les arcs sont portés par des impostes à chanfrein vers
l'intrados (images 5 et
6). Le caractère un peu fruste de la construction
de cette partie inférieure de la tour-porche fait envisager
une datation antérieure à l'an mille (an 900 avec un écart
de 100 ans). Nous rappelons que, selon nous , le « système
imposte » a précédé le le « système chapiteau-tailloir »
L'ouvrage Ouest de Saint-Pierre de Bessuéjouls (images
7, 8, 9) semble totalement différent de l'ouvrage
précédent. Pourtant, on retrouve les mêmes caractéristiques.
C'est une tour à plan au sol rectangulaire. Nous avons
montré dans l'étude que nous avons faite de cette tour que,
à l'origine, c'était une tour-porche : il y avait à la base
deux grands arcs faisant de cet espace un porche libre
d'accès. Ces deux arcs ont été murés ultérieurement. Une
chapelle probablement dédiée à Saint Michel et un autre
archange (Saint Gabriel ?) occupe l'étage supérieur.
Certaines pierres comme des linteaux en bâtière sculptés
d'entrelacs en bas-relief, montrent que cet ouvrage est lui
aussi antérieur à l'an 1000 (an 900 avec un écart de 100
ans).
Mêmes caractéristiques avec l'ouvrage
Ouest de Châtel-Montagne (images
10, 11, 12). On voit sur les images que, par son
style architectural, l'ouvrage est différent de la nef.
On distingue bien les deux étages. L'étage inférieur est un
porche ouvert. La façade de l'étage supérieur évoque celle
d'une église à nef à trois vaisseaux. Il se pourrait bien
que cet étage supérieur ait, comme à Saint-Pierre de
Bessuéjouls, hébergé une chapelle. Une remarque : ici comme
dans la plupart des ouvrages Ouest que nous avons visités,
l'étage supérieur n'est pas accessible au simple touriste de
passage. En conséquence, nous disposons de peu d'images de
ces étages supérieurs. Ici encore, la présence d'impostes
fait envisager une datation antérieure à l'an mille.
Et on retrouve les mêmes caractéristiques avec l'ouvrage
Ouest de Saint-Pierre de Nant (images
13, 14, 15). À l'étage inférieur, on a bien un
porche qui, à l'origine, était ouvert. Plus tard, les baies
d'accès ont été obturées comme en témoignent le plan de l'image 14 et l'image
15.
Ici encore, la datation envisagée est de peu antérieure à
l'an mille.
Concernant l'abbatiale Saint-Philibert
de Tournus (images 16,
17, 18), les mêmes caractéristiques que
précédemment n'apparaissent pas à première vue. Il ne semble
pas y avoir de porche à la base (image
17). Cependant, le plan de l'image
16 montre qu'il y a des ouvertures sur les faces
Nord et Sud. Donc ce rez-de-chaussée était probablement, à
l'origine, un porche libre d'accès. Sur l'image
17, deux
rangées de fenêtres sont visibles au dessus de la partie
identifiée comme étant le porche. On aurait donc sur cette
tour trois étages et non deux. Eh bien non ! On a tout faux
! Il y a bien deux étages seulement. L'image
18, issue d'Internet, montre que l'espace situé
au-dessus du porche est réservé à une haute chapelle. Cette
chapelle supérieure est dédiée à Saint Michel. Comme celle
de Bessuéjouls. Comme celle de la cathédrale de Viviers en
Ardèche. Une telle coïncidence n'est peut-être pas purement
fortuite. En tout cas, elle invite à se poser des questions
: sur l'existence de chapelles au-dessus de porches ; sur
leurs dédicaces.
Mêmes éléments caractéristiques pour l'ouvrage Ouest de
l'église d'Ébreuil (image
19).
Par contre à Perrecy-les-Forges (images
20 et 21), il ne semble pas qu'il y ait eu de
chapelle au premier étage. Peut-être en existe-t-il une
au-dessus de cet étage ? Quant au premier étage, il est en
grande partie ouvert sur l'étage inférieur (image
21) . Lorsque nous avons étudié cette église,
nous avons suggéré que les galeries de l'étage supérieur,
accessibles aux seuls moines, servaient à observer et
contrôler les parties inférieures accessibles à tous. En
tout cas, le fait que les arcs soient doubles et portés par
le « système chapiteau-tailloir » (et non le « système
imposte » fait envisager une construction de cette
tour-porche postérieure de plus d'un siècle aux
tours-porches vues ci-dessus. L'absence de chapelle
supérieure et son remplacement par une galerie d'observation
sur l'étage inférieur serait dû à une évolution des
mentalités.
L'ouvrage Ouest de l'abbatiale de
Romainmôtier (images 22,
23, 24) présente les mêmes caractéristiques que
celles vues précédemment (avant Perrecy-les Forges) : étage
inférieur aménagé comme un porche (cependant peu ouvert vers
l'extérieur), étage supérieur aménagé en chapelle. Certains
éléments d'architecture tant à l'extérieur (pilastres
rectangulaires portant des colonnes demi-cylindriques) qu'à
l'intérieur (piliers rectangulaires en dessous, cylindriques
au-dessus) font envisager deux étapes de construction dans
des périodes différentes (un siècle de différence ?). Il y
aurait même trois étapes de construction, si on tient compte
du voûtement de la partie supérieure datable du XIVesiècle.
L'ouvrage Ouest de l'église paroissiale de Saint-Restitut (images 25, 26, 27)
pose quant à lui plus de problèmes, car il se révèle
différent des ouvrages précédents : il n'est pas ouvert à la
base (hormis côté nef). Il est cependant possible, au vu de
l'épaisseur des murs, qu'il ait été réaménagé. Mais seul un
examen détaillé pourrait permettre de conclure. Nous avons
étudié cet ouvrage (voir cette
page du site ).
Une frise située à mi-hauteur l'entoure presque
intégralement. Dans un premier temps, nous avons considéré,
au vu des scènes énigmatiques, de l'aspect archaïque des
sculptures et de la rareté de telles frises (on en trouve
dans le Bas-Rhin à Andlau et sur une tour de la cathédrale
de Strasbourg, dans le Gard à Beaucaire, dans les Landes à
Saint-Paul-les-Dax) qu'elles pouvaient être très anciennes.
Nous sommes à présent plus circonspects.
Les
façades Ouest
Les images de
28 à 36 sont celles d'ouvrages plats, des façades,
des murs décorés. Il est possible que certaines de ces
façades aient été accolées contre des façades antérieures
moins pourvues de décor. C'est ce qui est suggéré par le
plan de l'image 28 où
l'on voit un mur Ouest deux fois plus épais que les murs
latéraux pourtant soumis à plus de contraintes que le mur de
façade Ouest. C'est aussi ce qui est suggéré dans les images 33 et 36 pour
lesquelles le pignon de la façade Ouest est surélevé par
rapport au faîte du toit de nef. Cependant, dans le cas
présent, on peut envisager une autre hypothèse : c'est le
toit de la nef qui a été abaissé, par exemple lors d'un
voûtement de la nef, laissant intacte la façade Ouest
préexistante.
Remarque : ces façades sont de style roman, un art roman
plutôt tardif (première moitié du XIIesiècle).
Carte interactive
La carte de France interactive ci-dessous fait apparaître les ouvrages Ouest « épais » (dans lesquels sont ménagées des pièces) et les ouvrages « minces » (simples façades). On constate que les simples façades sont principalement concentrées en Aquitaine alors que les ouvrages Ouest plus « épais » ont été installés principalement dans les grandes abbatiales. Une telle distribution ne devrait pas nous surprendre : le XIeet le XIIesiècles sont des périodes d'enrichissement pour l'Aquitaine. Un enrichissement qui a pu favoriser le décor des façades d'églises. Par ailleurs, les abbayes favorisaient l'accueil des pélerins, des voyageurs, voire de pauvres hères. Il était normal que soient prévus des espaces propices à cet accueil.



Deux
oublis
Après avoir rédigé cette page, nous avons réalisé que nous
avions oublié deux types d'ouvrages Ouest : l'atrium,
l'ouvrage à abside circulaire.
Les atriums
Les villas romaines étaient pourvues d'une sorte de
péristyle à plan carré. Les premières basiliques romaines
disposent d'un tel atrium. On retrouve cette forme
architecturale dans le cloître roman. Mais alors que le
cloître roman est, dans un grand nombre de cas, situé au Sud
ou au Nord de l'abbatiale, l'atrium est quant à lui placé à
l'Ouest de l'édifice et permet la communication avec cet
édifice par l'entrée Ouest.
Les
ouvrages Ouest à abside circulaire
Ce sont des ouvrages à contre-absides. C'est-à-dire des
ouvrages à deux absides, l'une en direction de l'Est et
l'autre vers l'Ouest. L'abside orientée vers l'Ouest est
manifeste lorsqu'elle est à plan semi-circulaire comme à
Besançon, Trèves et Mayence (
images 40, 41 et 42). Dans d'autre cas, c'est
moins visible. Ainsi à Brème, le chevet est plat. Par
contre, au niveau de la crypte et côté Ouest, l'autel est
situé à l'Ouest.
Cette double orientation, à la fois en direction de l'Est et
de l'Ouest, signifie pour nous une subordination à deux
puissances, une puissance spirituelle à l'Est, une puissance
temporelle à l'Est. Il faut remarquer en effet que ces plans
à deux absides opposées concernent principalement des
basiliques dites impériales situées dans la zone «
germanique ».