L'église Notre-Dame de l’Assomption de Vouvant
L'image 1 de l’église de Vouvant révèle des parties nettement différenciées. En effet, si on effectue une analyse comparative des façades de chaque corps de bâtiment, on s’aperçoit que le croisillon Sud du transept est différent de l’étage 1 de croisée du transept. Les deux sont différents de l’étage 2 de croisée. Les trois sont différents de l’absidiole Sud et de l’abside principale qui pourraient être semblables entre elles et donc contemporaines.
Sur l'image 3, le fronton de la façade Nord du croisillon Sud du transept érigé à la verticale donne à penser que le transept était nettement plus élevé, à hauteur de ce pignon, et que le premier étage du clocher de croisée, supposé plus ancien, est en fait plus récent que le pignon. On envisage donc qu'initialement, les croisillons du transept devaient être couverts d’un toit à deux pentes.
On retrouve la façade Nord du croisillon du transept. Nettement plus élevée que le reste, elle s’en détache (image 5).
Elle est divisée en deux parties. Celle du bas (image 6) a été reproduite à de nombreuses reprises et très probablement étudiée. Mais on aimerait en savoir plus. Et en particulier s’il existe des correspondances avec d’autres façades ou d’autres ensembles iconographiques. En ce qui concerne la partie supérieure, les sculptures semblent dater du XVe ou du XVIesiècle (image 7).
Une telle remarque (sculptures du XVesiècle
sur le pignon du transept Nord) pose question. En effet, il
semblerait que ce pignon soit antérieur au reste de
l’édifice (croisée du transept, chevet, partie Est de la
nef) datable de l’époque romane. On peut certes envisager
que ces sculptures ont été ajoutées a posteriori. Mais pour
quelles raisons ? N’aurait-il pas mieux valu supprimer un
fronton devenu inutile ?
Sur le plan de l'image 2,
on remarque, à gauche (Ouest de l’édifice), trois travées
d’une nef. Cette nef est appelée «nef de Théodelin». Elle
est vue de face sur l'image
11 et à droite sur l'image
12.
L'image
13 présente une vue intérieure de cette nef.
Malheureusement la seule que nous ayons. Un arc entre
piliers est visible. C’est un arc double porté par des
impostes. Il correspondrait, selon nos propres estimations,
à un type d’arc de peu antérieur à l’an 1000.
La nef de Théodelin daterait donc d’une période antérieure à
l’an 1000. Mais seul un examen détaillé pourrait confirmer,
voire même affiner cette estimation.
Les sculptures du portail (image
14) pourraient aussi se révéler intéressantes. On y
voit de gauche à droite des lions dressés adossés (Xe-
XIesiècle), une scène apparentée au « personnage
à la longue chevelure » de l’image suivante, un monstre
dévorant un homme.
Sur l'image 15, on peut voir la scène
du « personnage à la longue chevelure » déjà remarqué à
Sarcé et Saint-Nicolas de Brem. Mais ici, ce personnage
féminin pourrait être une représentation de la Luxure, femme
nue encadrée par deux serpents qui lui dévorent les seins.
Ajout
au texte précédent (effectué le 27 octobre 2020)
Le texte ci-dessus a été écrit en mai 2017. Depuis cette
date, de nouvelles informations sont venues compléter notre
étude. Il y a eu tout d'abord notre visite de cette église,
en août 2020, qui nous permet de compléter le stock
d'images. À cette occasion, nous n'avons pu voir l'intérieur
de la nef de Théodelin. Cependant, nous avons pu récupérer
sur Internet des photographies de cette nef (images
de 41 à 45). Enfin et surtout, nous avons pu
recueillir des informations importantes dans les pages de
Wikipedia consacrées au village de Vouvant et à son église,
pages dont nous conseillons la lecture.
La principale de ces informations (que nous n'avions pas en
2017) est un extrait de
l'acte écrit de donation rédigé par Guillaume le Grand
d'Aquitaine entre l'année 1016 et le mois de mars 1019
:
« [...] Il
m'a plu aussi, à moi Guillaume, de construire un château,
situé en un lieu qu'on appelle Vouvant à cause de l'eau
qui s'y insinue, et je l'ai fait par la volonté de
Dieu : j'ai pensé un jour que, tandis que j'érigeais ce
château pour la dignité de mon honneur, de même, je
devais, en ce qui me concerne, pour la dignité de
l'honneur du Christ, construire un monastère en l'honneur
de la Mère de Dieu, afin qu'elle juge digne d'être celle
qui interpelle pour moi et pour toute ma lignée Dieu le
Père et son Fils ; il y avait en effet près de ce château
un mont qui, était presque entièrement entouré d'eau ;
j'ai donc fait venir l'abbé Théodelin du susdit monastère
de Maillezais et je lui ai demandé d'y défricher la forêt
et d'y bâtir une église, ce qu'il a volontiers accompli ;
j'ai décidé que cette église, avec toutes les églises et
biens qui en relèvent, soit sujette de Saint-Pierre de
Maillezais [...]. Cet acte écrit de donation en faveur du
susdit monastère de Maillezais, moi, Guillaume, duc des
Aquitains et de la cité de Poitiers, je l'ai confirmé de
ma propre main et j'ai remis au saint monastère tout ce
qui a été noté ci-dessus et j'ai ordonné aussi à mes fils
Guillaumeet Eude, en même temps qu'à mon épouse Agnès et
au seigneur évêque Gislebert et à son neveu Isembert ainsi
qu'à un grand nombre de fidèles dont les noms sont
indiqués, de le confirmer. »
Commentaire de ce
texte : Ce texte est très intéressant à plusieurs
titres. En premier lieu par sa rareté : plus les textes sont
anciens, plus ils sont rares et il reste peu d'écrits
remontant à l'an mille. Mais il est aussi important par sa
précision. La plupart des textes de cette période ne
révèlent que l'existence d'une église à une période mais
rien de sa construction.
Il faut cependant se garder de toute conclusion hâtive.
Aussi intéressant soit-il, ce texte doit être soumis à une
analyse critique. A-t-il été correctement transcrit ? a-t-il
été correctement traduit ? Et la question qui les précède
toutes : a-t-il été écrit d'une façon objective ? De telles
questions doivent être posées. Bien souvent, le chercheur
qui a la chance de rencontrer un texte ancien, ne met pas en
doute sa véracité et ce, alors que, dans la plupart des cas,
le texte ne donne que le point de vue de l'auteur et non
celui d'une éventuelle partie adverse. Dans le cas présent,
on peut penser que Guillaume qui fait la donation d'une
église à l'abbaye de Maillezais a le beau rôle. On oublie
tous ceux qui ont participé au financement de cette église
et qui ont peut-être été, pour cela, lourdement imposés.
Cependant, à la différence de divers récits historiques ou
de vies de saints destinés à promouvoir les mérites d'un
homme ou d'une communauté, un acte notarié comme l'est cet
acte de donation, est quelque chose de factuel. Nous lui
attribuons une valeur de vérité de 9, sur une échelle de 10.
Remarque :
on ne sait comment ont été trouvées les dates de 1016 et de
1019.
Extrait du texte de Wikipedia inspiré
par la charte datée entre 1016 et 1019.
« Création de Vouvant
par Guillaume le Grand d'Aquitaine (av. 1016-1019)
Aux
environs de l'an Mil, Guillaume le Grand d'Aquitaine) ...
tombe sous le charme d'un éperon rocheux entouré sur trois
côtés par une rivière, qu'il découvre, selon la légende,
lors d'une chasse tumultueuse. C'est alors que le
comte-duc prend conscience de la position exceptionnelle
et stratégique du lieu, promontoire rocheux, situé dans un
méandre de la rivière Mère. C'est également à cette époque
qu'il entame la fortification des marges nord-ouest de
l'Aquitaine afin de contenir les incursions Normandes
remontant les vallées des rivières de la Vendée et de la
Mère. En effet, ces terres situées au nord du territoire
dirigé par le compte-duc sont peu occupées. Guillaume le
Grand et l'abbé Théodelin de Maillezais entreprennent
alors la construction de châteaux et d'églises afin d'y
contrôler la grande barrière forestière de Vouvant et
Mervent. Concernant Vouvant, le comte-duc décide d'y bâtir
un château fort ainsi qu'un ensemble monastique lui
permettant d'asseoir son autorité sur le Bas-Poitou. La
construction de ce château semble également avoir vocation
à remplacer le castrum de Maillezais détruit entre 1007 et
1011.
La
première mention de Vouvant se trouve dans un acte écrit
de donation à destination de la communauté monastique de
Maillezais. Cet acte est daté entre 1016 et après mars
1019. C'est donc dans la période délimitée par ces deux
années que se situe la fondation du bourg castral de
Vouvant. »
Commentaire de ce
texte : remarquer les différences entre ce texte et
l'acte à l'origine de ce texte. Il ne semble pas qu'il y ait
d'autres actes que celui-là puisque l'auteur du texte de
Wikipedia précise : «
La première mention de Vouvant se trouve dans un acte
écrit de donation ... daté entre 1016 et après mars 1019.
». L'auteur s'est aussi inspiré d'une légende (« il
découvre, selon la légende, lors d'une chasse tumultueuse
»). Il est manifeste que l'auteur a librement interprété
l'acte de 1016-1019. Si l'acte apparaît un peu sec, le texte
de Wikipedia est quant à lui enjolivé : le comte «
tombe sous le charme ». Il « prend
conscience de la position exceptionnelle et stratégique du
lieu ». Il est certain qu'une traduction plus
poétique de l'acte rend celui-ci plus attrayant. Mais au
risque de fausser la vérité. Car l'acte de 1016 ne dit pas
que c'est le comte lui-même qui a découvert le site de
Vouvant (il est possible que la légende le dise, mais
l'essence même d'une légende est d'enjoliver une histoire).
Il est donc fort possible que l'emplacement de ce château
ait été choisi par d'autres que le comte. Et son intérêt
stratégique connu longtemps auparavant. C'est d'ailleurs ce
que laisse entrevoir le plan de l'image
16 où l'on repère l'emplacement de deux (peut-être
trois) mottes castrales antérieures au château construit par
Guillaume.
D'autres libres interprétations sont repérables dans le
texte de Wikipedia. Ainsi dans la phrase « En
effet, ces terres situées au nord du territoire dirigé par
le compte-duc sont peu occupées. », comment
l'auteur sait-il que ces terres sont peu occupées ? Et
aussi, dans la suite de phrases, « Cet
acte est daté entre 1016 et après mars 1019. C'est donc
dans la période délimitée par ces deux années que se situe
la fondation du bourg castral de Vouvant. »,
comment l'auteur peut faire cette dernière déduction ? Ce
sachant que l'acte de 1016-1019 ne témoigne pas d'une église
à construire mais d'une église déjà construite. En règle
générale, la fondation d'une communauté précède la
construction de l'église de cette communauté.
Toujours est-il que grâce à cet acte de 1016-1019, on a
connaissance de la construction d'une église aux alentours
de l'an mille. Guillaume le Grand, né vers 969 aurait
succédé à son père en 993 (à l'âge de 24 ans). Si l'on
interprète correctement le texte, il aurait eu environ 25
ans pour faire procéder à la construction d'un château et
d'une église. Les délais semblent courts mais ils demeurent
raisonnables. Le problème est de savoir s'il existe des
restes de cette église. Nous verrons par la suite que la nef
dite de Théodelin pourrait avoir fait partie de cette église
primitive.
Que nous apprend par ailleurs le texte
de Wikipedia :
« Partie haute triangulaire
(v. 1458/64) : Le portail roman (image
17) de la priorale Notre-Dame est exhaussé d'une
partie triangulaire, gothique, entre 1458 et 1464. Cette
partie est ornée de deux grandes compostions de la Cène et
de l'Ascension (image 19).
Armoiries de Jean de
Dunois. L'élément sculpté présent entre les deux
portes d'entrée de l'édifice correspond aux armes de Jean
de Dunois, comte de Dunois et de Longueville, devenu
seigneur de Vouvant en 1458 (image
18).
Partie basse carrée du
portail nord et chevet (chœur, abside et deux
absidioles) : seconde moitié du XIIesiècle. »
Dans la première partie de cet article, rédigée en 2017,
nous avions envisagé que la partie haute triangulaire
pouvait dater du XVeou XVIesiècle. Ce
sans avoir eu connaissance de la datation des armoiries de
Jean de Dunois (image 18).
Mais par l'examen des sculptures de l'image
19. Nous
sommes heureux d'être tombés justes.
Les sculptures de la partie basse carrée sont un peu
surprenantes. Datent-elles de la seconde moitié du XIIesiècle
? Nous les envisageons un peu plus tardives. Celle de l'image 20 représenterait
Samson maîtrisant un lion. Nous rencontrons pour la première
fois celle de l'image 21. Nous avons eu de la
difficulté à la reconnaître, mais ce pourrait être Dalila
coupant les cheveux de Samson endormi. Bien que très
dégradées, les sculptures des images
22, 23 et 24 laissent apparaître des traits d'une
grande finesse, plus caractéristiques de la période gothique
que de la période romane. Par ailleurs, les thèmes
représentés ne sont pas caractéristiques du roman. La
datation que nous proposons de cette partie est l'an 1225
avec un écart de plus de 50 ans.
Les chapiteaux de la nef (images
32, 33, 34) semblent encore plus récents.
Lorsque nous l'avons visitée en août 2020, la crypte (image 29), nous
apparaissait comme neuve et sans intérêt. Cette impression a
été confirmée en voyant l'image
30. Elle est le résultat d'une forte restauration.
La cuve de sarcophage de forme trapézoïdale et à logette
céphalique de l'image 31 pourrait
apparaître purement anecdotique. Il n'en est rien. Sa
présence ici prouve que l'endroit était habité à une
période tardo-antique (an 600 avec un écart de 150 ans). Et
certainement pas par une population inculte ; le sarcophage,
bien taillé, devait être réservé à un défunt de bonne
lignée.
La première partie de la nef (images
35 et 36) a été très probablement fortement
restaurée. Cela est particulièrement apparent en ce qui
concerne l'imposte de l'image
37 qui a été travaillée à la scie et non au burin.
Il existe de fortes ressemblances entre cette première
partie de nef et la seconde partie appelée «nef de
Théodelin» (images 38 et
40). L'image 39
fait apparaître une façade Ouest inachevée avec des traces
d'arrachement de piliers. Il est possible que la nef de
Théodelin ait été plus importante et que certaines travées
de cette nef aient disparu.
Passons à l'étude de cette nef de
Théodelin. Les images 42
et 43 nous montrent que le vaisseau principal de
cette nef devait être voûté en berceau plein cintre sur
doubleaux plein cintre. La surprise vient des collatéraux.
Le collatéral Sud (image
44) ne montre pas de trace de voûtement. Bien au
contraire, un pilastre semble se prolonger vers le toit sans
qu'apparaisse d'imposte qui vienne arrêter ce trajet. Il y a
là quelque chose que nous ne comprenons pas. N'ayant pas
visité cette partie, nous ne sommes pas en mesure
d'expliquer cette anomalie.
La datation envisagée
pour la nef primitive («nef de Théodelin») est l'an 1025
avec un écart de 75 ans. Nous rappelons que les datations
que nous proposons sont de 25 ans en 25 ans : ans 1000,
1025, 1050, ... et pareillement pour les écarts : 25, 50,
75.