L'église Saint-André-de-Sorède à Saint-André 

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La page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église nous apprend ceci : « Le monastère bénédictin de Saint-André fut fondé au Haut Moyen-Âge. Fuyant l'Espagne, l'abbé Miro et ses moines vinrent s'installer sur les terres que Louis-le-Pieux leur octroya en 823. Par la suite, le village de Saint-André se forma autour de l'abbaye.

Bâtie sur un vieux sol gallo-romain aux environs de l'an 900, ruinée par les invasions successives, elle a été reconstruite et consacrée le 11 novembre 1121, la douzième année de règne du roi de France Louis VI, sous le pontificat du pape Calixte II et alors que Raimond-Bérenger III est comte de Barcelone.


C'est en façade Ouest que l'on observe le mieux les trois périodes chronologiques de l'église : en partie inférieure, un appareil en arêtes-de-poisson constitué de galets de rivière bruts (X e) ; au dessus, un petit appareil constitué des mêmes matériaux, mais grossièrement épannelés (XIe) ; puis pierre taillée en partie supérieure (XIIe). Les deux premières périodes sont sans doute assez proches. La troisième correspond au voûtement de la nef.

L'élément le plus remarquable de son décor est le linteau du portail Ouest à peu près contemporain de celui de Saint-Génis-des-Fontaines et issu vraisemblablement du même atelier. Un Christ en gloire dans sa mandorle est encadré par deux anges, puis deux séraphins et enfin quatre saints identifiés souvent à des apôtres. »


Le texte ci-dessus n'échappe pas à notre critique, comme la plupart des autres textes étudiés dans les pages précédentes. Rappelons néanmoins que cette critique ne concerne que les textes et non leurs auteurs. Ceux-ci d'ailleurs ne font le plus souvent que recopier les textes écrits par d'autres avant eux, qu'ils estiment plus compétents qu'eux. Ce qui n'est pas forcément le cas.

Venons-en à cette critique. Nous retrouvons dans ce texte les habituels ingrédients rencontrés dans ce genre de texte : une datation hasardeuse élaborée à partir d'une interprétation restrictive des textes. Ainsi la phrase : « Bâtie sur un vieux sol gallo-romain aux environs de l'an 900, ruinée par les invasions successives, elle a été reconstruite et consacrée le 11 novembre 1121, » a été en partie construite pour coïncider au commentaire qui suit : « C'est en façade Ouest que l'on observe le mieux les trois périodes chronologiques de l'église : en partie inférieure, un appareil en arêtes-de-poisson constitué de galets de rivière bruts (X e) ; au dessus, un petit appareil constitué des mêmes matériaux mais grossièrement épannelés (XIe) ; puis pierre taillée en partie supérieure (XIIe). ». Si la partie la plus ancienne est celle construite en arêtes-de-poisson qui date du Xesiècle (quelle est la preuve ?), la première église ne doit pas être antérieure à l'an 900. Et l'auteur du texte ne voit pas la contradiction flagrante : si un monastère a été créé en 823 et son abbatiale en 900, les moines ont attendu 77 ans pour aller à l'église ! Par ailleurs comme, par principe, l'église actuelle ne doit pas être antérieure à l'an mille, il faut que cette première église construite « vers l'an 900 » ait été « ruinée par les invasions successives ». Invasions dont on ne connaît pas les envahisseurs, mais dont on sait qu'elles sont successives.


Quels sont nos propres commentaires sur cette église ?

Nous pensons que la façade Ouest n'est pas le résultat d'une évolution mais d'une réfection qui a pu être réalisée à une date relativement tardive (XVIIesiècle). En effet, cette façade (images 2 et 3) n'a, dans une vue d'ensemble, rien de roman ou de préroman. Hormis le pignon décoré d'arcatures lombardes (deuxième génération de ce type d'arcatures). Mais le portail Ouest ainsi que la fenêtre qui le surmonte ne sont pas « romans ». Certes, ils sont formés d'éléments romans, ou même préromans, mais l'assemblage est disparate. Comme si ces éléments avaient été récupérés ailleurs. Et c'est ce que nous pensons. : ils ont été récupérés ailleurs !

Commençons par la fenêtre axiale (images 7 et 8). Les différences d'appareils de pierre montrent bien qu'il y a eu au moins une restauration. Mais une autre question se pose : c'est la première fois que nous rencontrons une baie romane d'une si large ouverture. Notre idée est la suivante. Cette fenêtre a été récupérée à partir des éléments de l'ancienne porte qui se situait à l'emplacement de l'actuelle porte. Les parties verticales de cette fenêtre étaient les piédroits de cette porte. L'unique partie horizontale, actuellement située en bas (image 8), devait être en haut et servir de linteau à la porte. Cette hypothèse s'accorde avec l'analyse des décors : examinons la pierre inférieure (image 8). Elle est décorée de quatre médaillons : de gauche à droite, le lion de Saint Marc, deux paires d'anges sonneurs de trompe, le taureau de Saint Luc. Passons à la fenêtre (image 7). On y voit tout en haut deux autres médaillons : à gauche, l'homme de Saint Mathieu, et à droite, l'aigle de Saint Jean. La disposition telle qu'on la voit est incohérente. Par contre, si on prend le soin de placer le linteau du bas, en haut, on rétablit la cohérence : les anges sonneurs de trompe sont encadrés par les symboles des quatre évangélistes. Tout aussi logiquement, il devait y avoir au-dessus de ce linteau un tympan portant le Christ en Gloire. Et justement, on peut voir à l'intérieur de l'église l'image de ce qui pourrait être un Christ en Gloire (image 19). L'état de dégradation permet de comprendre qu'il n'a pu faire l'objet d'un réemploi dans un nouveau tympan.

Cette porte primitive devait être précédée par un porche comme l'on en voit dans nombre d'églises italiennes ou à Embrun (Hautes-Alpes). Ce porche devait être porté par des colonnes à la base desquelles il y avait des lions. Ce seraient ceux que l'on voit sur les images 9 et 10 .

Passons à présent au fameux linteau de Saint-André-de-Sorède. Ce linteau est comparable à celui de Saint-Génis-des-Fontaines qui, selon certains experts, daterait du XIesiècle. Nous ne sommes pas d'accord avec ces experts. Nous pensons qu'il est nettement plus ancien. D'inspiration wisigothique, tant par le décor que par la présence d'arcs outrepassés ; il présente selon nous des éléments archaïsants : archanges aux ailes croisées, personnages dans des attitudes différentes de celles les plus pratiquées dans l'art roman ; ainsi le deuxième personnage à gauche désigne son voisin de gauche et non le Christ situé à droite.

Ajoutons à cela que nous doutons que cette magnifique pièce de marbre ait été primitivement un linteau : peut-être un devant d'autel.


Passons à l'intérieur de la nef (images 11, 12, 13 et 14). Celui-ci apparaît plus complexe que prévu. Et différent de ce que nous avions vu auparavant dans les autres monuments. Il nous manque un plan qui nous permette de comprendre ce qui a pu se passer. Nous sommes habitués aux nefs à un vaisseau et à celles, toutes différentes, à trois vaisseaux. Or il semblerait que, dans le cas présent, il n'y ait qu'un seul vaisseau. Mais d'étroits passages percés dans les piliers porteurs de la voûte centrale permettent de ménager des couloirs longeant les murs comme s'il s'agissait de collatéraux.

Notre hypothèse est la suivante : l'église primitive était à nef unique charpentée. Elle aurait été voûtée ultérieurement. Mais l'écart entre les murs gouttereaux étant trop important pour permettre la pose d'une voûte, les architectes auraient accolé aux murs des piliers massifs reliés entre eux par des arcs.

Nous pensons que, si nous n'avons pas jusqu'à présent rencontré ce type d'architecture, c'est parce que, hormis dans le cas des petits oratoires, les premières églises étaient à nef triple. Même lorsqu'il s'agit d'édifices de taille moyenne. Les nefs uniques de taille relativement importante seraient venues après. Sauf en ce qui concerne certaines églises du Midi Méditerranéen : Saint-Quenin de Vaison-la-Romaine, Saint Félix-de-Bayssan à Béziers, Saint-Pierre de Lespignan. Toutes ces églises sont estimées antérieures à l'an mille. Notons aussi que des piliers analogues à ceux-ci avec des demi-colonnes adossées reposant sur des massifs quadrangulaires se retrouvent à San Pere de Rodes et à Nant (Aveyron).

Nous aurions tendance à nous inspirer de la date de 823 pour dater cette église, mais nous préférons nous baser sur l'analyse architecturale.
Datation envisagée : an 900 avec un écart de 150 ans.


Remarquons enfin les fonts baptismaux ( image 16) et la très belle table d'autel à cupules (images 17 et 18). En ce qui concerne la pierre de l'image 20 (couvercle de sarcophage ?), nous notons des entrelacs ressemblant à des calligraphies.