L'église Saint-Pierre de Varen
Selon Marcel Durliat, « Les
documents historiques concernant Saint-Pierre de Varen
sont rares. » (Haut-Languedoc
Roman de la collection Zodiaque
). Il nous apprend que le prieuré de Saint-Pierre
dépendait de l'abbaye Saint-Géraud d'Aurillac mais ajoute :
« On
ignore la date de ce rattachement à l'abbaye d'Auvergne.
Selon la tradition, le prieuré de Varen aurait été fondé
par Saint Géraud lui-même au IXesiècle, au
moyen d'une colonie de moines bénédictins envoyée
d'Aurillac. Cependant l'existence de ces liens de
dépendance n'est attestée qu'au XIIIesiècle :
une bulle du pape Nicolas IV, de 1289, cite le doyenné de
Varen parmi les possessions de Saint- Pierre et
Saint-Géraud d'Aurillac. [...] »'
La page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice
ne nous renseigne pas davantage sur l'historique de cette
église : «
Construite à la fin du XIesiècle, elle faisait
partie du système défensif de la ville, sa façade servant
de mur d'enceinte. La porte latérale a été ouverte en
1758; la porte principale fut percée en 1802, après la
disparition des fossés. L'ancien portail communiquait avec
le bourg par le chevet de l'église, il fut muré au XVIe
siècle : il en reste deux chapiteaux de facture archaïque
représentant Saint Michel terrassant le dragon (à
gauche : image 37)
et
Samson ouvrant la gueule du lion (à droite : image 36). »
Cette page poursuit par une description sommaire de
l'édifice : « Un
sobre clocher sur plan carré surmonte le chœur plat entre
deux absidioles semi-circulaires. Le bas-coté droit,
épaulé par d'énormes arcs-boutants, comporte de nombreuses
baies. Le vaisseau de style roman très pur, comprend une
longue nef aveugle, à neuf travées séparées des bas-côtés
par des piles carrées : le chœur est orné d'intéressants
chapiteaux à motif végétaux, entrelacs, animaux affrontés,
chérubins encadrant l'arbre de vie, et de stalles du XVIIesiècle.
»
La datation du XIesiècle
donnée par la page Wikipedia (« Construite
à la fin du XIesiècle ») ne nous
surprend pas. Si vous êtes un lecteur assidu de notre site,
vous devez trouver que nous nous répétons sans cesse. Mais
nous allons faire comme si vous étiez un lecteur
occasionnel, uniquement intéressé par cette belle église de
Varen.
Donc, ami lecteur, sachez que nous avons remarqué que, d'une
façon quasi systématique, tous les édifices antérieurs à
l'an 1200, ont été datés par les historiens de l'art, du XIeet
du XIIesiècle. Ce qui signifierait donc qu'il ne
subsisterait aucun édifice antérieur à l'an mille. Et ce
depuis les débuts des constructions d'églises, au IVe
siècle. Soit environ sept cent ans. Les exceptions à ce
discours sont rares. Ces historiens de l'art font quelques
concessions. Par exemple, en descendant la datation jusqu'à
l'an 950. Et pour des édifices de petites dimensions, de
facture archaïque.
En conséquence des observations que nous avons faites, et
tout aussi systématiquement que les historiens de l'art qui
nous ont précédé, nous rejetons leurs estimations de
datation. Tout en acceptant qu'un édifice donné ou une
partie d'édifice puisse dater du XIeou du XIIesiècle.
Nos propres estimations de datation reposent sur l'analyse
de l'architecture des édifices.
Les
images 1, 2, 3, 4 et 5 de l'extérieur sont peu
révélatrices d'une dataion. Hormis le fait que les fenêtres
à un ressaut, dépourvues de décoration, sont selon nous
antérieures aux belles fenêtres romanes encadrées par deux
colonnettes supportant des chapiteaux et des arcs
semi-toriques attribués au XIIesiècle. Nous ne
savons pas de quand datent celles-ci, mais nous pensons
qu'elles apparaissent à la période carolingienne et qu'elles
ont été utilisées pendant plusieurs siècles.
Le plan de l'image 6 fait
apparaître l'existence d'au moins deux étapes dans la
construction de la nef. On peut en effet voir à partir de la
gauche une partie de nef constituée de neuf travées séparées
entre elles par huit couples de deux piliers à section
rectangulaire (images 7, 8
, 9, 10, 11, 12). Puis une partie de deux travées
séparées par deux rangées de piliers à section cruciforme (images 13, 14 et 15).
Mais revenons à la première partie. On constate une anomalie
architecturale. Cette anomalie concerne les piliers. Nous
venons de dire que leur base est rectangulaire. Mais le
sommet ne l'est pas ! Plus exactement, c'est la base des
arcs reliant ces piliers qui ne l'est pas. Ces arcs sont
doubles. Ils se rejoignent au sommet des piliers. En cet
emplacement, la retombée des arcs a une section cruciforme.
Nous estimons qu'il y a là une anomalie. Car il y a
discontinuité des tracés. Si l'architecte avait prévu dès le
début de construire des arcs doubles au dessus des piliers,
il aurait fait directement des piliers cruciformes. Nous
envisageons l'hypothèse suivante. La nef primitive était à
plan basilical, à trois vaisseaux charpentés. Les piliers
actuels sont les piliers primitifs. Ces piliers étaient
reliés entre eux soit par des arcs simples, soit plus
probablement par des linteaux de bois. Ultérieurement, ces
linteaux ou arcs auraient été remplacés par les arcs
doubles. Les murs auraient été abaissés et la charpente
remplacée par une voûte en berceau brisé. Cette deuxième
campagne de travaux se serait effectuée durant le XIIIesiècle.
Les deux travées de la deuxième partie de la nef ainsi que
les deux absidioles témoignent d'une autre campagne de
travaux. Le style est totalement différent de celui vu
auparavant : colonnes demi-cylindriques engagées,
chapiteaux, arcs outrepassés.
Dernière observation : on nous dit que le portail principal
se trouvait côté Est. C'est-à-dire à l'emplacement de
l'endroit où se trouve habituellement l'autel principal. Ce
qui selon les auteurs signifierait que l'orientation de
l'église est inversée : chœur à l'Ouest et entrée à l'Est.
Or la lecture du plan de l'image
6 nous amène à affirmer que ce plan est très
caractéristique de nombre d'églises antérieures à l'an
mille. C'est le plan d'une église à nef de trois vaisseaux
et à chevet à trois absides semi-circulaires situées dans le
prolongement des trois vaisseaux. Bien sûr, l'abside
centrale demi-circulaire a disparu. Mais compte tenu de nos
connaissances en architecture médiévale et du petit nombre
de plans-types, nous estimons qu'une telle abside a existé
et qu'elle a été remplacée par une entrée orientale.
Évolution
des constructions et datation
Nous envisageons le déroulement suivant :
Une première église est construite. Elle est formée d'une
nef charpentée à trois vaisseaux et constituée de neuf
travées (les neuf vues précédemment, et peut-être une
abside). Cette église primitive daterait de l'an 650 avec un
écart de 200 ans.
Plus tard (an 900 avec un écart de 150 ans), on décide de
refaire le chevet et d'aménager une sorte de transept (ce
sont les deux dernières travées et les absidioles). Le sol
de cette partie est surélevé. Peut-être pour une crypte ?
Plus tard encore (an 1050 avec un écart de 75 ans), sans
doute pour des raisons de sécurité et de défense de la
ville, le portail de la façade Ouest est condamné et on
construit un portail côté Est, à l'emplacement de l'abside
centrale.
Enfin, au XIIIesiècle, on érige une voûte en
berceau brisé sur le vaisseau central de la nef.
Les chapiteaux
Ces chapiteaux sont remarquables par leur richesse et
l'inventivité des formes.
On y trouve des entrelacs (images
16 et 17), des feuillages (images
18, 19 et 21).Et parfois un mélange des deux,
entrelacs et feuillages (images
20 et 22).
Parmi les entrelacs, on peut voir le « sceau de Salomon »,
sorte de croix à entrelacs (images
19, 21 et 25). On découvre aussi des volutes (images 23, 24 et 26).
Sur l'image
28, on peut voir un masque animal crachant des
feuillages à côté d'un arbre de vie, une vigne très stylisée
avec des grappes de raisin.
L'image 29 présente
des lions à queues entrelacées.
Un autre arbre de vie a été installé entre deux hommes
accroupis (image 30).
Image 31 : C'est
une vue différente du chapiteau de l'image
28.
Image 32 : Ce
chapiteau a été très finement exécuté. Ainsi que d'autres
vus auparavant mais dans une moins grande mesure ; il ne
s'apparente pas aux chapiteaux romans classiques. Le style
est différent. Le thème est lui aussi différent de ceux que
l'on rencontre habituellement : la scène représente un arbre
de vie encadré par deux personnages ailés levant les bras
comme des orants. Enfin, le costume drapé des anges
s'apparente plus à un costume romain que roman.
Image 33 : On a
ici une tête de taureau. Le taureau a été vénéré dans la
région de Toulouse dans l'Antiquité (Culte de Mithra,
Martyre de Saint Sernin sacrifié par un taureau furieux).
Les images
34 (« Daniel dans la fosse aux lions »), 35
(un archange ?), 36
(« Samson et le lion ») et 37
(« Saint Michel terrassant le dragon » sont celles des
chapiteaux du portail qui a remplacé l'abside centrale.
L'image 38 est
celle d'un bénitier. Mais en fait il s'agit d'un autel
antique qui a été mis en sens inverse (la tête en bas) :
l'arcade est en sens inverse.
Le chapiteau de l'image 39
a la particularité suivante : il a été sculpté sur
trois faces. Il était destiné à être posé sur une surface
plane.