Diverses églises de la Haute-Vienne (page 2/3) 

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Les deux églises de la Haute-Vienne étudiées dans cette page sont : l’église Saint-Eutrope des Salles-Lavauguyon, l’église abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Solignac.


L’église Saint-Eutrope des Salles-Lavauguyon


La page du site Internet Wikipedia réservée à ce site nous donne l’information suivante : « L'église Saint-Eutrope ... date du XIIesiècle. Le chœur et le clocher latéral ont été ajoutés à la fin du XIIe siècle. Les murs intérieurs sont couverts de près de 200 m2 de fresques que l'on restaure par campagnes successives depuis 1986.

Les peintures datent probablement de la période 1160 à 1195. Elles recouvrent les murs des bas-côtés et de la première travée de la nef. Sont représentés des scènes bibliques et le martyre de plusieurs saints
. ».

La nef de cette église présente une architecture assez originale que nous n’avons vue qu’à deux reprises, à Bénévent-l’Abbaye (Creuse), et à Saint-Génis-des-Fontaines (Pyrénées-Orientales). La nef est unique, voûtée en berceau légèrement brisé. La voûte s’appuie sur de grandes arcades portées par des piliers rectangulaires adossés au mur latéraux. Ces piliers sont percés d’un étroit passage (images 6, 7 et 8). L’impression donnée à l’ensemble est analogue à celle d’une nef à trois vaisseaux. Mais cette nef unique préfigurerait plutôt les nefs uniques à chapelles transverses du gothique méridional.

Nous envisageons pour cette architecture une datation dans la deuxième moitié du XIIesiècle.

Les fresques de cette église (images de 9 à 12) sont difficiles à identifier : soit les images récupérées sur Internet sont floues, soit ces fresques sont très endommagées. Elles semblent avoir été peintes peu après la construction de l’église. En conséquence, et bien qu’aucune explication ou justification n’ait été fournie, une datation entre l’an 1160 et l’an 1195 est possible.

Et donc la datation envisagée pour l’église Saint-Eutrope de Salles-Lavauguyon est l’an 1175 avec un écart de 50 ans ... en attendant une étude plus détaillée de cet édifice.


L’église Saint-Eutrope des Salles-Lavauguyon : ajout (octobre 2020)

L'étude précédente sur cette église Sainte-Eutrope a été rédigée en juillet 2018. Nous n'avions pas auparavant visité cette église et les images que nous possédions d'elle étaient des copies d'écran issues d'Internet.

Le passage en ce lieu, en septembre 2020, d’Alain et Anne-Marie Le Stang a permis d'enrichir notre documentation et de découvrir les sculptures de la façade Ouest. En voici un commentaire succint.

Image 10 : La façade Ouest.

Deux parties sont identifiables sur cette façade grâce aux différences de parement. La partie la plus ancienne semble être la partie supérieure entourant une fenêtre, de couleur grise. La partie inférieure, de couleur ocre, ne serait qu'un simple plaquage d'un mur sur la façade d'origine. Ce plaquage aurait permis de ménager un porche (soutenu par 5 ou 6 architraves) au-dessus de l'entrée.

Image 11. Détail de la façade Ouest : ensemble des sculptures. On observe sur cette façade Ouest un ensemble de sept groupes sculptés. Au centre de la partie supérieure le Christ glorieux (image détaillée 14). Au dessous de lui, des atlantes soutiennent les consoles portant les couples de colonnes. Au même niveau, à l'extrême gauche et à l'extrême droite, les lions gardiens du lieu (images détaillées 12 et 13). Au niveau inférieur, les groupes de deux bas-reliefs superposés (images détaillées 15 et 16).

Image 12 : sculpture de la façade Ouest ; lion dévorant. Ce type de représentation était très répandu, présent dès le Haut-Moyen-Âge. On le retrouve sous diverses formes qui peuvent se télescoper : lion à queue feuillue, lion dévorant, lion dominant, lion protégeant, hybride, sphinx, etc. Concernant celui-ci, on peut y voir les caractéristiques très particulières du lion à queue feuillue ; la queue passe entre les pattes arrières du lion, puis sous le corps. Elle remonte sur le ventre et elle s'épanouit en feuille (ici une pomme de pin). On y retrouve aussi les caractéristiques du lion dévorant. La proie qu'il semble dévorer (les dents sont visibles) pourrait être un être humain.

Image 13 : sculpture de la façade Ouest ; lion dévorant. Même observation que précédemment. Nous pensons que les lions, censés représenter le pouvoir temporel, étaient placés à l'entrée des églises.

Image 14 : sculpture de la façade Ouest ; Christ en Gloire. Le Christ est représenté, la main droite levée. Cette main est très caractéristique : c'est la main divine, repérable à ses trois doigts levés (pouce, index, majeur) et deux doigts baissés (annulaire et auriculaire). Il est possible qu'initialement, ce symbole ait représenté la loi romaine.

Image 15 : sculptures de la façade Ouest. Deux sculptures en bas-relief sont superposées. Celle du dessus représente un saint qui, associé au saint de l'image suivante, devait initialement encadrer le Christ Glorieux ; plus proches qu'ils ne le sont actuellement. Les deux saints désignent de leur main levée le Christ.

Le bas-relief du dessous est de facture différente. Comme son symétrique de l'image 16, il devait faire partie d'une frise qui a été morcelée. On peut voir en effet les parties supérieures et inférieures de l'encadrement, mais pas les parties latérales. Sur ce bas-relief, sont représentés deux personnages chevauchant des lions. Nous avons désigné ce thème : « Samson et le lion ». Mais nous ne sommes pas certains que le rapprochement doit être fait avec un épisode biblique.

Image 16 : sculptures de la façade Ouest. Le bas-relief du dessous représente deux hybrides affrontés : corps de lions, ailes d'aigle, tête humaine ; des sphinx ?

Image 17 : La façade Ouest ; tête féminine romaine. Il n'est pas rare que des fragments de sculptures antiques décorent des façades d'églises.

Image 18 : La façade Ouest ; fonts baptismaux. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette cuve baptismale constitue pour nous un mystère. Pourquoi est-elle décorée d'arcades ? Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous voyons des arcades décorer des sculptures. Sur des objets qui ont un sens : cuve baptismale, sarcophage. Nous pensons que ces arcades ne sont pas seulement décoratives, elles doivent avoir une signification symbolique. Il arrive parfois que des images de saints soient placées sous les arcades. Preuve d'un symbolisme de ces arcades. Mais pourquoi, dans le cas présent, il n'y a que les arcades et rien dessous ?


Conclusions provisoires pour cette église : Les nouvelles images apportées par Alain et Anne-Marie Le Stang modifient quelque peu notre précédente estimation de datation. Ces sculptures apparaissent plus anciennes que l'an 1175, avec un écart de 50 ans. Cela ne signifie pas pour autant que l'ensemble du monument soit plus ancien. Les sculptures peuvent avoir été récupérées sur un monument auparavant détruit. Nouvelle datation proposée : an 1125 avec un écart de 100 ans.




L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Solignac


La page du site Internet Wikipedia réservée à cette église nous donne les informations suivantes : « Saint Éloi naquit en 588, à Chaptelat. Il apprend son métier d’orfèvre à l’atelier de Limoges, puis va travailler à Paris sous les ordres du trésorier du roi. Son talent et sa probité le font remarquer par Clotaire II qui en fait son trésorier ; mais c’est surtout la confiance du roi Dagobert qui permet à saint Éloi de déployer toutes ses capacités de ministre. Titulaire de l’évêché de Noyon, Saint Éloi a pourtant la nostalgie du pays natal : c’est alors qu’il demande au roi la terre de Solignac pour y fonder le monastère où il compte aller mourir en paix. « Mon roi et maître, que ta bonté veuille m’accorder pour que je puisse y construire une échelle pour toi et pour moi, par laquelle nous mériterons de monter tous deux dans le royaume céleste. » Le roi répondit favorablement à cette sollicitation ...

Au VIIIesiècle, l’abbaye est plusieurs fois saccagée par les Sarrasins, causant de nombreux dégâts ; à la suite de cela, les moines reçoivent des privilèges qui seront confirmés au cours des siècles par les papes successifs. En 820, l’abbé Aigulf impose la règle bénédictine. Quarante ans plus tard, l’abbaye est incendiée et pillée par les Vikings.
»

Ce ne sont là que des extraits de la page du site Wikipedia, page abondamment fournie. Nous ne reprendrons pas les commentaires sur la fiabilité des sources que nous avons apportés à maintes reprises.


Concernant la construction de l’église abbatiale Saint-Pierre-et-Saint-Paul, la même page du site Wikipedia donne d’autres informations :

« On ne possède pas d'informations sur les églises précédant l'église actuelle. La consécration de l'église actuelle est sujette à discussion :

• Félix de Verneilh fait remonter la consécration à 1143. Mais le document sur lequel un secrétaire de l'Hôtel de ville de Limoges aurait lu cette date a disparu.

• En 1178 est une date donnée dans plusieurs textes d'un incendie qui a détruit la toiture et le mobilier de l'abbatiale et des bâtiments monastiques.

• En 1195, d'après l'abbé Nadaud, une nouvelle consécration aurait eu lieu à la suite de la reconstruction. Mais cette date est considérée par certains historiens comme douteuse.

• Le 9 mai 1211 est la date de consécration par l'évêque Jean de Veyrac donnée par le moine Bernard Ithier contemporain à l'évènement. C'est la date qui a été retenue par les Mauristes.

Un essai de chronologie de la construction a été proposé en recoupant les dates données ci-dessus avec d'autres églises à file de coupoles de la région :

• en 1117, coupoles à Saint Avit-Sénieur (disparues).

• en 1119, coupole orientale de la cathédrale de Cahors.

• vers 1110, coupole occidentale de la cathédrale d’Angoulème consacrée en 1128.

• avant 1140, fin de la construction de l’abbaye de Souillac.

Les rapprochements de style rendent probable la construction des deux travées de la nef avec coupoles avant 1143. Il en est probablement de même pour la coupole de la croisée du transept.

Il est probable que l'incendie de 1178 a dû nécessiter de restaurer le chœur de l'abbatiale qui a dû être le plus touché, mais en conservant le plan initial, car il rappelle ceux de Cahors, de Souillac et du Vigeois construit vers 1130.

Certains ont fait remarquer que si les destructions ont été limitées, la date certaine de consécration de 1211 paraît tardive. Cette date serait due à la reconstruction partielle des croisillons et des absidioles, ce que traduirait la différence entre les deux croisillons.

La tour-porche date du début du XIIIesiècle.
»

Ces informations appellent plusieurs commentaires. Le premier a rapport avec la conséecration. Qu’est-ce qu’une « consécration » ?

Le sens actuel de ce mot est peut-être différent de celui qu’il avait autrefois. Au cours d’une visite du monastère de Veruella en Espagne, nous avons été surpris de découvrir que son abbatiale avait été consacrée 4 ou 5 fois en l’espace de quelques dizaines d’années. En fait, ce n’était pas l’église qui était consacrée, mais des autels de cette église. Il est possible qu’il en soit de même pour l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Solignac. Et que les diverses hésitations sur la date de consécration soient attribuables à plusieurs dates de consécration. Qu’il y ait eu plusieurs dates de consécration ne doit pas être considéré comme un pur fantasme : si, comme le laisse entendre le texte, il y a eu en cet emplacement plusieurs édifices successifs, il y a eu fatalement plusieurs cérémonies de consécration.

Concernant la construction des bâtiments, nous relevons un anachronisme. D’une part, l’auteur semble considérer la date de consécration de 1211 comme une date de fin de travaux. D’autre part, le même auteur attribue la création des coupoles aux années 1110, 1117, 1119. Soit un siècle avant la consécration. Il nous semble que cette différence est un peu grosse. Selon nous - mais un architecte confirmerait très probablement notre point de vue - la coupole est l’élément majeur de l’architecture d’un édifice à coupoles. Si les édifices à coupole ont été construits vers l’an 1110, il est normal que Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Solignac date de cette période. Mais moins normal que cette église soit postérieure d’un siècle. Car entre-temps, quatre générations de maçons ou d’architectes se sont succédées, faisant évoluer les techniques. Or on ne constate pas de différences entre les coupoles de Solignac et celles d’autres églises à coupoles de la même région.

Aussi détaillée soit-elle, l’analyse des textes ne permet pas de résoudre les problèmes liés à la datation. Il faut donc se résoudre à étudier directement l’architecture de cet édifice.

Les images 19 et 20 de l’extérieur font apparaître, à mi hauteur, un feston d’arcatures assimilable aux arcatures lombardes de deuxième période, type de construction que nous estimons aux alentours de l’an 1100.

Le chevet (image 23) est lui aussi intéressant. En fait, il suscite beaucoup de questions. On constate tout d’abord de légères différences entre les parties hautes et les parties basses. D’abord dans la nature du matériau, d’un brun rougeâtre en haut, d’un gris verdâtre en bas. Ensuite, il nous semble que l’harmonie architecturale est en partie rompue. Observons les absidioles greffées sur l’abside principale. Cette abside principale est à plan pentagonal dans sa partie supérieure. Chacune des deux absidioles est plaquée contre une face du prisme pentagonal. Mais sa largeur est plus grande que celle du prisme pentagonal. Si bien que les lignes verticales limitant d’une part les absidioles et d’autre part les faces supérieures ne coïncident pas. Il y a là une faute de mauvais goût. On pourrait dire ceci : « Si j’avais été l’architecte de cette église, j’aurais fait en sorte que ces lignes coïncident ». En fait, nous ne pensons pas qu’il y ait eu une faute de goût, mais plutôt deux étapes de travaux bien différenciées. Au cours de la première étape, le transept et l’abside principale auraient été édifiés. Mais ce, sans absidiole. Les absidioles auraient été ajoutées plus tard.

Une autre remarque doit être faite : ce type de chevet fait aussitôt penser à un chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes. Or l’examen de l’intérieur (images 26 et 27) fait découvrir l’absence de déambulatoire !

Dans le chapitre « Évolution des ouvrages Est ou chevets » que nous devons rédiger prochainement, nous énoncerons les principes globaux de cette évolution. En particulier, ceux concernant l’abside principale. Initialement petite et mal éclairée, cette abside prend de plus en plus de l’ampleur. Elle permet d’accueillir le chœur des moines, de plus en plus important. Puis on crée, à l’intérieur de cette abside et autour du chœur des moines, un couloir qui deviendra le déambulatoire. La construction de chapelles rayonnantes vient après. L’abside définitive, à déambulatoire et chapelles rayonnantes, gardera le même plan global durant les siècles suivants, avec certes des évolutions dûes aux progrès de l’architecture.

Nous pensons que la « découverte » du chevet à déambulatoire s’est effectuée aux alentours de l’an 1100. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une vraie découverte, mais de la mise en application d’une pratique qui existait auparavant pour les cryptes.

En ce qui concerne l’abside principale de Solignac, le fait qu’elle soit de grande ampleur, mais sans déambulatoire, nous incline à penser qu’elle date de la seconde moitié du XIesiècle. Les chapelles latérales de cette abside et des croisillons du transept dateraient quant à eux du XIIesiècle. Certains éléments de ces absidioles pourraient avoir été récupérés d’un monument antérieur. Ce serait le cas de la plaque rectangulaire de l'image 24. On y voit un fauve (loup ? lion ?) dévorant un quadrupède (âne ? cheval ?). On songe ici au mythe du dieu gaulois Esus, tour à tour fauve et paisible ruminant.

Dernière constatation : l'image 25 nous fait découvrir l’intérieur de la nef. Une colonnade court à la base des murs. Le style de cette colonnade qui supporte une galerie est différent du style de la coupole portée par des arcs brisés. Nous pensons que cette coupole et les piliers qui la portent ont été installés à l’intérieur d’une nef déjà construite.

En conséquence, nous envisageons la série de datations suivantes : an 1050 avec un écart de 100 ans pour les parties supérieures du transept et du chevet, an 1150 avec un écart de 100 ans pour les absidioles, an 1200 avec un écart de 75 ans pour les absidioles du chevet, an 1200 avec un écart de 50 ans pour le couvrement par des coupoles du chevet.


L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Solignac : ajout (Octobre 2020)

La visite d’Alain et Anne-Marie Le Stang, en septembre 2020, a permis de compléter quelque peu l'ensemble des images de l'abbatiale de Solignac (images de 34 à 45). Ces très belles images donnent un aperçu de l'intérêt de cette église. Cependant, elles ne nous apprennent rien de plus sur celle-ci. À voir l'aspect archaïque des sculptures, on aurait tendance à imaginer une haute ancienneté. Nous pensons qu'il n'en est rien. Le voûtement en coupoles semble une création tardive dans l'art roman (an 1200 avec un écart de 75 ans). Les chapiteaux semblent contemporains de ce voûtement.