L'église Saint-André-de-Sorède à Saint-André
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consacrée à cette église nous apprend ceci : « Le
monastère bénédictin de Saint-André fut fondé au Haut
Moyen-Âge. Fuyant l'Espagne, l'abbé Miro et ses moines
vinrent s'installer sur les terres que Louis-le-Pieux leur
octroya en 823. Par la suite, le village de Saint-André se
forma autour de l'abbaye.
Bâtie sur un vieux sol gallo-romain aux environs de l'an
900, ruinée par les invasions successives, elle a été
reconstruite et consacrée le 11 novembre 1121, la douzième
année de règne du roi de France Louis VI, sous le
pontificat du pape Calixte II et alors que Raimond-Bérenger
III est comte de Barcelone.
C'est en façade Ouest que
l'on observe le mieux les trois périodes chronologiques de
l'église : en partie inférieure, un appareil en
arêtes-de-poisson constitué de galets de rivière bruts (X
e) ; au dessus, un petit appareil constitué des
mêmes matériaux, mais grossièrement épannelés (XIe)
; puis pierre taillée en partie supérieure (XIIe).
Les deux premières périodes sont sans doute assez proches.
La troisième correspond au voûtement de la nef.
L'élément le plus
remarquable de son décor est le linteau du portail Ouest à
peu près contemporain de celui de
Saint-Génis-des-Fontaines et issu vraisemblablement du
même atelier. Un Christ en gloire dans sa mandorle est
encadré par deux anges, puis deux séraphins et enfin
quatre saints identifiés souvent à des apôtres. »
Le texte ci-dessus n'échappe pas à notre
critique, comme la plupart des autres textes étudiés dans
les pages précédentes. Rappelons néanmoins que cette
critique ne concerne que les textes et non leurs auteurs.
Ceux-ci d'ailleurs ne font le plus souvent que recopier les
textes écrits par d'autres avant eux, qu'ils estiment plus
compétents qu'eux. Ce qui n'est pas forcément le cas.
Venons-en à cette critique. Nous retrouvons dans ce texte
les habituels ingrédients rencontrés dans ce genre de texte
: une datation hasardeuse élaborée à partir d'une
interprétation restrictive des textes. Ainsi la phrase : « Bâtie sur un vieux sol
gallo-romain aux environs de l'an 900, ruinée par les
invasions successives, elle a été reconstruite et
consacrée le 11 novembre 1121, » a été en partie
construite pour coïncider au commentaire qui suit : « C'est en façade Ouest que
l'on observe le mieux les trois périodes chronologiques de
l'église : en partie inférieure, un appareil en
arêtes-de-poisson constitué de galets de rivière bruts (X
e) ; au dessus, un petit appareil constitué des
mêmes matériaux mais grossièrement épannelés (XIe)
; puis pierre taillée en partie supérieure (XIIe).
». Si la partie la plus ancienne est celle
construite en arêtes-de-poisson qui date du Xesiècle
(quelle est la preuve ?), la première église ne doit pas
être antérieure à l'an 900. Et l'auteur du texte ne voit pas
la contradiction flagrante : si un monastère a été créé en
823 et son abbatiale en 900, les moines ont attendu 77 ans
pour aller à l'église ! Par ailleurs comme, par principe,
l'église actuelle ne doit pas être antérieure à l'an mille,
il faut que cette première église construite «
vers l'an 900 » ait été « ruinée
par les invasions successives ». Invasions dont on
ne connaît pas les envahisseurs, mais dont on sait qu'elles
sont successives.
Quels sont nos propres commentaires sur
cette église ?
Nous pensons que la façade Ouest n'est pas le résultat d'une
évolution mais d'une réfection qui a pu être réalisée à une
date relativement tardive (XVIIesiècle). En
effet, cette façade (images
2 et 3) n'a, dans une vue d'ensemble, rien de
roman ou de préroman. Hormis le pignon décoré d'arcatures
lombardes (deuxième génération de ce type d'arcatures).
Mais le portail Ouest ainsi que la fenêtre qui le surmonte
ne sont pas « romans ». Certes, ils sont formés d'éléments
romans, ou même préromans, mais l'assemblage est disparate.
Comme si ces éléments avaient été récupérés ailleurs. Et
c'est ce que nous pensons. : ils ont été récupérés ailleurs
!
Commençons par la fenêtre axiale (images
7 et 8). Les différences d'appareils de pierre
montrent bien qu'il y a eu au moins une restauration. Mais
une autre question se pose : c'est la première fois que nous
rencontrons une baie romane d'une si large ouverture. Notre
idée est la suivante. Cette fenêtre a été récupérée à partir
des éléments de l'ancienne porte qui se situait à
l'emplacement de l'actuelle porte. Les parties verticales de
cette fenêtre étaient les piédroits de cette porte. L'unique
partie horizontale, actuellement située en bas (image
8), devait être en haut et servir de linteau à la
porte. Cette hypothèse s'accorde avec l'analyse des décors :
examinons la pierre inférieure (image
8). Elle est décorée de quatre médaillons : de
gauche à droite, le lion de Saint Marc, deux paires d'anges
sonneurs de trompe, le taureau de Saint Luc. Passons à la
fenêtre (image 7).
On y voit tout en haut deux autres médaillons : à gauche,
l'homme de Saint Mathieu, et à droite, l'aigle de Saint
Jean. La disposition telle qu'on la voit est incohérente.
Par contre, si on prend le soin de placer le linteau du bas,
en haut, on rétablit la cohérence : les anges sonneurs de
trompe sont encadrés par les symboles des quatre
évangélistes. Tout aussi logiquement, il devait y avoir
au-dessus de ce linteau un tympan portant le Christ en
Gloire. Et justement, on peut voir à l'intérieur de l'église
l'image de ce qui pourrait être un Christ en Gloire (image 19). L'état de
dégradation permet de comprendre qu'il n'a pu faire l'objet
d'un réemploi dans un nouveau tympan.
Cette porte primitive devait être précédée par un porche
comme l'on en voit dans nombre d'églises italiennes ou à
Embrun (Hautes-Alpes). Ce porche devait être porté par des
colonnes à la base desquelles il y avait des lions. Ce
seraient ceux que l'on voit sur les images
9 et 10 .
Passons à présent au fameux linteau de
Saint-André-de-Sorède. Ce linteau est comparable à celui de
Saint-Génis-des-Fontaines qui, selon certains experts,
daterait du XIesiècle. Nous ne sommes pas
d'accord avec ces experts. Nous pensons qu'il est nettement
plus ancien. D'inspiration wisigothique, tant par le décor
que par la présence d'arcs outrepassés ; il présente selon
nous des éléments archaïsants : archanges aux ailes
croisées, personnages dans des attitudes différentes de
celles les plus pratiquées dans l'art roman ; ainsi le
deuxième personnage à gauche désigne son voisin de gauche et
non le Christ situé à droite.
Ajoutons à cela que nous doutons que cette magnifique pièce
de marbre ait été primitivement un linteau : peut-être un
devant d'autel.
Passons à l'intérieur de la nef (images 11, 12, 13 et 14).
Celui-ci apparaît plus complexe que prévu. Et différent
de ce que nous avions vu auparavant dans les autres
monuments. Il nous manque un plan qui nous permette de
comprendre ce qui a pu se passer. Nous sommes habitués aux
nefs à un vaisseau et à celles, toutes différentes, à trois
vaisseaux. Or il semblerait que, dans le cas présent, il n'y
ait qu'un seul vaisseau. Mais d'étroits passages percés dans
les piliers porteurs de la voûte centrale permettent de
ménager des couloirs longeant les murs comme s'il s'agissait
de collatéraux.
Notre hypothèse est la suivante : l'église primitive était à
nef unique charpentée. Elle aurait été voûtée
ultérieurement. Mais l'écart entre les murs gouttereaux
étant trop important pour permettre la pose d'une voûte, les
architectes auraient accolé aux murs des piliers massifs
reliés entre eux par des arcs.
Nous pensons que, si nous n'avons pas jusqu'à présent
rencontré ce type d'architecture, c'est parce que, hormis
dans le cas des petits oratoires, les premières églises
étaient à nef triple. Même lorsqu'il s'agit d'édifices de
taille moyenne. Les nefs uniques de taille relativement
importante seraient venues après. Sauf en ce qui concerne
certaines églises du Midi Méditerranéen : Saint-Quenin de
Vaison-la-Romaine, Saint Félix-de-Bayssan à Béziers,
Saint-Pierre de Lespignan. Toutes ces églises sont estimées
antérieures à l'an mille. Notons aussi que des piliers
analogues à ceux-ci avec des demi-colonnes adossées reposant
sur des massifs quadrangulaires se retrouvent à San Pere de
Rodes et à Nant (Aveyron).
Nous aurions tendance à nous inspirer de la date de 823 pour
dater cette église, mais nous préférons nous baser sur
l'analyse architecturale.
Datation envisagée
: an 900 avec un écart de 150 ans.
Remarquons enfin les fonts baptismaux (
image 16) et la
très belle table d'autel à cupules (images 17 et 18). En
ce qui concerne la pierre de l'image
20 (couvercle de sarcophage ?), nous notons des
entrelacs ressemblant à des calligraphies.